CRITIQUE, Concert. LA ROQUE D’ANTHERON. Auditorium du parc, le 28 Juillet 2021. F. CHOPIN. W.A. MOZART. P. KOLESNIKOV.
Kolesnikov est un OVNI irrésistible
Retrouver les frondaisons magiques du Parc du Château de Florans, cet extraordinaire sentiment de liberté, en plein air, cette acoustique parfaite partagée avec les seules cigales reste un moment exceptionnel de l’été. Cette année plus qu’aucune autre année. L’ an dernier nous avait réservé de grands moments pour les quarante ans du festival de la Roque d’Anthéron. Nous en avions rendu compte avec le souvenir ému de l’aventure des sonates de Beethoven en particulier, et l’intégrale des Nocturnes de Chopin, mais la situation était si particulière que la jauge de l’auditorium laissait presque plus de places vides qu’occupées. De plus sous le choc de la terreur du vide, le public n’était pas vraiment normalement présent. Organiser ce quarante et unième festival aura certainement été encore plus compliqué pour les organisateurs. Rendons hommage à toute l’équipe pour sa gentillesse y compris dans la vérification du « passe sanitaire » si chronophage.
Ce soir était une grande soirée pour La Roque avec deux concerts en même temps. SOKOLOV au Grand théâtre de Provence et KOLESNIKOV dans le parc. Notre choix fut celui de la liberté du plein air si parfaitement accordée avec ce que ce jeune pianiste nous offre. L’immense Sokolov nous le retrouverons plus tard à Toulouse.
Pavel Kolesnikov nous l’avions découvert en 2019 à Piano Jacobins et avions été subjugué. Cf. Critique d’alors.
Il n’y a pas eu le même choc cette fois-ci, toutefois la beauté du jeune homme a encore été plus époustouflante. Sa démarche sereine, son allure élégante et souple, l’originalité de sa mise en noir et blanc mais modernisée, tout nous fait deviner un grand moment durant les pas du jeune homme avant d’arriver au piano.
Pavel Kolesnikov © Valentine Chauvin 2021
Car une fois qu’il s’est installé à son piano, qu’il s’engage dans la musique, le temps s’arrête, comme suspendu, devant tant de beauté. L’élégance du geste qui souvent fait s’envoler la main en fin de phrase, la souplesse des phrasés, la légèreté du toucher, l’équilibre parfait entre toutes les voix et tous les plans font que la musique coule des doigts du musicien en un acte de paix qui diffuse au cœur du spectateur. Les cinq pièces de Chopin, mazurkas, valse, ballade, nocturne sont choisies avec un art très subtil. Rien de seulement virtuose, tout semble couler sans la moindre difficulté ou résistance. La manière dont Pavel Kolesnikov soigne le lien entre les pièces est un véritable tour de magie. Il arrive à obtenir du public qu’il n‘ applaudisse pas après le dernier Chopin et ainsi il aborde la huitième sonate de Mozart avec une grâce infinie sans rupture de continuité. Par contre après un premier mouvement si réussi en tous points le public applaudit… A nouveau comme à Toulouse il y a deux ans, le public le plus éduqué qui soit se laisse lui-même surprendre par sa spontanéité retrouvée. Le Mozart de Kolesnikov est d’une grâce infinie, d’une précision incroyable et d’une musicalité sidérante. L’étirement sublime du mouvement lent est miraculeux, il fait siennes les indications de Mozart à la lettre « Andante cantabile con espressione ». Quant au final presto, il est ce soir prestissimo.
Pavel Kolesnikov © Valentine Chauvin 2021
Le retour à Chopin se fait sans heurt avec le Nocturne n°18 en mi majeur. Un phrasé si profond et si élégant n’est vraiment pas fréquent. La gravité douce de l’interprétation de Kolesnikov nous ferait chavirer. Ce Nocturne entre les deux sonates de Mozart prend une dimension métaphysique d’ode à la beauté. Car c’est avec beaucoup de précaution que Kolesnikov nous entraine dans la sonate n°11 de Mozart. L’andante grazioso est la grâce même, le minuetto l’esprit de la liberté et la marche Alla turca finale la joie d’être au monde avec un humour ravissant.
Lien vers la Critique intégrale sur Classiquenews.com
Et tout cela sous les frondaisons magiques du Parc du Château de Florans, dans une soirée idéale dont la Provence a le secret… Le bonheur est à la Roque d’Anthéron n’en doutez pas un instant ! Et jusqu’au 18 Août.
Critique. Concert. 41 iéme Festival de La Roque d’Anthéron. Auditorium du Parc, le 29 Juillet 2021. Frédéric Chopin (1810-1849) : Mazurka op.63, n°3 et op.17, n°4 ; Nocturne op 27, n°1 et op.62, n°2 ; Grande valse op.42 ; Ballade n°3, op.47 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate n°8, K.310 et n°11, K.331 ; Pavel Kolesnikov, piano.