Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
Dans la famille Lynch, demandez la fille. Évidemment, le père, on connaît : Palme d’Or à Cannes en 1990 pour Sailor et Lula, il a notamment réalisé Elephant Man, Dune, Blue Velvet, Lost Highway, Mulholland Drive ou Inland Empire. Son univers dérangé, baroque, fantasmatique, peuplé de monstres et d’êtres étranges, imprégné autant de surréalisme que de pop art ou de non-sens est devenu une référence dans le cinéma contemporain. Paradoxalement, c’est avec son œuvre la plus classique et la plus apaisée, Une histoire vraie (l’histoire d’un vieil homme traversant les Etats-Unis afin de rendre une dernière visite à son frère avant que la mort ne les sépare) qu’il a peut-être signé son meilleur film. Pas évident donc de grandir à l’ombre d’une telle icône surtout lorsque l’on a décidé, comme sa fille, Jennifer Chambers Lynch, de se lancer également dans le septième art.
Née en 1968, elle a d’abord débuté, après des études artistiques, en signant l’ouvrage dérivé de la série télévisée culte, Mystères à Twin Peaks, conçue par son père et dont il réalisa une version cinématographique. En 1993, Jennifer Lynch sort son premier long-métrage : Boxing Helena.
Largement influencée par l’univers de David Lynch, cette histoire d’amour fou où les rapports maître / esclave et la mutilation ont leur mot à dire est massacrée par la critique. La jeune cinéaste sombre dans la dépression, se tourne vers l’écriture et abandonne la réalisation pendant quinze ans. Il faudra attendre juillet 2008 pour que son second opus, Surveillance, présenté à Cannes hors compétition la même année, sorte sur les écrans français.
Dans un coin perdu et désertique des Etats-Unis, deux voitures sont rackettées par des flics ripoux avant d’être attaquées par des tueurs en série. Au final, il ne reste que trois survivants : une fillette, une junkie et l’un des policiers. Rapatriés au commissariat, ils vont être interrogés par des agents du FBI : un homme et une femme, plus affranchis que Mulder et Scully dans X-Files, qui semblent avoir dépassé le stade de l’amitié professionnelle. Rapidement, les interrogatoires des trois témoins révèlent des versions différentes des événements. Pourquoi l’un ou plusieurs d’entre eux mentent-ils ? Que cachent-ils ? Qui sont ces mystérieux assassins de la route ? Avec une efficacité de moyens remarquable et avec peu d’hémoglobine, Surveillance installe un suspense en huis clos totalement prenant. On croit retrouver une Amérique profonde surgie de Délivrance ou de Massacre à la tronçonneuse, mais les apparences sont évidemment trompeuses.
La réussite du film doit beaucoup à l’excellence des comédiens dont Bill Pullman (célèbre pour avoir campé le Président des Etats-Unis dans Independence Day, mais que les cinéphiles préfèrent dans Last Seduction de John Dahl, La Méthode Zero de Jake Kasdan, The End of Violence de Wim Wenders ou Lost Highway de… David Lynch) et Julia Ormond (actrice britannique vue dans Légendes d’automne face à Brad Pitt, chez Sydney Pollack pour son remake de Sabrina où elle remplaçait Audrey Hepburn, mais aussi chez Nikita Mikhalkov dans Le Barbier de Séville et dans Inland Empire de… David Lynch). Si Jennifer Lynch avait pu découvrir ses interprètes principaux dans des films de son père, elle a su se défaire de son influence pour signer un thriller personnel où le fantastique et le bizarre ne sont pas là pour pallier les éventuelles déficiences du scénario.
Mécanique implacable, Surveillance déploie ses faux-semblants et ses rebondissements de manière vertigineuse.
Surveillance
De Jennifer Chambers Lynch
Avec Julia Ormond, Bill Pullman, Pell James plus
Genres : Thriller, Drame
Durée : 1h38