Attachés à rendre la musique ancienne accessible à tous, Les Sacqueboutiers ont en outre toujours manifesté le désir d’établir par la musique un dialogue artistique entre différentes époques, différentes cultures. Le 2 décembre 2014, l’ensemble de cuivres anciens présente à Toulouse sa nouvelle création intitulée « Reis Glorios », une parfaite illustration de cette volonté de dialogue interculturel. Pour cette nouvelle aventure, en partenariat avec le festival Déodat de Séverac, ils invitent Driss El Maloumi, maître du oud marocain et Pierre Hamon, l’un des plus grands flûtistes spécialisés dans la musique médiévale.
La civilisation arabe a laissé en Occitanie des traces beaucoup plus nombreuses au Moyen Âge tardif (XIVe et XVe siècles) par le biais du commerce et des croisades, qu’au Haut Moyen Âge (du VIIIe au Xe siècles). Entre terre d’Islam et terre d’Oc, il n’est pas de fossé infranchissable. Aux temps successifs de sa soumission aux Francs carolingiens puis aux Français de Simon de Montfort, le Midi profond s’est tout naturellement tourné vers l’Andalousie, dont la civilisation brille de tout son éclat. C’est vrai dans la poésie où les résonances viennent d’être relevées entre la courtoisie arabe et la fin’amor occitane aussi bien que dans la métrique de type ghazal, sans parler de l’adoption d’instruments de musique comme le oud devenu luth. Mais c’est encore plus vrai dans les sciences. C’est ainsi qu’au milieu du Xe siècle, naît en Aquitaine un certain Gerbert. Il fait ses humanités chez les bénédictins d’Aurillac et cet esprit brillant est remarqué par Borel, comte de Barcelone, qui l’amène en Catalogne. Il se retrouve ainsi à l’abbaye de Santa Maria de Ripoll où un moine érudit versé dans l’astronomie arabe dont il traduit les traités contemporains, Llobet de Barcelone, l’initie aux résultats des sciences modernes qui, à l’époque, sont arabes.
Le programme musical Reis Glorios, présenté par Les Sacqueboutiers avec le concours du maître du oud, Driss el Maloumi, met en évidence les liens étroits qui se sont tissés entre l’art des troubadours et celui des civilisations arabes de la fin du Moyen Âge. Des pièces traditionnelles d’origine orientale alternent avec des musiques issues de grands recueils occitans de cette époque, comme le manuscrit d’Apt ou le fameux Livre Vermeil de Montserrat, ainsi que des partitions signées des grands troubadours de la même riche période : Bertran de Born, Girau de Bornèlh, Bernard de Ventadorn.
Un manuscrit provenant de la bibliothèque Saint-Victor et conservé à la Bibliothèque Nationale de Paris, offre un témoignage précieux concernant l’usage linguistique s’appliquant au chant et à la musique dans l’Espagne arabisée des XIe et XVIIe siècles. Certaines expressions traitent du jeu des instruments de musique et y sont clairement identifiés : le duff est le tambour de basque, la deuziema : la doulçaine, le buq, traduit en latin parfistulare est une sorte de corne se rapportant certainement au cornet, lakela désigne la trompette (tubarum), le rebek : le rebâb, le tabor : letambour, enfin le karamel est le caramillo espagnol ou chalemie.
Toutes ces correspondances motivent le programme musical de ce concert du 2 décembre qui place en miroir des pièces musicales d’origine arabe et leur correspondance dans le monde occitan.
Ainsi, outre Driss El Maloumi, au oud marocain, et Pierre Hamon, aux diverses flûtes, Les Sacqueboutiers invitent Pierre-Yves Binard, chant, et Renat Jurié, chant et récit. Du ciel arabe au ciel occitan, Les Sacqueboutiers célèbrent la filiation des cultures.
Serge Chauzy
Une Chronique de Classic Toulouse
Renseignements sur l’ensemble de cuivres anciens Les Sacqueboutiers
Tél : +33 (0)5 61 13 00 18
Site Internet : http://www.les-sacqueboutiers.com/
Programme du concert donné le 2 décembre 2014 à 20 h 30 à l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines