Compte rendu concert. Quarantième Festival International de Piano. La Roque d’Anthéron. Parc du château de Florans, le 8 Aout 2020. Intégrale des 32 sonates de Ludwig Van BEETHOVEN (1770-1827). Nour Ayadi ; Claire Désert ; Kojiro Okada ; Jean-Efflam Bavouzet ; François-Frédéric Guy.
Quatrième concert : Espace Florans, 17 h.
Sonates 23 ;24 ; 25 ; 26 ;27 ; 28. Les grandes sonates titrées
A nouveau le public retrouve les charmes de l’Espace Florans avec cette vue si belle sur l’allée de platanes faisant comme une nef. La toute jeune pianiste marocaine de 21ans se lance dans une très belle interprétation de la sonate « Appassionata ». Le jeu est élégant, la virtuosité assumée et le sentiment d‘urgence du premier mouvement tout à fait intéressant. La tension retombe dans l’apaisement de l’andante et le chant se déploie avec liberté. Le final avec ses salves est énergique à souhait dans une belle maitrise du tempo. Cette jeune pianiste a des choses à dire et sait trouver facilement le contact avec le public.
Claire Désert va nous transporter dans les univers très différents de deux sonates que nous pourrions évoquer comme plus sentimentales. « A Thérèse » et surtout « Les adieux ». Sonates respectivement numérotées 24 et 26. Le jeu délicat de Claire Désert est un régal de poésie en musique. La technique est toujours mise au service de l’expression et le voyage dans les humeurs variées beethoveniennes est très prenant. Claire Désert sait dire sa vision de ces sonates si connues et avec sa personnalité sensible sait tenir son public en haleine.
La sonate 25 revient au jeune Kojiro Okada qui l’aborde avec élégance et souplesse. Le « presto alla tedesca » avance avec facilité de manière mozartienne toute en délicatesse et les nuances sont très bien réalisées. La touche de mélancolie de l’andante est très agréablement nuancée par Kojiro Okada. Il sait mettre la technique nécessaire dans le final sans en faire trop, gardant toujours une suprême élégance. C’est bien ce qui caractérise le jeu de ce jeune homme, l’élégance et la mesure.
La sonate 27 porte les titres des mouvements en allemand et pourrait bien parler d’une histoire d’amour dont la fin ne serait pas malheureuse. François-Frédéric Guy sait nous y entrainer avec un sens aigu de la rhétorique et une noblesse de ton, une musicalité toujours émouvante. La beauté du son, sa profondeur font de ces belles mélodies un vrai bonheur. La toute fin pianissimo et s’évaporant est d’une délicatesse exquise.
La sonate 28 malgré des indications de « ma non troppo », qui reviennent deux fois, deviennent une scène de théâtre pleine d’excès sous les doigts de Jean-Efflam Bavouzet. Est-ce cette pondération, cette élégance et cette noblesse des interprètes précédents qui nous ayant charmé nous gâche les effets de Jean-Efflam Bavouzet ou est-ce vraiment ce jeu extraverti, pourtant efficace, qui ne nous plait pas ?
Le cadre noble et émouvant de la cathédrale de platanes est peut-être pour quelque chose dans ce inadéquation ressentie à l’écoute du jeu de Jean-Efflam Bavouzet. Car le charme de ce coin de parc est très prenant comme un lieu de musique quasi improvisé, propices aux confidences plus qu’aux effusions bruyantes.
Hubert Stoecklin