Le Quatuor Modigliani ouvre grand l’ avenir
Le festival Chambre avec vues en est à sa troisième édition. Ce pari audacieux de faire entendre de la musique de chambre en pays rabastinois, en des lieux souvent rares, bénéficie cette année du parrainage du prestigieux Quatuor Modigliani dont la valeur n’attend pas non plus le nombre des années. En l’Orangerie du très beau château de Saint Gery, toute de brique et de chaux blanche, la noblesse a rencontré la grâce sous le voile de l’éternité. L’instabilité de la météo a forcé à ce repli obligeant plus de 100 personnes à renoncer au concert car le vaste parc initialement prévu aurait pu accueillir tous ceux, trop nombreux, qui sont venus demander des places.
L’acoustique parfaite du lieu, sa simplicité ont été d’un rare charme, permettant de découvrir un beau lieu de concert.
Les Modigliani qui voyagent dans le monde entier ont accepté l’invitation en cette campagne tarnaise en voisins.
Dès l’adagio presque atonal du quatuor D 46 de Schubert l’impression d’inquiétante étrangeté qui s’en dégage a saisi le public. Il est si troublant que cette œuvre si forte soit celle d’un tout jeune Schubert âgé de 16 ans ! La complicité de tous les instants par les regards, les sourires et les respirations est si belle à voir et si sensible à entendre ! Les concerts de ce quatuor sont chaque fois un instant magique. Cette œuvre de jeunesse porteuse déjà de grands moments a ouvert une série de trois œuvres associée pour cette raison. En effet le premier quatuor de Chostakovitch ( qui en écrira 15) date de 1938, proche du divertimento il a une allure classique, tout en mélangeant l’ordre habituel des quatre mouvements. L’humour et le grotesque si fréquents chez le grand compositeur russe sont ici magnifiés par la complicité malicieuse des musiciens qui en offrent une interprétation très accomplie. Se distingue la sonorité riche et profonde de l’alto de Laurent Marfaing dans le deuxième moderato.
Après l’entracte c’est à Félix Mendelssohn de proposer son premier quatuor.
Un CD récent chez Naïve permet de retrouver cette œuvre par ces interprètes, le concert permet de noter la belle évolution avec un gain en souplesse et en invention et un engagement émotionnel encore plus fort.
Le public prompt à fêter ces interprètes enthousiasmants a obtenu deux bis. Une Polka de Chostakovitch adaptée pour le quatuor à cordes avec un humour inénarrable. Et le sublime mouvement lent, andantino avec sourdines, du quatuor de Debussy d’une infinie sensualité.
Un mot du public musicien qui a apprécié le silence suivant la musique en respectant ce moment si beau suivant le dernier accord (surtout la fin si délicate du quatuor de Mendelssohn), avant de tonner de ses applaudissements. Un instant de grâce à Saint Gery pour ouvrir le troisième festival Chambre avec vues. Les Modigliani ont été des passeurs vers l’infini.
Hubert Stoecklin
Article intégral sur classiqueniews.com