Des murs d’hôpitaux aux façades d’immeubles, en passant par les festivals de rue, l’art de Loïc s’invite partout en France. Graphiste de formation, muraliste par passion, il compose un langage visuel fait de formes, de rythmes, et de silences. Culture 31 est allé à sa rencontre pour dresser le portrait d’un artisan de la bombe.
L’appel du mur, dès l’enfance.
Tout commence par une image d’enfance : un regard collé à la vitre d’une voiture, observant les lettres défiler sur les murs de Grenoble. C’est là, lors de trajets silencieux, que Loïc découvre les graffitis. « En arrivant à Grenoble, la ville où j’ai grandi avant de vivre à Albi, je voyais tous ces graffitis pendant les trajets en voiture avec mes parents. À force de les lire, j’ai commencé à en comprendre le sens et à reconnaître leurs auteurs », se souvient-il.
Cette fascination l’amène à s’orienter vers un bac arts appliqués, où il apprend les bases du dessin, des proportions, de la composition. Il poursuit avec un BTS design de produit, puis une licence en Angleterre.
Des arts appliqués, au graffiti
Sa formation affine sa technique, mais ne bride pas son besoin de liberté. En 2006, grâce à des rencontres décisives, il lie sa passion à sa pratique professionnelle et se lance dans le graphisme urbain. Il devient, à son tour, l’auteur de ces fresques qui l’avaient tant marqué enfant. D’abord illégalement, comme beaucoup, avant de s’engager dans des projets encadrés et contractuels. Le mur reste son médium, mais il est désormais reconnu, parfois même attendu.
Un art de la trace et du passage
Aujourd’hui, Loïc répond à des commandes partout en France. « Une œuvre marque mon passage, c’est comme une publicité à ciel ouvert, un appel à me contacter », explique-t-il. Il peint pour des festivals, des communes comme Perpignan, Toulouse, Rodez, mais aussi pour des institutions. À l’hôpital Necker de Paris, il a coloré les couloirs souterrains, sombres et étroits, pour les rendre plus accueillants aux yeux des jeunes patients. Sélectionné après un appel à projet, il y signe une œuvre vivante et géométrique, aux formes rondes.
Car l’artiste s’est réinventé. Depuis 2016, Loïc a laissé tomber les lettres et s’intéresse maintenant au graffiti abstrait, un courant né dans les années 2010 en Italie et en Europe de l’Est, aussi appelé post-graffiti ou street-art abstrait. « Je faisais de la lettre depuis plus de dix ans. Je n’étais pas le meilleur technicien dans les messages passés, et une partie de moi souhaitait trouver une identité propre dans la matière », confie-t-il.

Hôpital Necker Paris © Loïc
Le graffiti, un style fidèle
Graphiste abstrait, Loïc reste fidèle à sa ligne artistique. Pas question de déroger à ce qu’il propose, ni de céder aux exigences trop éloignées de son esthétique. Cette rigueur est aussi rendue possible par un équilibre de vie : Loïc travaille parallèlement en tant qu’adjoint de direction dans un magasin de décoration. «« C’est difficile de vivre entièrement de cet art, même si certains y parviennent. Mon job me permet de garder une liberté dans mes choix », reconnaît-il.
Le cercle comme signature
Sa nouvelle signature est le cercle, une forme simple, mais riche de sens. « Le rond est universel, il parle à tout le monde comme le carré et le triangle. Avec ces trois formes-là réunies, on peut tout dessiner. Le cercle symbolise la vie, le cycle de la vie, l’égalité, le temps qui passe… en fonction des croyances et coutumes », décrit Loïc. Au-delà du symbole, le rond donne du rythme, du mouvement à la peinture. Sur les murs, ses œuvres prennent une dimension presque chorégraphique.
Côté matériel, cet art a son avantage. Il ne faut à Loïc qu’un sac, quelques bombes soigneusement rangées, des cordes qui servent de compas géants pour tracer ses fameux cercles et un moyen de locomotion pour peindre. Il ajoute à cela quelques pochoirs, souvent bricolés à partir de cartons recyclés. Et la technique, bien qu’elle nécessite des années de pratique, ne demande que rarement des travaux au préalable. « Bien souvent, je n’ai pas besoin de faire de croquis, sauf dans un cadre professionnel à l’exception », précise le graphiste. Pour les appels à projets, il fournit des visuels, mais sinon, il peint « au feeling », aime-t-il préciser. L’instinct reste son principal guide, que ce soit pour les peintures murales et de manière général.
Toiles plus petites, rêves plus grands
Si le mur reste son terrain d’expression principal, Loïc peint aussi sur toile. Un format plus intime, plus transportable, mais qui tend à s’agrandir avec le temps. Il rêve désormais d’un mur new-yorkais, dans la ville où le graffiti est né dans les années 1970. Il se projette aussi devant une façade de 60 mètres à Paris. « Je serais comme un gosse », s’émerveille l’artiste.
Graphiste, Loïc trace son chemin à la bombe, un rond après l’autre, avec passion et rigueur.
Informations pratiques :