Festival Piano aux Jacobins. Elisabeth Leonskaia, piano.
Elisabeth Leonskaia est bien connue des Toulousains et plutôt très aimée. Son récital au Cloître des Jacobins a permi cette communion si particulière qui unit la musicienne et son public. Dans un programme particulièrement exigeant tant sur le plan musical que pianistique, elle a su entrainer chacun dans un monde riche en sensations et émotions mêlées. Dès les premiers accords de la gigantesque troisième Sonate de Brahms, les orages convoqués ont fait frissonner, puis la clarté et la fraîcheur des thèmes ont ouvert les portes d‘un imaginaire paisible. Le sens des contrastes dans les alternances de douleur et de légèreté reste l’une des spécialités de cette grande dame du piano. Elle sait utiliser des couleurs changeantes et ose des nuances exacerbées. L‘ampleur des phrasés permet un déploiement infini de la musique. La beauté des gestes qui vont au-delà des doigts sur le clavier prouve bien l’implication totale de la musicienne. Elisabeth Leonskaia utilise tout son corps pour déployer toute sa puissance aux idées du compositeur. Brahms est flamboyant sous des doigts si inspirés.
Après tant de passions variées, le Sonnet de Pétrarque de Liszt permet un retour à une fluidité mélodique plus reposante mais toujours pleine de passion amoureuse. Le legato sublime, évoque les cantilènes d’opéra, le phrasé pondéré suggère des récitatifs plein de vie. Elisabeth Leonskaia nous offre un superbe moment de poésie lyrique qui permet au public d’aborder la grande Sonate de Schubert en étant plus réceptif pour ce grand voyage.
Car la Sonate en ré majeur a la particularité d’offrir un voyage heureux, plein d’énergie de vie, de force de conviction. Dans un tempo allant mais sans jamais se presser, Elisabeth Leonskaia sait ciseler des sonorités rares, des couleurs inouïes pour suggérer ces paysages alpestres qui ont fait le bonheur de Franz Schubert à l’été 1825.
La beauté heureuse de cette Sonate est un grand moment de musique partagée. Et dans le dernier mouvement l’humour bienveillant se fait sentir. Et à la toute fin de l’œuvre, Elisabeth Leonskaia termine en une sorte de pirouette malicieuse. Tant de plaisir partagé ne pouvait que se prolonger par deux bis inouïs. D’abord un feu d’artifice de Debussy absolument prodigieux dans sa pyrotechnie digitale. Puis un Nocturne de Chopin afin de fermer cette belle soirée d’été sous les auspices les plus doux.
Compte rendu, concert.Toulouse. Festival Piano aux Jacobins. Cloitre des Jacobins, le 14 septembre 2015. Johannes Brahms(1833-1897): Sonate pour piano n °3 en fa mineur, op.5 ; Frantz Liszt(1811-1886): Sonnet de Pétrarque n°104; Franz Schubert (1797-1828); Sonate n°17 en ré majeur,op.53 D850; Elisabeth Leonskaia, piano.