Olivia Elkaïm publie Le tailleur de Relizane aux éditions Stock. Un récit familial intime et puissant. Et un très beau roman !
Marcel est réveillé en pleine nuit par plusieurs hommes. Sans trop de résistance, il se laisse cueillir. Pas le choix. Sa femme est au désespoir. Cet enlèvement, c’est la mort assuré de son Marcel. Quant aux enfants, Pierre et Jean, trop jeunes pour comprendre, n’y peuvent rien également. Nous sommes en Octobre 1958, à Relizane. L’Algérie connaît alors de grands bouleversements politiques. Les uns et les autres s’épient et se guettent. Marcel est cagoulé et emporté de force dans une camionnette. Tout le quartier l’apprendra, tout le quartier viendra porter secours à Viviane qui, déjà, perd la tête. Qu’adviendra-t-il de Marcel ?
Marcel lui-même ne sait pas ce que veulent ces hommes. Il ne sait pas s’il vivra ou mourra. Et pourtant, au bout de trois jours, Marcel est relâché. Il est vivant. On imagine dès lors la liesse et la joie de l’entourage. Mais rien de tel, Marcel devient suspect. On ne relâche pas ainsi un homme. Qu’a-t-il fait ? Qu-a-t-il dit ? Est-il un complice ou une victime du chaos qui grignote le pays ? Même Viviane n’y comprend rien, questionne. Pour Marcel le quotidien devient de plus en plus pesant, et les menaces toujours plus inquiétantes. Viviane n’a alors qu’une seule obsession en tête : quitter l’Algérie.
Une vie d’exil
Marcel se retrouve dans une impasse et organise le départ de sa femme et de ses deux garçons. Il les rejoindra plus tard, lorsqu’il aura tout terminé en Algérie. Commence dès cet instant une vie d’errance et de recommencement. En France, ils essaieront de trouver leur place. Ce pays qui les regarde comme des étrangers qu’ils ne sont pas. Comme si l’histoire qui unit les deux pays n’existait plus. Marcel et Viviane n’auront de cesse de travailler pour reconstruire leur famille. Et les épreuves seront longues et difficiles.
Voilà l’héritage de Pierre et Jean, mais aussi celui d’Olivia. Un héritage de combat et de résistance. Une force qui lie et relie ces générations entre elles, afin de comprendre et d’accepter l’histoire, mais aussi de transmettre la vie de ces exilés, les rêveurs d’un monde meilleur.
Olivia Elkaim dresse un portrait bouleversant de ces êtres fragiles et déterminés. L’histoire familiale devient le miroir de toute une génération et d’une période historique qui mérite qu’on se souvienne. L’écriture est aussi poétique que rugueuse afin de rendre compte de chaque émotion qui traverse ce texte. La beauté de ce roman est telle que le lecteur n’est pas prêt d’oublier le tailleur de Relizane !
Olivia Elkaim, Le tailleur de Relizane, Stock, 352 p.
Photo: Olivia Elkaim © Patrice Norman
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