Le Directeur artistique du Théâtre du Capitole, Christophe Ghristi, nous parle des effets dévastateurs du coronavirus sur la saison lyrique et chorégraphique de l’institution culturelle historique de la Ville de Toulouse.
Classictoulouse : Le Théâtre du Capitole, comme toutes les institutions culturelles, est donc fermé jusqu’à nouvel ordre par décision gouvernementale suite à la pandémie que traverse le monde entier. Vous avez juste eu le temps de finir les reprises de L’Elixir d’amour de Gaetano Donizetti. Par contre la nouvelle production de Platée, l’opéra-ballet de Jean-Philippe Rameau, a malheureusement subi un autre sort.
Christophe Ghristi : Oui nous avons interrompu les répétitions après deux semaines de travail. Il devenait impossible d’être si nombreux sur un plateau et je comprenais très bien l’angoisse de la contamination sur un espace si réduit. Toute l’équipe était très triste et nous avons fait tout notre possible pour trouver une nouvelle période pour présenter cette production. Platée reviendra à Toulouse bientôt !
: Début mai commencent les représentations de Jenufa de Leoš Janáček. On imagine bien le début des répétitions fin avril… D’autres spectacles ont été annulés ou sont sur le point de l’être…
C. G. : Nous avons décidé de reporter la création du ballet Toulouse Lautrec au mois de novembre. Une nouvelle production dans ce contexte était inimaginable et il était encore temps de mettre cette production dans le programme de saison 20/21. Nous n’avons pas hésité. Pour Jenufa, nous attendons les instructions du gouvernement. Nous ne voulons pas devancer les annulations et si c’est possible, nous jouerons. Nous sommes là pour ça, non ?
: Le Directeur du Met de New York vient de faire savoir qu ’il se retranchait derrière la clause de Force Majeure incluse dans tous les contrats qu ’il a signés et qui de fait l ’exonère de tout paiement aux artistes en free lance. Dans la foulée il a annulé toute la suite de la saison. Quelle est votre position face à ce grave sujet ?
C. G. : Le Met, c’est un autre modèle économique. Les États-Unis, sont aussi un autre modèle social et culturel. Comme nombre d’autres institutions culturelles françaises et européennes, notre administratrice Claire Roserot de Melin et moi-même avons tout de suite voulu afficher notre solidarité avec les artistes. La Métropole de Toulouse a également fait ce choix, ce qui est courageux et louable. Nous avons parlé très ouvertement avec les artistes et avons trouvé une solution qui protège tout le monde. C’était là l’essentiel.
: Quelle est la situation ce jour du personnel attaché à l’activité du Théâtre du Capitole : chœur, techniciens, danseurs, etc. ? Un arrêt d ’activité de plusieurs semaines est certainement préjudiciable artistiquement autant aux danseurs qu ’aux choristes. Chacun est libre d ’aborder cette période selon ses choix ou bien un planning « d’entretien » leur a-t-il était proposé ?
C. G. : Tout le monde se tient prêt et est impatient de rouvrir le théâtre. Nos artistes du chœur travaillent leur tchèque (ndlr : dans l’éventualité du maintien de Jenufa). Et nos danseurs entretiennent leur forme. Kader Belarbi (ndlr : directeur de la danse) a enregistré pour eux en vidéo le cours quotidien. Le télétravail a été adopté dès qu’il était possible. Et certains de nos agents se sont portés volontaires pour aider les services municipaux qui en avaient besoin.
: Il est malheureusement trop facile d ’imaginer le lourd déficit qu ’une telle situation engendre dans votre budget. Peut-il avoir un impact sur les saisons à venir ? Voire sur la fin de la présente saison ?
C. G. : Malgré tout nous avons tenu à lancer notre saison le 2 avril par les moyens disponibles, digitaux avant tout. Nos abonnés vont recevoir la brochure papier chez eux. Et les abonnements sont ouverts. Bien sûr l’accès au guichet n’est pas possible pour l’instant ni le téléphone. Mais l’abonnement est possible par correspondance et en ligne.
: Une fois cette pandémie terrassée, comment voyez-vous la sortie de crise dans l’univers de la Culture ?
C. G. : La sortie ne pourra être que progressive et difficile… Les grandes institutions culturelles joueront un rôle primordial dans cette reconstruction. J’ai toujours eu un sens aigu du service public et nous serons là pour rallumer la lumière dans un monde bien assombri.
Robert Pénavayre
une chronique de ClassicToulouse