Les pavés infernaux du capitalisme
Le seul titre du film, en vf « Appel de marge », vous plonge dans un monde pour beaucoup abscons, voire ésotérique. C’est celui de la finance internationale. La séquence liminaire de cette réalisation nous amène derechef au cœur d’un autre problème, celui de l’humain dans cet univers. C’est une séquence virtuose psychologiquement car elle nous montre en cinq minutes comment la société en question dégage un cadre, Eric, responsable des risques depuis 20 ans. Glacial et authentique. Juste avant de partir, Eric a le temps de glisser dans la main de Peter, son jeune assistant, une clé USB et de lui souffler « Attention à toi ». Peter va rester tard ce soir-là devant ses écrans à interroger cette clé. Et tout à coup, la vérité lui éclate à la figure : sa société est sur une bombe à retardement qui va exploser dans très peu de temps. Nous sommes à la veille de la crise des subprimes et sa boite en est gavée. Le risque est financièrement nucléaire. Il alerte son supérieur qui fait de même et à 2h du matin un conseil d’administration d’urgence est réuni sous la houlette du boss. Il ne reste que quelques heures pour prendre une décision. Après vérifications, celle-ci est vite prise. Dès l’ouverture des marchés et avant que tout se sache, les traders de la firme devront vendre à leurs meilleures relations, celles qui leur font le plus confiance, toute cette monnaie de singe. Gros bonus à la clé ! Atroce et …somptueux. A la limite de la tragédie antique, le réalisateur, pour son premier long, met en scène des personnages aux destins divers, tous attirés par l’argent. Kevin Spacey, Paul Bettany, Jeremy Irons, Zachary Quinto, Demi Moore et bien d’autres incarnent les fantômes d’un monde que l’on pensait disparu depuis la chute de Lehman Brothers…
Robert Pénavayre