Enzo un film de Laurent Cantet réalisé par Robin Campillo
Chant du cygne de l’un des plus importants réalisateurs français, Laurent Cantet, Enzo nous bouleverse pour plusieurs raisons. La première vient d’être énoncée. Ce film est un adieu. Co-écrit à quatre mains par Laurent Cantet et son ami de longue date Robin Campillo, Laurent Cantet n’aura pas eu le bonheur de le tourner, la maladie l’emportant le 25 avril 2024. C’est donc Robin Campillo, à qui nous devons le déchirant 120 battements par minute, qui relèvera le flambeau, modifiant à la marge le personnage principal, Enzo.
La Ciotat, de nos jours. Sur un chantier écrasé de soleil, une équipe d’ouvriers œuvre à la construction d’une maison. Au milieu, un apprenti, Enzo, jeune homme de 16 ans. Un brin taiseux nous n’en saurons pas beaucoup jusqu’à ce qu’il rejoigne le nid familial, en fait une luxueuse demeure sur les hauteurs de la ville, avec piscine. Papa est prof de médecine, maman ingénieur. Son grand-frère est en passe d’intégrer un prestigieux établissement parisien. La vie est belle, non ? Mais alors pourquoi diable s’abîme-t-il les mains à couler du mortier toute la journée ? En fait Enzo est dans une sorte de no man’s land personnel. Il ne supporte pas l’enseignement scolaire traditionnel, encore moins le cocon familial. Mais son mal-être va plus loin. A la faveur d’une cigarette fumée lors d’une pause avec Vlad, un ouvrier ukrainien, on devine qu’un lien sensuel s’est tissé entre les deux hommes. Enzo va poser la question inévitable et potentiellement dangereuse à son collègue émigré : pourquoi tu ne fais pas la guerre pour libérer ton pays ?
Cette chronique sociale évoque encore une fois les fils rouges qui irriguent l’œuvre de Laurent Cantet : la lutte des classes et les liens familiaux. Ce film, sobre mais efficace dans sa construction, est porté par des artistes en partie non-professionnels au premier rang desquels le jeune Eloy Pohu, Enzo tout à la fois déterminé mais en quête éperdue de lui-même, et Maksym Slivinskyi, fascinant et lumineux Vlad, en proie ici à un trouble qui va l’amener à prendre une résolution radicale qui nous vaudra un plan final d’une émotion aussi bouleversante qu’irrésistible. Elodie Bouchez et Pierfrancesco Favino, en parents exemplaires d’Enzo, apportent tout leur talent à cette fresque familiale d’une extraordinaire justesse de ton.
A voir absolument !