Chef-d’œuvre de Lucinda Childs, « Dance » est à l’affiche d’Odyssud, à Blagnac, par le Ballet de l’Opéra de Lyon, dans le cadre du festival ICI&LÀ.
Sommet de la post-modern dance(1), créée en 1979, « Dance » s’est imposée comme l’une des pièces phares de l’histoire de la danse. Avec cette chorégraphie pour sept interprètes, l’Américaine Lucinda Childs retrouvait alors le compositeur Philip Glass, avec lequel elle venait de collaborer pour son opéra « Einstein on the Beach », mis en scène par Bob Wilson. Dans « Dance », les motifs répétés de Philip Glass sont minutieusement exploités par la chorégraphie dont les mouvements sont reproduits par le film de Sol LeWitt projeté sur des tulles. Les images se superposent ainsi à la danse et la démultiplient au fil de solos, duos, quatuors épousant la musique ou s’en écartant selon d’infimes variations au caractère hypnotique.
À propos de cette création, Lucinda Childs se souvient: «J’ai transcrit la partition de Philip Glass, note par note. Non en termes de mélodies, mais de nombre de temps contenu dans chaque séquence. C’est comme cela que nous travaillons sans musique : en comptant, avec des chiffres, selon des motifs. Chaque pas est calculé en fonction de la manière dont la musique est écrite. Avec la musique ou légèrement contre elle. Il y a un dialogue entre la chorégraphie et la musique. Ce n’est jamais une simple illustration, il y a toujours un peu de tension entre elles, ce qui est très important pour moi. Ensuite, Sol LeWitt est venu assister à des répétitions, et nous nous sommes mis d’accord sur le fait que nous ne voulions pas de décor pour le ballet – une sculpture ou n’importe quel autre objet. Nous avons donc décidé que les danseurs étaient le décor. Il a réalisé ce film, qui comporte 150 plans, ce qui ajoute à la complexité de la composition globale.»
En 2016, le Ballet de l’Opéra de Lyon a repris « Dance » qui est aujourd’hui à l’affiche d’Odyssud, à Blagnac, dans le cadre du festival ICI&LÀ. Pour la chorégraphe, «c’est un défi intéressant que de garder une œuvre en vie, sans faire seulement une copie de la création originale. Il est important qu’une nouvelle compagnie puisse se l’approprier, tout en restant fidèle aux idées de départ. L’idée originale était d’avoir les mêmes danseurs sur scène et dans le film, et mes danseurs des années 70 me paraissaient désormais trop loin en termes de discipline et de technique. Nous l’avons donc repris avec le Ballet de l’Opéra de Lyon, en suivant le film de Sol LeWitt image par image. Ça a vraiment très bien fonctionné. « Dance » a été ma première collaboration, au sens traditionnel du terme, avec un compositeur et un artiste. Avant cela, ma compagnie n’avait ni musique, ni décor, ni rien, seulement nous.»
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
(1) Le courant de la post-modern dance apparaît au début des années 1960 aux Etats-Unis, principalement à New York, et se prolonge jusqu’à la fin des années 1970. Le terme «post-modern» est sujet à de multiples définitions, parfois contradictoires ; dans l’histoire de la danse, il signifie ce qui vient après la «modern dance». Sensibles au climat contestataire des années 1960, les danseurs post-modernes rejettent les principes fondateurs de la modern dance. Refusant également les codes de la danse classique, leur intérêt se concentre «sur les caractéristiques formelles de la danse» et «sur le mouvement à regarder en tant que tel». Les figures majeures de cette aventure sont Simone Forti (1935), Yvonne Rainer (1934), Steve Paxton (1939), Ruth Emerson, Trisha Brown (1936), David Gordon (1936), Deborah Hay (1941), Lucinda Childs (1940), Douglas Dunn (1942), Carolee Schneemann (1939). Ces artistes se caractérisent par une attitude simultanément critique et expérimentale. C’est la période de l’anti-art et de la contre-culture, celle de la remise en question des dispositifs mêmes de la création artistique, dans tous ses champs. C’est l’époque du mouvement Fluxus et des happenings (Claes Oldenburg, Robert Whitman, Allan Kaprow, Jim Dine), de la musique minimaliste (La Monte Young, Steve Reich, Phil Glass), des collectifs de théâtre comme le Living Theater ou l’Open Theater. Les artistes de ces diverses disciplines proposent une culture alternative échappant aux modes de fonctionnement dominants. (Source: CND)
du mercredi 6 au jeudi 7 février, 20h30, à Odyssud,
4, avenue du Parc, Blagnac. Tél. 05 61 71 75 10 ou 05 61 59 98 78