Iris Chauveau sillonne les routes d’Occitanie avec son projet explicitement baptisé «La Photographe Ambulante». Dans ce cadre, l’artiste fait de nombreuses rencontres au sein d’évènements culturels et d’espaces engagés. Ces échanges avec le public, elle les nourrit avec son Afghan Box Camera, un outil artisanal permettant de tirer des portraits sur du papier argentique. Culture 31 a échangé avec la photographe.

Iris Chauveau © Rakoo de Andrade
Culture 31 : Quand et comment avez-vous fait vos premiers pas dans le monde de la photographie ?
Iris Chauveau : Je pratiquais déjà la photographie argentique en tant que loisir extrascolaire quand j’étais au collège, donc j’ai toujours eu envie de faire ce métier là. C’est pourquoi je suis partie en bac S puis en BTS de photographie au Lycée Renan à Paris par la suite. C’est là que je me suis professionnalisée dans le milieu.
Dans le cadre de votre projet « La Photographe Ambulante », vous utilisez une Afghan Box Camera. Comment avez-vous découvert cet appareil ? Pouvez-vous nous le décrire ?
C’est un appareil photo artisanal qui contient un laboratoire argentique à l’intérieur. Ce procédé, je l’ai découvert à Paris, devant Beaubourg, grâce au photographe Hans Zeeldieb. D’ailleurs, il fait toujours des photos devant Beaubourg l’été ! Et c’est lui que j’ai vu faire de l’Afghan Box pour la première fois, en 2012. J’étais encore en BTS à l’époque. J’ai trouvé ça trop cool, même si je n’ai pas directement fabriqué mon Afghan Box. C’est venu plus tard.

Afghan Box Camera © Iris Chauveau
Vous parlez de « remettre la photographie au cœur de l’échange et du temps long ». Qu’est ce qui vous déplaît dans l’instantanéité du numérique ?
Ce n’est pas que ça me déplaît, mais c’est vrai que lorsque j’ai commencé à travailler dans ce milieu en tant qu’assistante photographe à Paris, j’avais un peu le sentiment de ne rien avoir à apporter. En fait, j’avais l’impression que les gens prenaient énormément de photos tout le temps, que tout avait déjà été photographié, et que c’était difficile de créer dans ce monde là. C’est pour ça que l’Afghan Box a été une réponse, parce que c’est à la fois de l’argentique et de l’échange en direct avec le public. C’est un rapport à la photographie qui est complètement différent.
Justement, avez-vous un moment préféré au cœur de cet échange, de la présentation de l’appareil au tirage de la photo ?
J’aime vraiment toutes les étapes, mais c’est vrai qu’il y a un moment qui est peut-être un peu plus sympa que le reste, et c’est quand la personne découvre le procédé. Souvent, les gens s’approchent et ne comprennent pas trop. On m’a déjà dit que c’était une boîte à musique ou même une ruche. Il y a plusieurs hypothèses qui émergent, et quand j’ouvre la boîte, que je montre mon laboratoire et l’endroit où je pose le papier, les gens comprennent que c’est très simple. La boîte est presque vide à l’intérieur donc les gens ont souvent une réaction de surprise, et c’est cette découverte très instantanée que j’aime beaucoup.

Aymeric Lompret © Iris Chauveau
Avec votre outil, vous parcourez les évènements culturels et les espaces engagés, principalement en milieu rural. D’où vient votre envie d’intervenir dans ce cadre-ci ?
Je vis en milieu rural, dans les montagnes, dans les Pyrénées. Et ça s’est fait par la force des choses aussi, en m’intégrant dans mon milieu, en participant à toutes les initiatives réjouissantes que je peux voir autour de moi, et en voulant être actrice dans tous ces évènements que je trouve très chouettes. Voilà, c’est une envie d’en faire partie et de partager mes compétences et ce procédé, même si c’est moins bien payé voire pas du tout. Parce que c’est là où j’ai trouvé du sens, dès le début, avec mon intervention.
En parlant de rémunération, votre démarche est également inclusive, dans le sens où vous favorisez la gratuité et les prix libres. Le public en est-il surpris ?
Pas forcément, parce que c’est un procédé très peu connu, et les gens ne connaissent pas très bien l’argentique non plus. J’ai un peu de difficulté avec la gratuité complète, parce que la photo, ce n’est jamais gratuit, même si beaucoup de monde fait des photos aujourd’hui. C’est pour ça que j’aime bien mettre un prix libre. En général, c’est l’organisation qui rémunère ma présence, mais c’est bien que ce soit un peu des deux, l’organisation et le public. Mais les gens trouvent ça normal quand c’est gratuit. Quand j’ai commencé, au tout début, avec les prix libres, j’avais du mal à me faire rémunérer plus de 5 euros par photo. Donc ça a été tout un travail, même pédagogique, pour expliquer le coût que ça peut avoir pour moi, etc.
Vous prônez aussi des idées écologistes et féministes à travers votre projet. Ces valeurs manquent-elles de représentation dans le paysage artistique actuel ?
Je ne trouve pas, mais j’ai fait une année d’incubateur dans une association féministe, j’étais entourée de projets engagés, donc j’ai l’impression qu’il y en a beaucoup. C’est un biais que j’ai sûrement de par mon entourage. Je ne sais pas si ça manque, en tout cas il me semble qu’il y en a de plus en plus. Pour le coup, je trouve ça assez enthousiasmant !
Sur quels évènements pourra-t-on vous retrouver prochainement ?
Je serai à Auch pour la Nuit européenne des musées, le 17 mai.
Avez-vous aussi des projets en devenir à Toulouse ?
J’ai participé à un salon vintage à Toulouse il y a deux ans, et c’est un endroit où j’aimerais bien me développer davantage. D’ailleurs, l’incubateur que j’ai fait était à Toulouse, avec l’association La Petite, et j’ai connecté avec pas mal de monde dans la ville. En ce moment, je suis en travail de diffusion et de prospection autour du projet, et il y a sûrement des lieux et des évènements susceptibles de m’accueillir ici.
Pour conclure, « La Photographe Ambulante », c’est quoi ?
C’est une intervention de photographie argentique avec une Afghan Box Camera. Je réalise des portraits instantanés, en direct devant le public.
Propos recueillis par Inès Desnot