L’ensemble vocal les éléments et son directeur-fondateur Joël Suhubiette font une fois de plus preuve d’une belle créativité. Ils mettent en chantier un nouveau programme en autoproduction qui se traduira par un concert inaugural à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines, le jeudi 4 février 2016 à 20h30.
Il s’agit cette fois d’un programme inédit, chœur et piano, de musique allemande, intitulé «Abendlied-Morgenlied / Chant du soir-Chant du matin». Afin de mener à bien cette belle entreprise le Chœur de Chambre lance dès aujourd’hui une nouvelle campagne de mécénat sur la plateforme Culture Time permettant de financer une partie des frais artistiques liés au concert. Joël Suhubiette et Laurent Adnet, directeur délégué de l’ensemble, ont accepté de répondre à quelques questions relatives à cette opération.
ClassicToulouse : L’ensemble vocal les éléments, dont le répertoire n’a pratiquement pas de limite, s’investit cette fois dans un répertoire intermédiaire entre les polyphonies du Moyen Age et de la Renaissance et la création contemporaine. Qu’est-ce qui motive cette volonté d’aborder ce répertoire romantique ?
Joël Suhubiette : Nous avons néanmoins interprété plusieurs fois le Requiem de Brahms, dans sa version avec orchestre et dans sa version avec piano. Nous le referons au mois de mars à Paris avec la Chambre Philharmonique et Emmanuel Krivine. Nous avons également fait quelques quartets de Brahms, les Zigeuner Lieder, et du Mendelssohn avec orchestre… Mais il est vrai que ce n’est pas notre répertoire de prédilection au départ, même si personnellement j’aime beaucoup ces musiques. C’est un répertoire que j’ai pratiqué tout jeune lors de mes études de piano. Et puis c’est une époque particulièrement riche pour la musique chorale. Nous y revenons de temps en temps et c’était là l’occasion.
Joël Suhubiette © François Passerini
ClassicToulouse : Que pouvez-vous nous dire à propos du titre ?
Joël Suhubiette : « Abendlied / Morgenlied » signifie donc « Chant du soir / Chant du matin ». Pour les romantiques, les passions humaines sont très importantes. On y retrouve également le thème de l’Homme dans la Nature, l’introspection, qui va s’ouvrir vers la psychanalyse, tout un monde nouveau, musicalement parlant, après la période classique. Toute la musique romantique est intimement liée à la poésie de cette époque. Alors que dans les siècles précédents, notamment à l’époque baroque, il y a beaucoup de références à la mythologie. Il faut remonter à la Renaissance pour que, par exemple, Ronsard soit mis en musique par des compositeurs de son époque. Les classiques ont ouvert cette porte (par exemple Mozart avec Les Noces de Figaro). Les romantiques s’y sont engouffrés. Il s’agit là pour nous d’un monde passionnant dans lequel sont associés musique et texte. Alors « Abendlied / Morgenlied », c’est à la fois le soir et le matin, l’automne et le printemps, la mort et la vie, le désespoir et l’euphorie. Toutes ces oppositions me semblent refléter des préoccupations éminemment romantiques et contemporaines. Le lien avec la nature est important. D’ailleurs, après l’avoir présenté à Toulouse le 4 février prochain, nous le donnerons au cours de la Folle Journée de Nantes dont le thème cette année est précisément la Nature.
ClassicToulouse : Comment s’organise le programme ?
Joël Suhubiette : A l’exception des grands oratorios romantiques (Schumann, Mendelssohn…), les pièces chorales de cette époque sont assez courtes, à l’image des chansons de la Renaissance. J’ai ainsi eu envie de créer un programme dans lequel les pièces s’enchaînent, imaginant ainsi mon propre opus. Le concert est en trois parties, trois épisodes distincts, ce qui constitue une façon élégante d’inciter le public à ne pas applaudir avant la fin de chaque épisode ! J’ai donc choisi des pièces pour chœur et piano, pour chœur a cappella, des pièces pour piano solo qui vont s’enchaîner comme faisant partie d’une même œuvre. Il faut évidemment faire attention à la succession des tonalités, à celle des ambiances, du contenu des textes. On commence avec une pièce de Schumann, Des Abends (Au soir), la première des Fantasiestücke, qui va s’enchaîner avec une pièce pour chœur et piano, également de Schumann, puis avec quatre Quartets de Brahms, une œuvre pour chœur a cappella et enfin une pièce pour piano qui conclut ce premier épisode consacré au soir, à la nostalgie, au repos. La deuxième partie sera composée d’œuvres d’Hugo Wolf et Max Reger. Einklang (Harmonie), d’Hugo Wolf, sera la seule pièce sacrée du programme. Elle est extraite des 6 Geistliche Lieder (6 Chants sacrés) et écrite sur un beau poème d’Eichendorff qui commence ainsi : « Parce que maintenant tout est silencieux / Et que tous les hommes dorment / Mon âme salue la lumière éternelle, / Et repose comme un navire au port. »
Max Reger conclut la deuxième partie, « vespérale », du concert et ouvre la troisième, «matinale». J’ai souhaité que ce soit le même compositeur qui réalise cette transition. Max Reger est à la charnière entre les 19ème et 20ème siècles. Il a connu Wagner mais aussi Debussy, Schönberg et Stravinski. Cela s’entend dans sa musique. Bien qu’il soit un compositeur romantique, il va s’aventurer dans des harmonies complètement nouvelles. Il m’a semblé qu’il avait sa place au centre du concert. D’autant plus qu’il est encore peu connu. Il est proche du Schönberg de La Nuit transfigurée, et même de Richard Strauss. Il y a longtemps que j’avais envie d’aborder ses œuvres.
Ce programme qui démarre avec Schumann va s’achever avec Stockhausen qui représente l’automne d’une certaine musique et le printemps d’une autre. Néanmoins j’ai choisi pour ce répertoire du 20ème siècle, des œuvres dans l’héritage du romantisme, même celles de Stockhausen qui datent des années 1950. Entre Max Reger et Karlheinz Stockhausen figure Paul Hindemith avec notamment une pièce tirée des 12 Madrigaux. Le madrigal reste l’emblème formel du programme.
Donc trois parties se succèdent : Schumann-Brahms d’abord, le «vrai» romantisme, puis Wolf-Reger, la transition, et enfin Reger-Hindemith-Stockhausen, l’héritage et l’ouverture vers la musique nouvelle.
ClassicToulouse : Dans quel contexte pratique se situe ce nouveau programme ?
Laurent Adnet : Dans le cadre des concerts autoproduits, nous sommes responsables de tout, de la billetterie, de la communication, du recrutement des artistes. Il s’agit donc d’événements coûteux. Donc, comme nous le faisons chaque année, nous lançons une recherche de mécènes, soit particuliers, soit en entreprise. Nous utilisons pour cela la plateforme de mécénat participatif Culture-time.com, qui constitue un bon relai pour cette opération. Cette plateforme permet maintenant aux mélomanes qui nous suivent de faire des dons à partir de 10 €. Nous incitons également les entreprises à devenir nos partenaires pour un don forfaitaire de 1000 € qui permet de défiscaliser 60 % du don. Pour ce concert, le Crédit Agricole de la Haute-Garonne nous soutiendra. Par ailleurs le Goethe Institut sera notre partenaire sur le plan de la communication et de la promotion. Nous travaillons également avec la ville de Toulouse dans le cadre de la semaine franco-allemande qui aura lieu juste une semaine avant. Nous serons présents, avec un stand sur la place de Capitole, lors du week-end des 15 et 16 janvier. Les personnes intéressées pourront acheter là leur place pour le concert. Par ailleurs la billetterie est ouverte dès le début du mois de décembre par téléphone au 05 34 41 15 47. Le tarif général est de 20 € et de 16 € pour les étudiants et les sans emploi.
ClassicToulouse : Quelles sont les autres manifestations prévues pour les éléments ?
Laurent Adnet : Le Chœur de chambre lance un programme intitulé « Jubilate » autour de J. S. Bach, avec l’ensemble Café Zimmermann. Il s’agira d’une série de trois concerts : le 13 décembre à Lourdes, dans le cadre de la saison du Parvis de Tarbes, le 14 décembre à Odyssud Blagnac et le 15 décembre à la cathédrale de Nice, le tout dirigé par Joël Suhubiette. Il s’agit là de notre deuxième collaboration avec Café Zimmermann, les spécialistes de Bach.
Le 4 mai prochain nous redonnerons à Odyssud le programme présenté le 25 novembre à l’Oratoire du Louvres sur le thème Music for Queen Mary d’Henry Purcell, avec le Concerto Soave de Jean-Marc Aymes, le concert étant dirigé par Joël Suhubiette. Nous participerons aussi à la Folle Journée de Nantes pour 5 concerts. Un moment fort du printemps sera celui des Victoires de la Musique. Le 24 février, nous serons sur le plateau de la Halle aux Grains en compagnie de l’Orchestre national du Capitole. Le 29 mars nous participerons à l’exécution du Requiem Allemand de Brahms à la Philharmonie de Paris, sous la direction d’Emmanuel Krivine. Voici donc les projets importants les plus immédiats.
ClassicToulouse : Tous nos vœux vous accompagnent pour la réussite de ces beaux projets.
Propos recueillis le 13 novembre 2015 par Serge Chauzy
pour ClassicToulouse
Informations sur le chœur de chambre les éléments :
http://www.les-elements.fr
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