Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Profession profiler de Renny Harlin
C’est une tradition d’Hollywood d’accueillir ou d’attirer sous le soleil de Californie des cinéastes du monde entier et en particulier d’Europe. Certains y ont construit des œuvres exceptionnelles (Hitchcock, Wilder…), d’autres n’y ont tourné qu’un film et sont rentrés chez eux échaudés, d’autres encore sont devenus des artisans chargé de mettre en images les produits concoctés par les studios. Le Finlandais Renny Harlin, né en 1959, est de ceux-là. Après des études de cinéma à Helsinki et un court-métrage, il s’exile vers l’usine à rêves où il signe en 1986 son premier film, Born American, en 1986. Deux films de genre, Prison et Le Cauchemar de Freddy (quatrième opus de la série du tueur aux griffes), puis la comédie Les Aventures de Ford Fairlane lui valent en 1990 l’honneur et la responsabilité d’être aux manettes de 58 minutes pour vivre, deuxième volet de la saga Die Hard avec Bruce Willis. C’est la gloire. Renny Harlin est « bankable ». Il dirige ensuite un autre monstre sacré du film d’action, Stallone, dans l’efficace Cliffhanger qui permet à l’acteur de retrouver sa popularité au box-office. On confie alors à Harlin L’Île aux pirates (avec son épouse Geena Davis dans le rôle principal) qui est un bide retentissant, mais il tente de se refaire dans la foulée avec Au revoir, à jamais toujours avec Geena Davis et Samuel L. Jackson. Ce film d’action époustouflant et plus subtil qu’il n’y paraît (le scénario est signé par le génial Shane Black, auteur de L’Arme fatale, de Last Action Hero ou de Kiss Kiss Bang Bang qu’il a lui-même réalisé avant de mettre en scène Iron Man 3) ne trouve pas son public. Harlin a perdu la main (et à l’occasion son mariage en 1998) et il doit attendre trois ans pour être à nouveau, en 1999, aux commandes d’une grosse production, Peur bleue, sorte de nouvelle mouture des Dents de la mer tandis que l’affligeant Driven en 2001, avec Stallone en pilote automobile, signe la fin du cinéaste aux yeux des majors.
Dès lors, Renny Harlin n’a plus la côte. Il devient l’un de ces hommes à tout faire que la machine hollywoodienne appelle afin de remplacer Paul Schrader à la mise en scène du quatrième épisode de L’Exorciste (2004), de tourner des thrillers sans envergure comme Le Pacte du sang (2006) et Cleaner (2007) ainsi que d’autres films d’action de série B. Dans ce singulier parcours qui vit le cinéaste passer du statut de star des studios à celui d’exécutant de basses œuvres, il y a – outre les réussites incontestables comme les deux films tournés avec Geena Davis – une petite perle réalisée en 2005. De prime abord, Profession profiler ne semble que l’un de ces films de serial killer de plus, mais épaulé par un scénario malin cosigné par Wayne Kramer (le réalisateur des formidables Lady Chance et La Peur au ventre), l’exercice de style dépasse les attentes. Sept jeunes agents du FBI ont un dernier test à passer avant de devenir des profileurs psychologiques. Leur formateur les emmène sur une île coupée du monde pour la sélection finale, mais les exercices révèlent très vite qu’un véritable tueur se cache parmi eux… Reprenant l’inusable schéma des Dix petits nègres d’Agatha Christie, ce thriller insulaire joue avec des mises en abyme (notamment la scène d’ouverture) qui font l’originalité d’un suspense très efficace teinté d’humour noir. Certes, toutes les conventions ne sont pas évitées, mais le film de Renny Harlin avance à toute allure, renverse les situations, se permet des audaces inattendues. On croise dans le casting des has-been chers au cœur des amoureux de cinéma (Val Kilmer et Christian Slater) ou le rappeur LL Cool J. Les recalés du rêve américain sont toujours là, semble-nous dire le cinéaste. Ne les enterrez pas précipitamment. Un succès est si vite arrivé…