De nombreux documentaires ont été consacrés à Michel Legrand. Celui de David Hertzog-Dessites, qui a collaboré de près avec le compositeur à la fin de sa vie, est le premier à s’offrir le grand écran. Il est projeté à l’ABC de Toulouse.
Tout a déjà été dit sur Michel Legrand (1932-2019), sa brillante précocité, son extraordinaire créativité, son génie mélodique, sa foi absolue dans le travail. L’homme était irascible et passionné, aussi charmeur qu’il pouvait être coléreux. Le compositeur dévorait la vie avec gourmandise, jusqu’à ses dernières années joyeuses aux côtés de Macha Méril, pratiquant tous les genres avec bonheur, de la chanson au jazz, du classique à la musique de films.
« Il était une fois Michel Legrand » n’apporte rien de nouveau sur l’immense musicien mais il a l’avantage incomparable de déployer son récit sur le grand écran des salles de cinéma, écrin logique pour un homme qui fut le génial complice des meilleurs réalisateurs. Dans la forme, le documentaire ne réserve pas non plus de surprise, alternant témoignages, images d’archives et extraits de films – ces derniers trop peu nombreux, sans doute pour des questions de droits. Comme dans l’hommage à Ennio Morricone signé Giuseppe Tornatore en 2021, les éloges, évidemment mérités, se font trop souvent redondants. Sur le mauvais caractère de Michel Legrand, on retiendra les propos de Claude Lelouch (les deux hommes ont notamment travaillé ensemble sur « Les uns et les autres » en 1981) : « Parfois j’aurais pu lui casser la gueule : je n’aime pas qu’on parle mal aux gens. Mais il avait une façon merveilleuse de leur dire pardon. » Sur le génie mélodique de Legrand, Jean-Paul Rappeneau rappelle combien son film « La vie de château » (1966) a été magnifié par sa musique : « Dans la seconde où Michel se met à jouer se dégage une émotion considérable ». Quant à Claude Nougaro et Michel Legrand, ils ont œuvré sur l’album qui a révélé le chanteur en 1962 avec les standards immédiats que furent « Le cinéma » ou « Les Don Juan ». On les retrouve en duo lors d’un concert à la Halle aux grains, à Toulouse en 1999, Nougaro s’enthousiasmant à sa manière : « Legrand est le compositeur le plus ensemencé de mon jazz ».
Le plus précieux des témoignages reste celui de Michel Legrand lui-même, évoquant un père chef d’orchestre – séducteur patenté et collabo opportuniste- « inconsistant et inconscient » ; sa découverte du jazz, en 1947, avec un concert de Dizzy Gillespie, salle Pleyel ; son album « Legrand Jazz », en 1959, pour lequel il n’hésita pas à inviter Miles Davis, John Coltrane, Bill Evans, etc ; le rôle important de Jean-Luc Godard qui lui a « beaucoup appris sur la musique au cinéma » avec « Une femme est une femme», en 1961, puis « Vivre sa vie » en 1963; sa puissante relation avec Barbra Streisand (« Elle sait qu’elle peut me demander n’importe quoi, je saurai le faire ») qui lui valut son 3e Oscar pour la musique de « Yentl », en 1984…
Le film insiste longuement – et un peu péniblement – sur le dernier concert, héroïque, que donna Michel Legrand à la Philharmonie de Paris, en décembre 2018, un mois avant sa mort. L’artiste, affaibli, retrouve une vigueur de jeune homme, baguette à la main. Et le public se laisse à nouveau transporter par les indépassables musiques de « L’affaire Thomas Crown », de Norman Jewison (1968), du « Messager », de Joseph Losey (1971) et, bien sûr, des « Parapluies de Cherbourg », de Jacques Demy (1964). Et pleuvent les applaudissements, et coulent les larmes d’émotion…
« Il était une fois Michel Legrand », de David Hertzog-Dessites, sortie mercredi 4 décembre à l’ABC Toulouse.