Chaque semaine, on vous invite à lire une nouveauté, un classique ou un livre à redécouvrir.
L’Archipel d’une autre vie d’Andreï Makine
Si l’on ne peut réduire l’œuvre d’Andreï Makine à son tropisme russe, l’écrivain, né en Sibérie en 1957, naturalisé français et devenu académicien, revient régulièrement au pays de ses origines. En témoigne parmi d’autres le remarquable L’Archipel d’une autre vie publié en 2016. URSS, début des années soixante, un adolescent de quatorze ans quitte son orphelinat, situé en Sibérie centrale et accueillant des enfants dont les parents ont disparu dans les camps, pour suivre une formation de géodésiste dans une petite localité perdue de l’Extrême-Orient. Un jour, il guette un mystérieux trappeur dans la taïga, mais celui-ci le surprend. L’homme, Pavel Gartsev, va alors raconter au jeune garçon l’étrange traque à laquelle il participa dans cette même région en 1952. Tandis que des soldats s’entraînent à une hypothétique guerre atomique, un groupe est constitué autour de Louskass, représentant du contre-espionnage militaire, afin de rattraper un prisonnier s’étant évadé d’un camp. Louskass, Boutov, Ratinsky, Vassine et Gartsev partent donc à la poursuite de ce fugitif qui pourrait être un ancien nazi, un agent de l’Ouest ou simplement un détenu politique. Il doit être pris vivant, ramené au camp et subir une punition exemplaire.
Mais la traque dans la taïga leur réserve de nombreuses surprises.
L’Archipel d’une autre vie prend d’abord l’allure d’une classique chasse à l’homme et Andreï Makine entraîne le lecteur dans une sorte de western moderne. La nature et les éléments sont les premiers ennemis de cette petite troupe dont chacun des membres poursuit ses propres objectifs. Ces hommes ont aussi leurs secrets, vivent avec des fantômes. Certains doivent renoncer à la mission, le fugitif semble se jouer d’eux et il n’est pas celui que l’on croyait…
Passage de témoin
Sans perdre sa tension et sa dimension épique, le western de Makine devient fable. À l’instar du fugitif, l’auteur du Testament français, prix Goncourt 1995, brouille les pistes, mêle la grande Histoire et les destinées de ses personnages. La seconde guerre, le communisme, le Goulag, le péril atomique, la mondialisation : quels que soient l’époque et le motif, les hommes ne changent pas. La violence, l’envie, la haine, la sauvagerie guident leurs pas. Sauf chez ceux qui réussissent à fuir pour gagner « une autre vie » loin des masses encasernées de gré ou de force. Dédié aux « destins qui s’opposaient à tout ce que convoitaient les humains » et aux derniers hommes libres, L’Archipel d’une autre vie est l’éblouissante histoire d’une initiation et d’un passage de témoin.
L’Archipel d’une autre vie – Seuil