Chaque mercredi, on rend hommage à un grand classique du cinéma. A voir ou à revoir.
L’Evangile selon saint Matthieu de Pier Paolo Pasolini
Artiste protéiforme (écrivain, poète, dramaturge…) engagé dans les débats politiques travaillant l’Italie de son temps, Pier Paolo Pasolini a signé la version cinématographique la plus impressionnante de la vie du Christ. Nul penchant pour le spectaculaire ici, mais la volonté – dans un noir et blanc aussi contrasté qu’austère – de suivre au plus près l’Evangile selon Matthieu, de l’Annonciation à la Résurrection. Si le film reprend encore certains codes du néoréalisme ayant façonné ses débuts de cinéaste (dont l’utilisation d’acteurs non-professionnels – au premier rang desquels l’extraordinaire Enrique Irazoqui dans le rôle de Jésus – ou une approche parfois documentaire), ce troisième long métrage, sorti en 1964, après Accattone et Mamma Roma, les dépasse en mêlant les styles et les procédés, en usant de zooms et de cadrages frontaux, de séquences filmées caméra à l’épaule et de plans inspirés par de grands maîtres de la peintures comme Piero della Francesca ou El Greco.
Evidemment, la Parole et le Verbe (les dialogues sont tirés directement de l’Evangile selon Matthieu) sont au cœur de ce récit d’une révélation tout en épure et en dépouillement, d’une beauté brute et fascinante. Qu’il s’agisse des miracles ou de la Passion, Pasolini ne recule devant aucun obstacle, détourne les clichés, transforme les paysages de Sicile et d’Italie du Sud en une Terre sainte impressionnante de réalisme.
Ceux qui croient au Ciel et ceux qui n’y croient pas
Certains furent surpris ou déçus de voir Pasolini – marxiste, homosexuel, athée – mener ce projet avec autant de sincérité que de passion. Homme singulièrement libre, irrécupérable par aucune chapelle (sans jeu de mots), l’artiste profondément imprégné de catholicisme voyait d’abord dans les Evangiles « une pure œuvre de poésie » et l’incarnation de la « beauté morale ».
Celui qui se définissait comme « un incroyant qui a la nostalgie d’une croyance » rend hommage à une foi populaire et enfantine, sonde le mystère de la vie et de la mort et le miracle de la résurrection en évacuant toute imagerie sulpicienne. D’une émotion sans pathos, œuvre filmée à hauteur d’homme, L’Evangile selon saint Matthieu peut plaire à ceux qui croient au Ciel comme à ceux qui n’y croient pas.
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