Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 10 Novembre 2017. Rimski-Korsakov. Tchaïkovski. Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg ; Direction : Yuri Temirkanov.
La Grande Russie à Toulouse
Concert prestigieux qui dans la ville rose a mené un orchestre et un chef russes. Yuri Temirkanov et l’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg sont des ambassadeurs de poids. La comparaison avec notre orchestre et notre chef russo-toulousain, Tugan Sokhiev, ne pouvait que stimuler notre écoute. Et bien ce fut très intéressant de découvrir très assagi le grand maestro Yuri Temirkanov à la tête de son orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg. Il en assure la direction artistique depuis 1988.
Le programme entièrement russe avait une allure de manifeste. Rimski-Korsakov dans les pages extraites de sa légende de la ville invisible de Kitège est un résumé des qualités dramatiques du compositeur. La variété d’humeur et la subtilité rythmique, la beauté des mélodies ont été un peu trop discrètes dans une interprétation assez monolithique. Certes la gestuelle minimaliste de Yuri Temirkanov n’est comparable à nulle autre et fascine au premier regard, mais si le résultat est flamboyant en terme de couleurs saturées et de nuance forte quasi permanente il y a bien peu de subtilités. Les pages de Francesca da Rimini de Tchaïkovski encore plus sombres et dramatiques n’ont pas non plus convaincu autrement que par une splendeur orchestrale extravertie presque à la manière des orchestres américains des années 80. Puissance et hédonisme sonore ne suffisent pas à mettre en valeur les splendeurs de cette partition très romantique.
La Cinquième symphonie de Tchaïkovski est un chef d’œuvre adoré du public et tout particulièrement à Toulouse depuis que Tugan Sokhiev nous la propose régulièrement. Il a fallu attendre le dernier mouvement pour que l’orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg s’envole et nous transporte. Car les mêmes qualités et les mêmes limites se sont retrouvées dans les trois premiers mouvements. Puissance et beauté sonore mais brute sans les phrasés élargis, sans la précision rythmique, la variété de couleurs et de nuances auxquelles nous sommes habitués. L’andante cantabile est certes senza licenza mais aussi sans âme. Le texte musical simplement présenté, les nuances faites naturellement par l’addition des instruments, chaque famille œuvrant à une démonstration de sa splendeur, lassent l’oreille par la prévisibilité des effets. La valse droite dans se bottes ne danse pas avec les sentiments. Le final a lui été mieux construit et superbement joué par un orchestre splendide. Des cuivres puissants, des cordes solides et des bois sensibles.
Ce qui peut s’apparenter à une tradition Russe est en fait aujourd’hui un peu fade à coté des propositions interprétatives intégrant des notions de recherche de couleurs et de nuances plus lumineuses et claires dans la musique de Tchaïkovski qui admirait tant Bizet. Une plus grande précision rythmique et des phrasés plus subtilement agencés mettent en valeur le drame et les émotions fortes contenues dans ce répertoire de plus en plus apprécié et compris pas le public toulousain gâté par un Orchestre du Capitole qui y excelle sous la baguette si inspirée de Tugan Sokhiev.
La Halle-aux Grains est de plus une salle qui certes sonne bien mais demande de prendre en compte une acoustique particulière. La saturation n’était pas loin et dès le début du concert de ce soir. Un travail plus précis sur le son assure une meilleure musicalité. Cela fait peut être aussi parti des qualités des chefs et des orchestres invités, savoir faire avec cette acoustique si particulière.
Hubert Stoecklin
Compte rendu concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 10 Novembre 2017. Nicolaï Rimski-Korsakov (1844-1908) : Tableaux musicaux de la Légende de la ville invisible de Kitège ; Piotr Ilitch Tchaïkovski (1840-1893) : Francesca da Rimini, op.32 ; Symphonie n°5 en mi mineur op.64 ; Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg ; Direction : Yuri Temirkanov.