Alors que « Sirat », « Un simple accident », « Arco » et « La femme la plus riche du monde », tous présentés sur la Croisette, connaissent un beau succès en salle, le Festival de Cannes continue de produire ses effets avec la sortie, mercredi 5 novembre, de « L’inconnu de la Grande Arche », de Stéphane Demoustier (critique prochainement sur Culture 31) et « Deux procureurs », de l’Ukrainien Sergei Loznitsa, tableau glacial de l’horreur stalinienne.

Aleksandr Kuznetsov dans « Deux procureurs ». Photo Pyramide Distribution
Sergei Loznitsa, 60 ans, a réalisé autant de films de fiction, comme « Une femme douce », présenté au Festival de Cannes en 2017, que de documentaires, dont un ayant fait sensation l’année suivante sur la Croisette: « Donbass ». Avec « Deux procureurs », l’Ukrainien (né en Biélorussie) s’attaque à un sujet immense : les purges staliniennes, qui firent des millions de mort en Union soviétique. Son film se déroule en 1937, à l’apogée de cette politique de terreur, où un simple mot soi-disant « contre-révolutionnaire » pouvait vous conduire au goulag pendant des années (un certain Poutine a repris l’idée ces dernières années). Un jeune procureur demande à rencontrer un de ses aînés dans la profession, incarcéré parce qu’il refusait de faire emprisonner des innocents. L’homme âgé a été tabassé par ses geôliers. Il croupit dans une cellule infâme. Ses blessures ne lui donnent aucune chance de survie. Mais l’homme s’accroche, sûr de son bon droit. Son collègue va plaider sa cause auprès du procureur général, pensant lui aussi que les exactions du NKVD (la police politique) seront punies par la haute hiérarchie judiciaire. On l’imagine, il se trompe lourdement…
Descente aux enfers
Sergei Loznitsa filme une descente aux enfers, dans un monde kafkaïen qui se teinte d’un gris uniforme ou d’un vert kaki. Son personnage de naïf au cœur tendre se heurte à des murs de silence et de compromission. En prison, il franchit des portes et des grilles, dans un bruit de clés qui semble ne jamais vouloir s’arrêter. Dans les administrations, il monte des escaliers et va de bureaux en bureaux au milieu d’individus au visage de papier mâché et au corps rigidifié. Le problème est que cette suite de scènes statiques provoque assez vite l’ennui. On a l’avantage sur le « héros » de deviner très vite ce qui va lui arriver. Et l’on peine à se passionner pour son combat perdu d’avance. On recommandera plutôt de revoir « Goulag, une histoire soviétique », un documentaire extraordinaire, qui couvre une période plus large (de 1917 à 1957) et dit tout de la tragédie humaine que furent les purges staliniennes (disponible sur arte.tv).
« Deux procureurs », de Sergei Loznitsa, au cinéma mercredi 5 novembre.

