Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
Une vraie Parisienne de Gilles Martin-Chauffier
Dans Clause de conscience, le nouveau roman de Gilles Martin-Chauffier qui vient de paraître, le héros – prénommé Gilles et journaliste dans un grand hebdomadaire – est l’auteur d’un roman intitulé Une vraie Parisienne qu’une jeune actrice à la mode rêve de voir porter à l’écran. L’occasion de se pencher sur cette comédie de mœurs acide, sur fond de presse people et de choc des cultures, parue en 2007.
Une vraie Parisienne nous raconte l’histoire d’un Américain à Paris. Bruce Fairfield, superstar qui a vendu des millions de disques, soigne ses brushings, joue du piano et boit comme un trou. Durant son séjour, il vient rencontrer la presse et surtout goûter l’art de vivre “made in France”. Pour le chaperonner, sa maison de disques lui octroie la compagnie d’Agnès de Courroye, guide touristique pour étrangers fortunés. La quarantaine, mariée, divorcée, elle a un fils de quatorze ans élevé par sa grand-mère. Une « vraie Parisienne » donc : « cultivée, moqueuse, élégante, pipelette, buveuse et peut-être, coureuse ». Notre vedette internationale tombe sous le charme de la capitale et de sa guide. Les ennuis vont commencer…
Il flotte un air d’opéra-comique sur le roman de Gilles Martin-Chauffier. Son tableau de la vie parisienne au début du XXIe siècle marie le plaisir du divertissement à la description quasi-sociologique d’une classe constituée de célébrités (show-biz, politique, affaires…) et de leurs petites mains (journalistes, attachées de presse, avocats…). On savoure aussi les portraits acérés de quelques précieux ridicules tel ce metteur en scène de théâtre qui se pique de « retisser des liens » et de « rendre du sens » afin d’éduquer les masses ou encore de ces belles âmes qui pourfendent le Grand Capital mais qui vont délocaliser le tournage de leurs films à Bratislava ou à Vilnius. À son habitude, l’auteur des Corrompus (prix Interallié 1998) et de Silence, on ment mêle personnages réels et imaginaires.
Choc amoureux des civilisations
Au-delà de cette description acide d’une « microsociété d’aristos médiatiques », Une vraie Parisienne s’attache à la romance tumultueuse, faite d’arrière-pensées et de chausse-trappes, qui ligote les deux personnages principaux. Entre celle qui « pousse la porte des musées comme on ouvre un cadeau » et celui qui aura consacré dans sa vie « dix fois plus de temps à ses brushings qu’à la lecture », c’est une manière de choc des civilisations. « Vous entretenez des décors anciens où jouer l’éternelle même comédie. Vos vieilles rues, vos châteaux, vos maisons de guingois vous font des souvenirs d’enfance » assène le Yankee.
Si l’on sent que l’auteur est tombé amoureux de son héroïne, qu’il n’idéalise pas se souvenant que « parisienne » rime avec « hyène », le lecteur ne sait qui du vautour ou de l’hirondelle l’emporte chez Agnès de Courroye. Une vraie Parisienne balance entre la référence contemporaine qui fait mouche (« Comment citer Drieu, Morand, Barbey ou Diderot à des gens qui tournent Camping ? ») et l’aphorisme qui traverse les époques (« Se marier, c’est choisir la personne qu’on haïra dans deux ou trois ans »). Tout cela au fil d’un récit que l’on ne lâche jamais. Réjouissant.
Une vraie Parisienne • Grasset