Les Parfums, un film de Grégory Magne
Sur le thème assez original au cinéma des parfums, le réalisateur met en scène une diva, non pas du gosier mais du nez, et un chauffeur fracassé par la vie. Formidablement sensible et émouvant.
La séquence liminaire vous fait craindre une erreur de projection, ou de salle. Nous sommes en pleine séance judiciaire de divorce. Qui va garder la jeune Léa (épatante Zélie Rixhon !) ? Guillaume, le papa ? La maman ? Tant que le père n’a pas un appartement décent pour accueillir sa petite fille, la garde exclusive sera confiée à la mère. Pas très rigolo comme mise en bouche… Sauf que voilà bientôt ce looser de Guillaume devenir le héros de cette comédie. Sur la pointe des pieds il s’empare du scénario pour en faire ce chauffeur de luxe prêt à tout pour récupérer sa progéniture. Et justement le voici confronté à une cliente pas comme les autres : Anne Walberg, une diva des parfums, le genre rarissime dont il n’existe que quelques centaines d’exemplaires dans le monde et qu’on appelle un nez. Le nez d’Anne fut un temps réputé chez les plus grands parfumeurs. Mais le don a disparu du jour au lendemain. La connexion entre le cerveau et les narines ne se fait plus. Voici donc Anne vivotant dans la confection de parfums pour usines ou centres commerciaux. En résumé le fond de l’abîme pour un pareil talent. Mais diva d’un jour, diva toujours et Anne se sert, au sens propre du terme, de ce pauvre Guillaume sans lui adresser le moindre regard ni le moindre remerciement. Porte-valises, chauffeur, bonne à vraiment tout faire, Guillaume, dans une condition d’esclave qui ne lui convient pas spécialement, finit par craquer et envoie la diva en question sur les roses, la plantant un soir, de retour d’une mission, avec armes et bagages au pied de son immeuble. S’attendant à être, du coup, renvoyé de son travail, il est particulièrement surpris d’apprendre qu’Anne ne veut entendre parler que de lui comme chauffeur… C’est le début, non pas de ce que vous imaginez, mais d’une amitié véritable qui va se doubler d’une complémentarité professionnelle que je vous laisse découvrir.
Conseillée par le nez d’Hermès (excusez du peu !), Emmanuelle Devos (Anne) confirme encore une fois un statut très original dans le 7è art, celui d’une actrice inclassable, évanescente et profonde à la fois, troublante et fascinante, ici à l’image de ces fragrances dont la fugacité n’empêche en rien le souvenir prégnant. Aucune autre actrice n’aurait pu rendre ainsi le mystère d’un parfum. Face à ce sommet impalpable, Guillaume est formidablement incarné par un Grégory Montel d’une humanité et d’une vérité totalement renversantes. Un duo improbable que l’on n’est pas près d’oublier.
La réouverture des cinémas démarre avec ce film sous les meilleurs auspices.
Emmanuelle Devos – Un talent…unique !
Quitter ses études au lycée pour intégrer le cours Florent est déjà une belle preuve de passion dévorante. Bien vu pour cette fille de comédiens puisqu’à 22 ans, en 1986, elle fait sa première apparition sur grand écran. La suite est une impressionnante série de films en tous genres (comédie, drame) signés par les meilleurs cinéastes hexagonaux. Avec deux César dans son salon (Meilleure actrice en 2002 et Meilleur actrice dans un second rôle en 2010), Emmanuelle Devos fait partie de ces personnalités aussi attachantes que mystérieuses si rares dans le monde du 7e art.