Le programme de la Résidence photo 1+2 a repris le mois dernier. Il répond à l’incontestable besoin de création artistique collective à Toulouse et de redécouverte des patrimoines au sens large du terme. Le directeur artistique, Philippe Guionie a sélectionné pour cette deuxième édition trois nouveaux photographes, sur le modèle d’une « équation à trois inconnues » : un photographe de renom et deux plus jeunes. L’objectif de Israel Ariño, Leslie Moquin et Christian Sanna est de montrer Toulouse et ses patrimoines, à une saison différente des canons de représentation de la ville. Autour et avec ces photographes, il s’agit alors de faire se rencontrer des personnalités aux modes d’expressions divers.
La Résidence 1+2 #2017
3 photographes : Israel Ariño, Leslie Moquin, Christian Sanna
3 supports : une exposition muséale, un film et une double édition
3 villes : Toulouse, Barcelone, Bruxelles
Création du 3 janvier au 28 février 2017
Exposition du 13 octobre au 30 novembre 2017
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La Résidence 1+2, un projet annuel inscrit dans le territoire
Le projet est en perpétuelle construction et dans le même temps très ambitieux : comment, à mi-chemin entre création et partage des savoirs, trois photographes peuvent-ils représenter Toulouse, avec un regard neuf ? Là est toute la question.
Philippe Guionie cherche justement une réponse à tout cela lors de cette résidence : « C’est un jeu à trois, une alchimie humaine et artistique. Le lien avec le tissu économique, culturel et scientifique toulousain est essentiel. […] Cela implique des points de tension et de crispation et c’est normal : c’est un petit collectif qui se crée. De plus, chaque photographe doit accepter de sortir de sa zone de confort ».
La résidence est un programme assez unique à Toulouse en ce qu’elle essaie modestement de proposer quelque chose de différent : une véritable résidence de territoire, où l’on peut voir « le process et pas simplement la ligne d’arrivée ». Selon le directeur artistique, « Les résidences photos se font souvent dans des villes de petite taille, souvent en lien avec un passé industriel souffreteux, à revisiter, pour en redorer l’image. Toulouse renvoie l’image d’une ville riche, belle, où il fait bon vivre et où tout semble aller ». Ainsi, le projet aspire à consolider les représentations artistiques de Toulouse, « aller chercher une génération d’artistes » et dans un geste de création révéler de jeunes talents : un tremplin pour des photographes, des vidéastes, des illustrateurs, des bédéistes,…
Philippe Guionie, directeur artistique de la Résidence 1+2
« La photographie oui, mais avec le tissu local » : la Résidence 1+2 est un processus de collaboration avec les structures culturelles locales, le monde scientifique, les entreprises et les institutions et des programmes culturels nationaux pour faire circuler le projet. Dominique Roux ex-responsable du centre de documentation de la Galerie du Château d’eau et professeur d’histoire de la photo, a cette année rejoint l’équipe pour poser un regard sur le travail effectué, mais aussi réfléchir sur le thème choisi pour la résidence 2017, « Traversées ». D’ailleurs chaque semaine jusqu’à la fin du programme, un invité intervient aux côtés des jeunes photographes, à l’image de Joël Collado, présentateur des bulletins de météo au micro de France Inter et France Info ou bien encore le journaliste et fondateur de la revue Gibraltar, Santiago Mendieta.
L’idée d’une résidence où priment « L’échange et la confrontation intelligente »
Les trois photographes sélectionnés, Israel Ariño, Leslie Moquin et Christian Sanna travaillent sur le thème « Traversées », proposé par Philippe Guionie. Ils sont encore plus légitimes dans ce thème, qu’ils sont tous les trois de grands voyageurs, « des nomades » selon le directeur artistique.
Israel Ariño est un photographe catalan, très connu en Espagne. Il vient pour la première fois à Toulouse. Il est en quelque sorte un guide, une oreille attentive pour les deux plus jeunes, « il doit accepter de penser à lui, mais pas qu’à lui, pour partager son savoir-faire, ses compétences, ses idées ». Le photographe travaille à la chambre photographique (« totalement anachronique par rapport à l’époque ») et avec un procédé très rare avec lequel il excelle, le collodion humide. Pour Philippe Guionie, « C’est un alchimiste. Avec ce procédé, il ne peut faire que deux photos par jour. C’est l’éloge de la lenteur. Il s’inscrit doucement dans le paysage ». Israel Ariño a choisi l’eau comme objet de ses recherches lors de cette résidence : l’eau, au-delà de sa représentation paysagère. Et on peut déjà le dire, Israel Ariño a pris une de ses premières photos autour lac de Saint-Ferréol, actuellement vide : « C’est incroyable ! Avec le procédé qu’il utilise, il donne l’impression d’être allé sur Mars, pourtant j’y étais. Il y a une perte des réalités dans cette photo. Son travail va beaucoup faire parler ! ».
Les enfants centenaires d’Israel Ariño
Il y a ensuite Leslie Moquin. Elle a d’ordinaire une approche assez documentaire de la photographie. La jeune photographe a dans ses précédents projets évoquer les paradoxes de la mégalopole de Shanghai ou bien encore les questions d’exil et des migrations forcées au Kurdistan. Elle a choisi de se consacrer pour 1+2, à une représentation plastique du vent d’autan par la réinterprétation de mythes et de croyances.
Vient enfin Christian Sanna. Son travail révèle une attention toute particulière accordée aux coutumes malgaches, d’un point de vue plutôt documentaire également. Au sein de la Résidence 1+2, Christian Sanna a décidé de travailler sur le premier vol Latécoère du 25 décembre 1918, entre Toulouse et Barcelone. Il va ainsi réaliser le premier road movie aérien de ce vol du début du siècle dernier.
Israel Ariño, Leslie Moquin et Christian Sanna
Ils ont des points communs et des différences qui sont essentielles, à ce « jeu à trois ». Pour Philippe Guionie, ils traversent le support, « ils sont dans une recherche perpétuelle du support qu’ils vont travailler ». Ils sont aussi transversaux dans leurs intérêts et leurs questionnements. Ils appartiennent presque à la même génération et ont tous les trois fait des études en photographie et pas uniquement d’ailleurs. En même temps, ils font preuve de divergences fondamentales et nécessaires pour travailler ensemble dans ce projet 1+2. Ils n’ont par exemple pas le même rythme de travail : « Leslie réfléchit beaucoup avant de passer à l’acte photographique, Christian est plutôt dans un acte photographique à l’instinct et Israel est très protocolaire, comme Diana Lui l’an passé. Je suis à la recherche d’un équilibre entre les photographes et pas un compromis », souligne Philippe Guionie.
Enfin, le programme de résidence n’est pas figé, loin de là même. De nouvelles pistes sont déjà évoquées pour la prochaine édition : explorer de nouvelles thématiques comme la danse ou bien encore le patrimoine culinaire, des arts et savoir-faire considérables, à Toulouse.
Marjorie Lafon
Crédits Photos :
Philippe Guionie, directeur artistique de la Résidence 1+2 © Diana Lui
Les enfants centenaires © Israel Ariño