Le dramma giocoso en deux actes (1787) sur une musique de Wolfgang Amadeus Mozart et un livret de Lorenzo Da Ponte est donné en DIRECT du Palais Garnier le 21 juin à 19h30 au CGR Blagnac.
“Avant tout pour moi est l’opéra“ Wolfgang-Amadeus Mozart, 1782
La direction musicale est confié au Directeur musical des Opéras de Paris, Philippe Jordan avec ses troupes habituelles qui sont l’Orchestre et Chœurs de l’Opéra national de Paris. La mise en scène est confiée à Ivo Van Hove, avec des décors et des lumières de Jan Versweyveld, une dramaturgie réglée par Jan Vandenhouwe. C’est une
coproduction avec le Metropolitan Opera, New York. L’opéra est donné en langue italienne, sous titré en français, et dure 3h 30 dont un entracte de 30 mn. La présentation, cela va sans dire est assurée par Alain Duault.
Cinq cent vingt-septième œuvre conçue par un homme de trente et un ans, véritable tableau-bouffon dramatique de l’Eros, œuvre maîtresse de son auteur, grâce à Don Giovanni, Wolfgang Amadeus Mozart entre dans le petit groupe des Immortels de l’Histoire de la Musique.
Tous les personnages sont des morceaux de Don Juan nous livre Sören Kirkegaard dans Le Don Juan de Mozart :
« Mais quelle est donc cette force avec laquelle Don Juan séduit ? Il le fait avec l’énergie de la convoitise, de la concupiscence. Dans chaque femme, c’est le sexe féminin tout entier qu’il convoite ; c’est là que repose la force d’idéalisation sensuelle qui lui permet à la fois d’embellir son butin et de séduire celui-ci. Le reflet de cette gigantesque passion embellit et libère ce qu’il convoite, et qui brille d’une beauté accrue dans son reflet. Tout comme la flamme de l’exaltation éclaire de son irrésistible clarté même ceux qu’elle ne touche pas, pourvu qu’ils soient seulement en relation avec elle, de même il illumine bien plus profondément chaque femme dans la mesure où sa relation avec lui est de nature plus essentielle. »
L’œuvre est créée à l’Opéra italien Ty de Prague le 29 octobre 1787. L’intérêt particulier de son action apparaît dans l’opposition permanente entre style tragique et comique. Dramma giocoso est-il dit, et les deux mots ont autant d’importance. D’une écriture miraculeuse où chaque note participe à la caractérisation, des personnages, des lieux et des temps de l’action, la musique dessine, le jour et la nuit, le rire et la cruauté, le divertissement et le tragique, le désespoir, l’amour, la mort et la vengeance, la noirceur, mais guère d’innocence, enfin, la dérision : un vrai dramma giocoso (drame gai) annoncé déjà par le titre du livret de Lorenzo da Ponte : Il dissoluto punito o sia il Don Giovanni.
Jusqu’au choix du registre grave – baryton ou baryton-basse – pour le héros, Don Juan, d’un sujet qui débute par un crime et se termine par la damnation éternelle du meurtrier grâce à une puissance extra-terrestre, sous la forme du Commandeur. Don Giovanni, c’est Étienne Dupuis, québécois, dont vous lirez un passionnant entretien sur Forum Opéra au sujet de cette prise de rôle, un baryton au très bel avenir, assurément. Le Commandeur est interprété par Ain Anger. Entre temps, la loi du désir aura régenté la plupart des personnages qui se livrent à une étonnante partie de cache-cache, entre eux, mais aussi avec eux-mêmes, qui veulent et ne veulent pas, voudraient être là, et ailleurs, plus fortunés mais libres, tel Leporello, le valet du maître, ici, Philippe Sly, basse-baryton canadien qui lui, a déjà chanté le rôle de Don Juan à Aix, à même pas trente ans.
Ou bien, ces jeunes femmes qui rêvent d’être serrées par des bras qu’elles savent déjà perdus, amoureuse de l’assassin de son père telle Donna Anna – Jacquelyn Wagner – ou de l’infidèle notoire ainsi Donna Elvira – Nicole Car ou par devoir envers le seigneur comme Zerline – Elsa Dreisig – jeune recrue qui brûle les planches des scènes lyriques, fille de Gilles Ramade, artiste bien connu sur la région. Une confrontation avec trois personnages féminins entièrement différents dont Mozart fait des figures musicales pleines de vie. Quant à Don Ottavio, là aussi, nouvelle recrue enthousiasmante des scènes lyriques plus que prometteuse, Stanislas de Barbeyrac, le promis de Donna Anna, il n’est là qu’au titre de faire-valoir de Don Giovanni, même si ses airs pour ténor sont parmi les plus beaux de l’époque. Zerline aura beaucoup de mal pour ne pas céder aux avances plus qu’avancées et ce n’est pas ce cher Masetto, son futur époux, Mikhail Timoshenko (plusieurs fois présent au Capitole) qui va beaucoup l’aider.
Ce sera le héros qui, constamment, cautionnera le versant giocoso, utilisant sans cesse l’arme de la dérision, les pirouettes du rire, joyeux, ou désespéré ?
Un héros qui pourtant n’entonne que trois airs, en un mot qui ne chante pas mais avance, renverse tout sur son passage, poussé par la musique qui le soutient, accompagne ses rugissements, aiguillonne son désir permanent, et l’achève net avant qu’il ne soit consommé.
A la tension succède une phase d’apaisement, dans de formidables ellipses qui dérobent à Don Juan son plaisir ! Don Juan est un jouisseur qui n’a pas de temps à perdre. « Il séduit avec l’énergie de la convoitise et de la concupiscence. Dans chaque femme, c’est le sexe féminin tout entier qu’il convoite. C’est là que repose la force d’idéalisation sensuelle qui lui permet à la fois d’embellir son butin et de séduire celui-ci. »Il a envie d’expériences toujours renouvelées, puissante machine à réagir, à séduire, à se rebeller, qui n’est pas prêt à subir un échec, et Donna Anna sera son premier, et alors tout va partir de travers. La machine s’est enrayée. Tout bascule. Les facettes du rôle principal sont nombreuses et le classe parmi les plus difficiles du répertoire sur le plan de l’interprétation scénique.
Chaque nouvelle confrontation avec ce grandiose drame musical et ses personnages caractérisés par leur richesse impose obligatoirement de faire un choix pour ne retenir qu’un des nombreux aspects de cette œuvre. On peut à peine s’imaginer une mise en scène et une interprétation musicale susceptibles de rendre avec justesse toute la richesse de cette extraordinaire partition. Baroque, romantique, contemporain, Don Juan a mille fois brûlé en enfer et mille fois ressuscité de ses cendres. Il est venu interroger et susciter les commentaires, les analyses, les mises en perspectives historiques ou philologiques…rien n’y fait, les enfers l’engloutissent et avec lui, le secret de son atypicité. Le cas Don Juan semble épuiser l’analyse et face aux nombreuses tentatives visant à l’épingler, il garde sa diabolique opacité.
C’est bien là que s’illustre la qualité sans égale de cet opéra qu’E.T.A. Hoffmann, écrivain allemand, décrira à juste titre comme « l’opéra des opéras ».
Cinéma CGR Blagnac
Don Giovanni • Wolfgang Amadeus Mozart
vendredi 21 juin 2019 à 19h30