Pour un tel célébrissime melodramma buffo en deux actes, il faudra bien deux distributions et huit représentations pour contenter un public toujours aussi avide de ce chef d’œuvre du “grand panda fainéant“, le sieur Gioacchino Rossini. C’est à partir du 20 mai 2022 au Théâtre de l’Opéra national du Capitole de Toulouse.
« Il restera de moi le 2eme acte de Guillaume Tell, peut-être le 2eme d’Otello et tout le Barbier » affirmait Rossini.
Il Barbiere di Siviglia est le seul opéra, à n’avoir jamais quitté l’affiche des théâtres depuis sa création houleuse un 20 février 1816 à Rome. Mais dès les jours suivants, et très aidé alors par le chanteur du rôle de Lindoro, un certain Manuel Garcia, père de La Malibran et de Pauline Viardot, la vague va déferler sur l’Europe et conquérir les Amériques, avec les moyens de com’ et de transport de l’époque !!. Pour nous livrer cette œuvre, toute de finesse, de gaieté mordante, d’une seule coulée vitale, il faudra toute l’énergie d’un chef comme Attilio Cremonesi, toute son ardeur communicative pour emporter les musiciens de l’Orchestre national du Capitole qui auront à cœur de mener au triomphe toujours, cette œuvre ardente, brillante et provocante, d’un tournoiement vertigineux d’airs, de récitatifs, d’ensembles (ah, le superbe sextuor plus chœur du second acte !) …Une musique se caractérisant par une instrumentation ingénieuse ainsi que par une tension entre un accompagnement continu et une action mélodique variable, toutes les voix guidées musicalement faisant alors preuve d’une grande virtuosité. On est loin du vieux cliché d’une musique légère et manquant de sérieux. Sachons aussi que Rossini ne dédaignera pas faire quelques emprunts à ses propres ouvrages. Il y a urgence, les délais de la commande sont très courts.
Il faudra aussi lancer les assauts de tous les protagonistes, les, Figaro, Rosine, Basile, … sans oublier les membres du Chœur du Capitole placé sous la houlette de leur Directeur Gabriel Bourgoin. C’est une nouvelle coproduction avec, à la mise en scène, Josef Ernst Köpplinger et pour le trio, Décors, Costumes et Lumières, Johannes Leiaker, Alfred Mayerhofer et Michael Heidinger.
Compositeur majeur, à la fois populaire et énigmatique, plutôt excentrique et éclectique dans l’écriture, né un …29 ! février 1792, corniste de formation, il écrit son premier opéra à l’âge de dix-neuf ans, débutant alors une fulgurante carrière de faiseur d’opéra, qu’il arrête net à trente-sept ans laissant une trentaine d’ouvrages lyriques entre opera seria et opera buffa.
En treize jours, il trousse la musique de son Barbiere, sur un livret écrit en onze comédie pleine de confusion et de complications, à laquelle il donne force et folie, par un délire d’accumulations et de crescendos saisissants, que le public de la première le 20 février 1816 ne goûtera pas du tout, tout acquis alors à la cause du concurrent et vieux Paisiello. Ce sera triomphal le 27. Le sort de ce dernier et de son propre Barbier est donc rapidement réglé et le succès retentissant de Rossini jamais démenti depuis.
« Un vieillard amoureux prétend épouser demain sa pupille ; un jeune amant plus adroit le prévient, et ce jour même en fait sa femme, à la barbe et dans la maison du tuteur. Voilà le fond, dont on eût pu faire, avec un égal succès, une tragédie, une comédie, un drame, un opéra, et cætera. L’Avare de Molière est-il autre chose ? Le grand Mithridate est-il autre chose ? Le genre d’une pièce, comme celui de toute autre action, dépend moins du fond des choses que des caractères qui les mettent en œuvre. » Ainsi écrit Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais, horloger, brasseur d’affaires, diplomate, dramaturge, philosophe et aventurier, musicien à ses heures, l’entreprenant personnage auteur de la pièce dont est tiré le livret, Le Barbier de Séville ou La précaution inutile.
Mais si l’intrigue du Barbier est bien un des thèmes les plus rebattus de la tradition comique, peu importe car le choix du livret est très heureux. En quelques jours, Rossini va composer pour les personnages qui l’animent, les airs les plus fous. On le baptise “Monsieur Crescendo“. C’est aussi bien pour l’amoureux, Lindoro – Il Conte Almaviva –, un ténor à la diction claire et élégante, possédant un registre aigu aisé. À la tâche, Kévin Amiel ou Petr Nekoranec. Pour le barbon Dottore Bartolo, ici ou Paolo Bordogna ou Yuri Kissin, c’est une basse comique se caractérisant par une grande plasticité du phrasé, une agilité tout à fait surprenante et son ami Don Basilio, qui atteint la gloire avec une seule aria, le fameux “La calumnia è un venticello“ suprême démonstration de virtuosité pour une voix de basse. Qui vont s’y frotter, ce sont Roberto Scandiuzzi ou Julien Véronèse.
Sans oublier le valet et barbier Figaro, engagé par le très noble comte Almaviva et qui aura tôt fait de mettre son ingéniosité au service de l’énergie – et la rouerie ? – féminine. Doté d’une voix de baryton, il est spirituel, audacieux et aventurier, qui sait son monde et en dénonce les injustices, à la fois l’héritier de l’Arlecchino italien, du Scapin de Molière et de l’Arlequin de Marivaux. C’est la voix de Beaumarchais. C’est pour Florian Sempey ou Vincenzo Taormina.
Quant à l’élément central, c’est bien la femme “rossinienne“, ici Rosina, très habile à manier les fils de l’intrigue, qui se joue de son vieux tuteur, manipule le valet, finaude avec son soupirant, afin d’arriver à ses fins, épouser tout simplement celui dont elle s’est éprise. C’est un des rares opéras où la chanteuse renverse les obstacles pour faire triompher la femme. À la douce Rosine de Beaumarchais, Rossini prête l’impétuosité d’une souveraine, déterminée à se libérer de toute tutelle pour aimer selon son désir. C’est donc à Rosine qu’il offre d’exprimer son insatiable et joyeuse gourmandise de la vie. Eva Zaïcik et Adèle Charvet relèvent le défi, deux voix plutôt dans le registre mezzo-soprano. (Rossini avait écrit ce rôle pour contralto colorature.) On n’oublie pas Berta, chanté par la mezzo Julie Pasturaud, complice de Rosine et, bien sûr, membre du torride sextuor de l’acte II.
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