Le premier concert de l’année 2024 de Toulouse Guitare a donné la mesure d’une complicité musicale digne des grandes formations de l’histoire de l’instrument. Le dimanche 28 janvier à 17 h à l’Auditorium Saint-Pierre des Cuisines, le Duo Melis a brillé de tous ses feux dans un programme original et très divers.
Susana Prieto et Alexis Muzurakis, membres du Duo Melis – Photo Classictoulouse –
Depuis leur début en 1999, l’Espagnole Susana Prieto et le Grec Alexis Muzurakis forment l’un des duos de guitare les plus recherchés sur la scène musicale internationale. Le répertoire du Duo Melis s’étend de la musique baroque aux œuvres contemporaines et fait la part belle à leurs propres compositions et transcriptions. Ce 28 janvier, ces deux artistes profondément musiciens ont développé un programme inventif et contrasté, à l’image de leurs multiples talents.
Thibaut Garcia présentant le concert – Photo Classictoulouse –
Présenté par Thibaut Garcia lui-même, ce concert poursuit la tradition établie dès la toute première rencontre de Toulouse Guitare. La première partie est assurée par un jeune élève débutant, ce soir-là Matéo Vidal qui suit l’enseignement de Benoît Albert en 2ème année du Cycle Préparatoire à l’Enseignement Supérieur (CPES).
Le programme que présente le jeune guitariste s’ouvre sur la douce nostalgie de la Fantasia d’après John Dowland du compositeur anglais du XVIème siècle, Alfonso Ferrabosco (1543-1588). Le contraste n’est pas mince avec la veine populaire de Federico Mompou (1893-1987) et ses deux mouvements extraits de sa célèbre Suite Compostelana : Coral et Muneira. Dynamique et animation sont au programme. Nouveau changement d’époque et de style avec deux sonates brillantes de Domenico Cimarosa (1749-1801). Enfin, dans le Scherzo de la Sonate opus 47 d’Alberto Ginastera (1916-1983) qui conclut sa prestation, Matéo Vidal déploie avec virtuosité toute la modernité d’une écriture innovante et carrément percussive.
Le jeune guitariste Matéo Vidal – Photo Classictoulouse –
Le Duo Melis ouvre son concert avec la pièce originalement écrite pour deux guitares par Joaquín Rodrigo (1901-1999), Tonadilla. Les deux musiciens se fondent comme un seul instrument dans cette succession de trois mouvements contrastés, pleins de verve et de flamme. Le XVIIIème siècle imprègne les deux pièces suivantes composées pour le clavecin par Joseph-Nicolas-Pancrace Royer (1703-1755). La transcription pour deux guitares par Susana Prieto et Alexis Muzurakis eux-mêmes en souligne l’éloquence de la première, L’Aimable, et l’extrême virtuosité de la seconde, Vertigo. Le passage du clavecin au duo de guitares sonne avec une rare authenticité !
Suit une nouvelle partition originale pour deux guitares, le Duo opus 31 n° 2 du compositeur et guitariste français Antoine de Lhoyer (1768-1840). Le classicisme de l’écriture ménage de beaux moments raffinés autant que colorés dans l’alternance de ses quatre mouvements. Comme le souligne Susana Prieto, qui présente l’essentiel des œuvres, l’Adagio cantabile s’écoute comme un chant d’une belle douceur.
La pièce qui suit constitue une véritable curiosité. Susana Prieto et Alexis Muzurakis ont eu l’idée de transcrire l’une des Saisons de Tchaïkovski (1840-1893) pour leur propre duo. Ce très poétique recueil de 12 pièces (une pour chaque mois de l’année), composé pour le piano, contient la plus célèbre, Juin (Barcarolle), à laquelle les deux guitaristes se sont intéressés. On ne peut que les en remercier ! L’adaptation à la guitare sonne avec un naturel inattendu. Les interprètes expriment ici toute la poésie originale de l’œuvre.
C’est sur une autre transcription que se conclut le programme de cette fin d’après-midi. Il s’agit des trois Danzas argentinas composées pour le piano par l’Argentin Alberto Evaristo Ginastera (1946-1983). Une fois encore la transcription donne l’impression que l’œuvre a été conçue pour deux guitares ! De la vivacité de la Danza del Viejo Boyero à celle de la Danza del Gaucho Matrero, en passant par la douce intensité de la Danza de la Moza Donosa, couleurs et rythmes donnent vie à ce triptyque imagé.
Le beau succès obtenu par ces musiciens chaleureux et raffinés les incite à offrir un bis précieux et délicat : Les Tendres Plaintes, de Jean-Philippe Rameau (1683-1764), partition extraite de son Deuxième Livre de pièces pour clavecin.
Le prochain rendez-vous avec Toulouse Guitare aura lieu le vendredi 15 mars prochain à 20 h à la Salle du Sénéchal. Il sera animé par la guitariste espagnole Margarita Escarpa. Une date à retenir.
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
