Mercredi 10 et jeudi 11 octobre auront lieu deux représentations de La mort est une maladie dont nos enfants guériront, au théâtre Sorano, dans une mise en scène de Victor Gauthier-Martin. Une réussite qui redonne cours à de nombreuses réflexions.

© Loran Chourreau
Mardi 9 octobre, la soirée débute. De nombreux spectateurs et curieux, relativement jeunes, riants, portant des vêtements de couleurs, conversant énergiquement, sont venus assister à cette nouvelle première de La mort est une maladie dont nos enfants guériront. La pièce avait déjà été jouée, cet été. Devant les portes, certains discutent de monnaie libre, d’autres de transhumanisme. Bohémiens, plus ou moins aisés, militants, habitués entrent ensemble dans la salle.
Les lumières sont éteintes. La voix titubante d’un enfant présente la formation du monde, en évoquant Gaïa et Ouranos. Une salle d’hôpital se devine dans l’obscurité. Un projecteur est braqué sur une femme enlevant sa culotte puis écartant les jambes, assise à la renverse sur une chaise de cabinet. Elle s’appelle Clémence, cherche à gagner sa vie en prenant des photographies et est interpretée par Clémence Barbier. Avec son compagnon, Théodore, vague journaliste de reportages, joué par Théodore Olivier, elle a opté pour la fécondation in vitro, afin qu’ils deviennent parents. Marion Bouvarel, mère de la réalisatrice Léa Fehner, endosse le costume du médecin qui les accompagne.

Loran Chourreau
Les deux jeunes comédiens ont le naturel d’amis autour d’un verre partagé dans un salon. Différentes compositions instrumentales et électroniques, créées par Mathieu Hornain, couvrent voluptueusement, intensément ce qu’il se déroule sur la scène. Des panneaux clignotent, de différentes manières, et créent une atmosphère lumineuse intéressante. Bien qu’il se fonde sur des énigmes et des questionnements pesants, le spectacle est rythmé par des amusements et dégage, par moments, une agréable chaleur.
Il y a des lignes rouges à ne pas franchir. Ces lignes rouges bougent tout le temps. [médecin interprétée par Marion Bouvarel]
Cette pièce repose sur les interrogations que ne cessent de soulever les innovations technologiques et les découvertes scientifiques. Par exemple, les écrans occupent une place notable. Des projections d’images filmées, de photographies, de tapuscrits (rappelant un procédé similaire utilisé lors des représentations de Gus), le recours à Matilda, une assistante personnelle… Il est question « d’inventer une mythologie nouvelle » capable de nourrir le monde qui suit les révolutions numériques, celui du « guerrier massaï qui téléphone en plein milieu du désert. »
Réjouissants, ces trois comédiens portent un spectacle qui ne se laisse pas trop exagérémment séduire par la facilité. La fascinante scène finale procure aux spectateurs un sentiment d’hébétude. Muets, ils applaudissent en cadence. Les lumières de la salle s’allument. En hâte, tous se rattrapent à un dialogue ou une conversation avec un proche. Frankestein toque à la porte…
Valentin Chomienne