Dis-Moi Que Tu M’aimes – Assumant pleinement son sentimentalisme, Culture 31 se passionne pour les chansons d’amour : ceux qui les susurrent et ceux qui les écoutent.
Quand Claude Nougaro compose les paroles de Toulouse en 1967, elles ne ressemblent en rien à une déclaration amoureuse.
L’auteur traverse une période difficile, qui voit resurgir les tourments de l’enfance.
Dans le premier couplet, il écrit : « Ô Toulouse, mon Toulouse, toi qu’on nomme la ville rose, le rose me rend morose ».
Il confie ce qui est encore un poème à Odette, sa deuxième épouse, qui le raisonne : « Quand on évoque sa ville, il faut en faire un chant d’amour, pas un chant de rancœur. »
Nougaro se rend à son avis. Il révise ses souvenirs et réécrit son texte : s’inspire, pour le refrain, du poète occitan Lucien Mengaud, et pour la mélodie, du carillon de l’église des Minimes, quartier où il a grandi.
Il soumet une maquette au label Philips, qui rechigne à investir dans les services d’un arrangeur. A Paris, on craint que la chanson ne le catalogue chanteur régional. En guise de refus, on lui rétorque, non sans cynisme, que « Ça va faire faire une grande carrière en Haute-Garonne ».
C’est méconnaître là le caractère gascon en général et le tempérament de Nougaro en particulier, jamais si résolu que quand on lui résiste. Il a pourtant prévenu tout le monde : « Ici, si tu cognes, tu gagnes, ici, même les mémés aiment la castagne ».
Celui qui se surnomme lui-même Le Petit Taureau se tourne vers son acolyte et ami, le pianiste Maurice Vander. Vander se montre peu convaincu et, à son tour, lui retire son aide.
Nougaro s’entête, prospecte, persiste. C’est finalement Christian Chevallier, arrangeur de Gilbert Bécaud et Juliette Gréco, qui offre son écrin orchestral à la chanson : un titre à contre-courant, ni pop, ni rock, ni jazz ni java, deux fois trop long pour les radios, que Philips accepte de sortir sans entrain en 45 tours.
Devenue, contre toute attente, un succès immense puis un classique de la chanson, Toulouse n’est pas seulement la déclaration d’amour la plus singulière du répertoire français.
Elle est aussi un hymne, terriblement universel, à la puissance de l’attachement filial : celui de l’enfant d’un pays pour une ville-patrie, un temps divisés, enfin réconciliés.
Eva Kristina Mindszenti
Toulouse (live)
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