3e édition de Rendez-Vous Musical mardi 1er octobre à Saint-Pierre-des-Cuisines
« J’ai rendez-vous avec vous » chantait joliment Georges Brassens au siècle dernier, titre d’une chanson qui pourrait être la bande-annonce de Rendez-Vous Musical dont la 3e édition a lieu à Saint-Pierre-des-Cuisines, mardi 1er octobre à 20h. Désormais bien installé dans la saison musicale toulousaine, ce concert au concept résolument singulier propose un savoureux cocktail de musiques de films, compositions contemporaines et pièces courtes du répertoire. Le compositeur toulousain Vincent A. Jockin est à l’origine de ce projet soutenu par l’association Éditions W. Pour Culture 31, il expose les raisons qui l’ont amené à créer cette nouvelle forme de concert et donne un aperçu du programme de l’édition 2019.
Mardi 1er octobre vous présentez au public toulousain la 3e édition de Rendez-Vous Musical. Rappelez-nous la formule de ce concert et ce qui vous a amené à la concevoir ?
Pour faire court, le concept de ce concert, c’est la diversité en offrant de nombreuses pièces au public, pas trop longues parce que la longueur fait vite l’ennui. La diversité concerne autant le choix des compositeurs que les époques, les instruments ou les arrangements. Il ne s’agit pas de diversité pour elle-même mais d’essayer de faire un programme cohérent, qui maintienne en éveil l’attention et l’intérêt du public pendant tout le concert.
Vous êtes vous-même musicien, compositeur, n’est-ce pas paradoxal qu’un véritable amoureux et professionnel de la musique comme vous puisse imaginer que le public s’ennuie à des concerts ?
J’aime la musique, je crois pouvoir dire que je commence à la connaître un peu… et pourtant, il m’est arrivé de m’ennuyer à des concerts bien que je connaisse l’interprète et que j’aime la pièce qu’il jouait. Était-ce dû au lieu, à une oeuvre trop longue, je ne sais pas, toujours est-il que ça m’est arrivé plus d’une fois. De là est née cette crainte, si je devais un jour proposer quelque chose au public : l’ennuyer. Il y a un mot dont j’ai horreur, c’est « divertissement » et je ne voudrais pas qu’on se méprenne. Je ne veux pas tomber dans la démagogie, je ne veux pas « divertir » les gens. J’ai envie de les nourrir musicalement, mais en évitant le côté rasoir que peuvent avoir certains concerts.
Pour y parvenir, je crois que ça passe par la programmation et l’ordre des pièces qui sont jouées. Prenons l’exemple d’un concert de musique symphonique, l’une des formes les plus prisées du public. Sans porter de jugement sur leur travail, la plupart des directeurs artistiques programment une ouverture, un concerto et une symphonie. Je crois que c’est une erreur. C’est un peu entrée, plat, dessert mais peu importe l’entrée, peu importe le plat et peu importe le dessert. Ça n’aide pas à entrer dans les œuvres et c’est souvent ce qui génère l’ennui parmi les spectateurs.
Vincent A. Jockin
Comment s’étaient passées les deux premières éditions de Rendez-Vous Musical pour les musiciens et le public ?
Les deux premières éditions ont reçu un bon accueil du public et la deuxième encore plus que la première. Nous n’avons pas rempli Saint-Pierre-des-Cuisines comme nous l’espérions mais à part cette petite insatisfaction, les gens ont très bien réagi aux programmes proposés et ont même été assez étonnés de ce qu’ils ont entendu, que ce soient les mélomanes ou les néophytes qui connaissent mal la musique classique. Pour nous c’est une fierté parce que nous avons réussi à plaire aux deux types de public. De ce point de vue, il ne faut donc surtout rien changer à la forme de notre programme.
Concernant les musiciens, et pour l’avoir vécu de l’intérieur, tous ont été unanimes pour dire leur bonheur d’avoir participé à ce projet. Un indice qui ne trompe pas, c’est que ceux programmés lors de la première édition sont revenus pour la deuxième en tant que spectateurs et m’ont demandé quand ils pourraient de nouveau se produire à Rendez-Vous Musical. J’ai donc la faiblesse de penser que nous offrons aux musiciens quelque chose qui les motive et où ils prennent du plaisir à jouer. C’est le cas entre autres des membres de l’ONCT que nous confrontons à un exercice inhabituel, qui les sort du confort qu’ils connaissent en orchestre, mais qui manifestement leur plaît beaucoup.
Quels musiciens se sont produits jusqu’alors et d’où venaient-ils ?
Nous couvrons à peu près tous les profils, de l’étudiant en cours de professionnalisation au musicien de l’ONCT, en passant par le professeur de conservatoire et l’instrumentiste qui a joué avec les plus grands orchestres du monde comme Thibaut Garcia, par exemple. D’autre part, nous avons reçu des musiciens venant de notre région mais aussi d’autres régions de France, voire de l’étranger, à chaque édition. Cette année c’est un peu plus local mais j’espère faire venir des musiciens de toute l’Europe prochainement. Nous ne mettons pas de barrières en ce qui concerne l’expérience, l’âge, la proximité géographique ou autre : le seul critère non négociable, c’est d’être bon musicien.
Comment construisez-vous le programme de chaque édition de Rendez-Vous Musical ?
Il y a avant tout quelque chose de l’ordre de l’artistique puisque ça revient, pour moi qui suis compositeur, à composer une œuvre avec d’autres œuvres existantes. Ce programme est constitué de pièces que j’aime – cela va de soi – mais je raisonne vraiment en termes de composition, ce qui ne rend pas la chose aisée à expliquer. Il faut que les pièces s’enchaînent bien, suivant une certaine logique, qu’elles se répondent, que l’une prépare la suivante comme dans un grand opéra. Ce programme doit « raconter » quelque chose du début à la fin, indépendamment des époques et des compositeurs, sachant qu’on y trouve des musiques de films, des compositeurs connus, d’autres moins connus, des contemporains… et certaines de mes compositions personnelles.
Précision importante, toutes les œuvres au programme sont arrangées par vos soins pour les instruments et les musiciens que vous avez réunis ce soir-là.
J’ai commencé le premier arrangement destiné à ce concert en novembre 2018 et terminé les derniers en mars/avril 2019. Je fais donc ce travail très en amont, en prenant mon temps parce qu’il nécessite de la réflexion, d’équilibrer le programme, de savoir quels musiciens vont jouer à quel moment, de quelle manière, etc. Tous les musiciens doivent intervenir durant le concert, il va y avoir des duos, des trios de cordes, des duos de flûte et cor de basset, des parties où il y aura tous les musiciens présents… C’est une tâche complexe mais passionnante, le but n’étant pas d’utiliser coûte que coûte les instruments dont je dispose mais de faire en sorte que ça serve les œuvres interprétées.
Puisque l’on parle des instruments à votre disposition cette année, qui sont les musiciens invités à cette 3e édition de Rendez-Vous Musical ?
L’année dernière, les vents étaient très nombreux (saxophones, quintette de cuivres de l’ONCT…). Cette année, c’est un peu l’inverse avec une majorité d’instruments à cordes (onze dont six violons, deux altos, deux violoncelles et une contrebasse), quatre instruments à vent (une flûte, une trompette, une clarinette, un cor), des percussions en tous genres (jouées par Thibault Buchaillet de l’ONCT), et un piano qui sera tenu par votre serviteur. Nous serons donc dix-sept musiciens sur le plateau de Saint-Pierre-des-Cuisines le 1er octobre.
Je sais que vous aimez garder le secret sur le programme de Rendez-Vous Musical mais peut-on tout de même avoir quelques indiscrétions sur les compositeurs et les œuvres que vous allez jouer ?
Je peux entrer dans le détail, sans trop en dire. Nous allons commencer par deux musiques de films assez connues d’Alan Silvestri et John Williams. La 3e pièce est extraite de L’Arlésienne de Bizet, une musique d’opéra faisant une bonne transition après des musiques de films. Ensuite va être jouée Marche Funèbre du compositeur contemporain Stéphane Delplace puis une pièce pour piano de Debussy mais arrangée pour cordes, flûte et clarinette. Une pièce de Jacques Ibert suivra, une des plus connues, originellement pour flûte et guitare mais que j’ai arrangée pour flûte et quatuor à cordes. Les deux dernières oeuvres de la première partie du concert sont de ma composition : un trio pour violon, alto et violoncelle, chose très rare en concert, et un quintette pour clarinette et quatuor à cordes.
La seconde partie va débuter avec une pièce d’Elgar, assez célèbre, mais donnée en version quatuor à cordes. Suivront une pièce de ma composition, Nos âmes mortes, qui répond très bien à Marche Funèbre de Delplace, puis le 2e mouvement d’un concerto pour piano de Mozart et l’aria d’une belle cantate de Bach. Ensuite, place à une sorte d’ovni, une gigue de Mozart composée à la toute fin de sa vie qui sera donnée dans une version pour flûte et cor de basset, le second instrument étant tenu par David Minetti, clarinettiste solo de l’ONCT. Le public entendra après une autre pièce de ma composition intitulée Farfalle, de nouveau pour flûte et cor de basset. Un extrait d’une musique de film composée par Richard Rodgers lui succédera, devenu un tube mondial après qu’un grand saxophoniste de jazz en a enregistré une version mythique. Tout naturellement prendront la suite une œuvre célèbre de Chostakovitch, non sans rapport avec le jazz, et une marche de ma composition, un peu réarrangée pour l’occasion. À l’issue de ce programme très varié et très dense, il y aura une surprise comme l’an dernier. La seule chose que je peux dire à son sujet, c’est que c’est un petit clin d’œil à Toulouse…
Une nouveauté cette année : si la création musicale contemporaine est encore à l’honneur à travers vos compositions, elle l’est aussi parce qu’il y a un compositeur invité de cette 3e édition. Ce compositeur, vous l’avez déjà cité, c’est Stéphane Delplace. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur lui et sur les circonstances de votre rencontre ?
Je ne voulais pas avoir un compositeur invité seulement pour le principe mais parce qu’il était logique d’intégrer une de ses œuvres au programme de ce concert. Il y a un an, au lendemain de l’édition 2018, nous cherchions un compositeur à inviter pour la suivante et nous avons découvert complètement par hasard la musique de Stéphane Delplace, musicien appartenant à la génération précédant la mienne. Ça nous a tout de suite plu. Nous lui avons donc écrit en lui expliquant le principe de Rendez-Vous Musical, le programme que nous avions bâti pour la 3e édition et notre souhait d’y intégrer une de ses œuvres s’il était d’accord. Il a immédiatement adhéré à l’idée et m’a proposé plusieurs pièces pour que je puisse faire un choix. Selon moi, c’est un compositeur dont le travail et l’œuvre n’ont pas la reconnaissance qu’ils méritent, d’autant plus qu’il est membre du groupe Phoenix fondé par Jean-François Zygel et Thierry Escaich qui eux sont très connus.
Sa Marche Funèbre, la pièce que vous avez retenue, sera jouée le 1er octobre dans une version inédite.
C’est une œuvre qui a été jouée et enregistrée mais pas dans la version que nous allons donner à Saint-Pierre-des-Cuisines. Il s’agira en effet d’une version inédite, écrite par le compositeur lui-même. Parmi les œuvres programmées ce soir-là, c’est d’ailleurs la seule que je n’ai pas arrangée. À l’origine, Stéphane Delplace avait le projet de faire jouer cette pièce dans plusieurs orchestrations différentes, dont une pour cordes et flûte qui n’a jamais vu le jour. C’est donc cette orchestration que le public pourra découvrir le 1er octobre. D’une certaine manière, on peut dire que ce sera sa création mondiale.
Pour terminer, qu’est-ce que vous diriez à quelqu’un qui n’a jamais mis les pieds dans une salle de concert pour le convaincre de venir à Rendez-Vous Musical ?
Il est très difficile de répondre à cette question, vous vous en doutez. Je dirais simplement, en pensant à ces slogans qui reviennent à la mode comme « Il est interdit d’interdire », que les gens ne doivent pas s’interdire de venir à ce concert. Il faut s’y rendre par curiosité et parce que notre ambition première est que les personnes présentes ne se sentent pas exclues ou étrangères. Nous n’essayons pas de plaire à un type de public, à une élite ou au contraire aux seuls non-initiés. Ce que nous proposons s’inscrit peut-être dans un certain élitisme mais je veux croire que c’est un élitisme pour tous. Tout le monde peut assister à ce concert et apprécier son programme, j’en suis persuadé. Ma réponse à votre question se résumera donc en un seul mot : osez !
Entretien réalisé par Éric Duprix
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Rendez-Vous Musical
mardi 1er octobre 2019 • Saint-Pierre-des-Cuisines
