Au Métronum, le 6 mai dernier, a eu lieu un Tribute, un hommage, aux Doors, The Doors Open – Les Portes s’ouvrent.
Autour du chanteur Laurent Purcha, un guitariste, un clavier, un bassiste et un batteur, une formation traditionnelle de rock réunie pour une fidélité sans faille aux enregistrements studio de ce groupe mythique. De Strange days à Riders on the storm et de The End à L.A. Woman, en passant par Roadhouse Blues à When the music’s over; et 15 autres reprises !
Un souvenir de rébellion, une ancienne semence qui a germé lentement à l’abri du monde : il est inoubliable, le chamanique Jim Morrison, le Roi Lézard, avec sa tête d’archange préraphaélite, avec sa transe poétique… Alors, ils ont exploré son héritage, le contenu de ses phrases, le sens de ses textes, et ils font désormais vivre à nouveau sur scène son voyage initiatique.
Comme dit Laurent Purcha : « The movie will begin in five moments… the mindless voice announced. All those not seated must wait for the next show. We filed slowly, languidly into the hall. The auditorium was vast and silent. After we’d sat down, it grew dark, and the voice continued. The program for this evening isn’t new. You know it through and through.You’ve seen your birth and death, you might recall all of the rest. Did you have a good life before you died? Enough to base a movie on? »
« Le film commencera dans cinq minutes… la voix inoubliable est annoncée. Tous ceux qui ne sont pas assis doivent attendre le spectacle suivant. Nous avons attendu lentement dans le hall. La salle était énorme et silencieuse. Quand nous nous sommes assis, c’est devenu sombre et la voix a continué. Le programme pour cette soirée n’est pas nouveau. Vous le savez à travers quels méandres il passe. Vous avez vu votre naissance et votre mort, vous pourriez vous rappeler tout le reste. Aviez-vous une bonne vie avant que vous ne soyez morts? Assez pour faire le scénario d’un film? »
On est déjà dans le rituel et l’amour de Jim Morrison pour le cinéma n’est pas oublié.
En 1ère partie, Denis Leroux, remarquable guitariste et chanteur, qui avait déjà tout compris d’Hendrix dans sa guitare à 18 ans, redonne vie à Syd Barrett du Pink Floyd. Sans transformisme, sans idolâtrie, sans artifices. Aux frontières du tribute band, il procède à la restitution d’un univers onirique unique. Comme il le dit, « Syd s’est absenté quelques temps, il avait besoin de prendre un peu de recul et de souffler un peu ». Car il n’est pas facile tous les jours de contenir en soi cette frénésie créative et cette quête d’absolu ! Il n’y avait plus moyen de faire quoi que ce soit d’anodin, le moindre geste quotidien du musicien mutait instantanément en acte de création brute et totale.
« Aucun artifice, plus d’art factice : Syd s’est aventuré dans les zones de l’intemporel, de l’invisible, de l’impensable ! Le parcours est bien balisé, il suffit de le suivre avec audace en essayant de retrouver ce sens du vertige maîtrisé qu’il a su si bien dompter, il faut se dépasser et repousser sans cesse les limites ».
Fondateur et âme du 1er Pink Floyd, ce musicien qui continue de briller dans ses deux albums solo, Barrett et The Madcap Laughs, avec de fabuleuses réminiscences des temps élisabéthains, de Purcell et surtout de John Dowland, s’était absenté depuis longtemps, laissant aux autres le succès mondial sur lequel surfe encore Roger Waters.
Denis Leroux-Floyd generation
Selon Denis Leroux, comme Jim Morrison, Jimi Hendrix, Janis Joplin, Kurt Cobain et quelques autres êtres d’exception, Syd Barrett, n’a pu contenir le « magma » qui bouillonnait en lui, il s’est trop avancé, il ne pouvait plus faire « machine arrière », il a du prendre son grand envol et disparaître.
Car, ces grands artistes, ces êtres tellement singuliers étaient des êtres premiers, des aventuriers de l’aube des aubes musicales, pas plus importants qu’une petite plante sur un coin de rocaille comme nous tous, mais d’une générosité telle qu’elle est devenue clairvoyance absolue, fondue dans une dimension universelle. Et ce que Denis Leroux cherche à nous restituer sur scène, c’est cette substantifique moelle ; avec beaucoup de bonheur (1).
A Odyssud, le 17 mai, c’était Thierry Balasse qui ressuscitait (c’est le mot exact) « son » Pink Floyd et « sa » face cachée de la lune ; pour la 120ème fois, nous a t’il dit. Donné à Odyssud en 2013, ce spectacle y est revenu, toujours à guichets fermés. Son rêve d’enfant, c’était de jouer sur scène, en retrouvant le son d’origine, The dark side of the moon des Pink Floyd. Paru en 1973, The dark side of the moon des Pink Floyd a marqué durablement l’histoire de la création musicale mondiale et toute une génération. Concept artistique novateur, succès commercial sans précédent, ce disque proposait une multitude de recherches sonores et d’expérimentations.
Reconstituer sur scène un véritable studio d’enregistrement géant, retrouver le son des instruments d’origine (synthétiseurs analogiques, guitares…), réaliser en live ce que les Pink Floyd n’ont pu faire à l’époque (parties de synthèse sur séquenceur, effets spéciaux réalisés sous nos yeux…), tel était le projet fou et exigeant de Thierry Balasse. Celui-ci s’est entouré d’excellents musiciens et d’un matériel d’époque très pointu. Le souci du détail va jusqu’à la caisse enregistreuse reprise et amplifiée par un micro et une enceinte d’époque !
Money (caisse) Dark side of the moon / T.Balasse
« Une réalisation extrêmement précise sur le son d’origine, dans un concert spectaculaire pour les oreilles comme pour les yeux ».
Synthétiseurs analogiques, Nordstage, Minimoog, VCS3, AKS etc. etc., orgue Hammond, piano électrique Wurlitzer, cabine Leslie, et j’en passe : une débauche de matériel telle que l’on se croirait dans l’antre d’un alchimiste ; 12 personnes sur scène et 2 en salle !
Le rêve de Thierry Balasse est celui d’un enfant gâté (qui peut réunir aujourd’hui une telle équipe ? sinon des orchestres symphoniques ? ou Roger Waters justement ?) ; on reste longtemps sidéré, tant les sons sont époustouflants. Certains des musiciens semblent être les hologrammes des membres du groupe légendaire (le batteur et le guitariste en particulier).
Mais il faut dire que certaines parties, et c’était le risque, ont beaucoup vieilli, comme la partie de piano « classique » ; d’où une sensation de longueurs, comme dans certains films. Ce disque a tellement été écouté, et il l’est encore, sur tous les supports, que l’usure était inévitable ; si le vinyle, pour les puristes (Neil Young par exemple) avait une palette sonore bien plus étendue que le disque compact, sa fragilité le rendait mortel.
C’est la limite d’une telle entreprise.
Sans doute nostalgique, ou découvrant pour la première fois cette musique psychédélique, le public est enthousiaste. Ne serait ce que pour combler celui-ci, Odyssud a bien fait de reprogrammer Thierry Balasse; et cela peut ouvrir des portes, comme dirait Jim Morrison.
Personnellement, je reste sur ma découverte, en janvier 1973 à Marseille, avec One Of These Days, Careful With That Axe Eugene, Obscured By Clouds, When You’re In et Echoes du Pink Floyd, des Ballets de Roland Petit: une émotion unique que je garde encore en mémoire.
Je n’aimerai pas la voir reproduire à l’identique.
Et concernant les hommages, je préfère la fraicheur d’un musicien solo perdu dans un songe à la fois inspiré par un magicien disparu, et influencé dans son univers personnel, comme le fait en toute simplicité Denis Leroux.
Denis Leroux-Floyd generation
- dans un tout autre style musical, puisqu’il s’agit du jazz manouche, je vous recommande le film Django, malgré quelques faiblesses du scénario (ellipses et longueurs déroutantes). La musique est superbe, les acteurs sont excellents, en particulier Reda Kateb, et il y a deux scènes d’anthologie : celle d’ouverture où un musicien magnifique (il s’agit de Dan Garibian du regretté Bratsch et de Papiers d’Arménie), aveugle jouant au milieu d’un cercle de roulotte, est victime de la Shoah par balle, cette extermination organisée par les nazis en Europe de l’Est, moins connu que celle des camps d’extermination ; et le bal chez les même nazis, dans un demeure de luxe réquisitionnée au bord du Lac de Genève, où Django Reinhardt, exhibé comme un animal savant, malgré l’interdit qui lui a été fait de “swinguer, de jouer blues”, entraine l’assistance dans une danse endiablée avant de se faire interrompre brutalement et expulser sous bonne escorte.
E.Fabre-Maigné
1) http://www.elseproduction.com/pinkfloydtribute
Money Dark side of the moon/P.Balasse © Patrick Berger