Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle
Sans la bande originale de Miles Davis, le premier long-métrage de fiction de Louis Malle aurait-il eu une telle postérité ? Pas sûr tant la musique du génial trompettiste (accompagné par un quartet de première classe : Barney Wilen au saxophone, René Urtreger au piano, Pierre Michelot à la contrebasse et Kenny Clarke à la batterie) a marqué les esprits. Il est vrai cependant que le film bénéficie en outre d’un tandem d’acteurs éblouissants (Maurice Ronet et Jeanne Moreau) tandis que la participation de Roger Nimier au scénario et aux dialogues a contribué au statut d’œuvre culte de cette adaptation d’un roman de Noël Calef.
Julien Tavernier, cadre dans une grande entreprise parisienne dirigée par Simon Carala, abat ce dernier dans son bureau – auquel il a accédé en escaladant avec une corde la façade depuis son propre bureau – et maquille le meurtre en suicide. Il doit rejoindre sa maîtresse et complice, Florence Carala, la femme de la victime, mais au moment de prendre le volant de sa Chevrolet, il aperçoit la corde oubliée sur la façade. En voulant récupérer l’indice compromettant, Tavernier est bloqué dans l’ascenseur de l’entreprise où, en cette veille de week-end, l’électricité a été coupée. Pendant ce temps, un jeune malfrat et sa fiancée volent la voiture de Tavernier tandis que Florence le cherche désespérément…
Ruptures de ton
Après avoir planté le décor et l’intrigue au gré de scènes d’une efficacité digne des grands films noirs américains et dans une froideur quasi bressonienne (Malle fut l’assistant de Robert Bresson sur Un condamné à mort s’est échappé), Ascenseur pour l’échafaud perd de sa cohérence et de sa densité en s’attachant au parcours du jeune couple en cavale. Les ruptures de ton, les dialogues surécrits de Nimier, le jeu exubérant de certains seconds rôles dérangent. L’arrière-plan politico-historique (références à la Seconde Guerre et aux guerres coloniales, allusion aux ventes d’armes de Carala) demeure anecdotiques. Restent le couple Ronet / Moreau (tous deux au sommet de leur beauté), la superbe photographie en noir et blanc d’Henri Decae, une apparition pleine de caractère de Lino Ventura et donc la musique de Miles Davis.
Abusivement rattaché à la Nouvelle Vague, le film, réalisé en 1957 et sorti en janvier 1958, couronné par le prix Louis-Delluc, va assoir la réputation de Louis Malle qui avait obtenu la palme d’or à Cannes en 1955 pour le documentaire Le Monde du silence coréalisé avec Jacques-Yves Cousteau. Le réalisateur poursuivra une brillante carrière, tant en France qu’aux Etats-Unis, mais ses films seront remarqués plus par leurs sujets (l’inceste pour Le Souffle au cœur, la collaboration pour Lacombe Lucien, la prostitution enfantine pour La Petite, les persécutions antisémites sous l’Occupation pour Au revoir les enfants…) que par leur qualité intrinsèque et le style impersonnel de Malle.
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