Depuis le 19 décembre 2022, le Professeur François Moog a pris ses fonctions en tant que recteur de l’ICT (Institut Catholique de Toulouse). Venu de la « Catho » de Paris, il décide de mettre au cœur de son projet éducatif la place de la culture et la préservation du patrimoine.
L’histoire de l’Institut Catholique de Toulouse
Les bases de l’ICT sont lointaines et remontent au XIIIe siècle. Initialement, l’Université toulousaine est fondée en 1229. Supprimée à la Révolution, elle se transforme en un foyer de religieuses clarisses. Elles-mêmes sont chassées et le lieu est transformé en une fonderie de canons, à l’opposé du lieu de prière initial. Ce n’est qu’en 1877 que l’université est rétablie sous le nom d’Université Catholique. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les premières facultés créées sont profanes et sont du ressort des sciences humaines. Plus tard, après le droit, les lettres et les sciences, les facultés de théologie et de droit canonique sont mises en place.
Une partie de l’histoire de l’ICT est particulièrement connue, c’est celle de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1933 et 1939, le recteur Bruno de Solages est régulièrement informé de la situation du nazisme en Allemagne. Son cousin René de Naurois lui rend compte du traitement réservé aux juifs. Bruno de Solages entre en contact avec l’archevêque Mgr Saliège et avec plusieurs réseaux de résistance. Il décide alors d’accueillir des réfugiés juifs. Pour les cacher du regard de la gestapo à Toulouse, il leur fait des cartes d’étudiants sur lesquelles il est inscrit qu’ils sont catholiques. Pourtant le recteur ne prend pas de grandes précautions pour cacher ses idéaux, ce qui lui vaut des menaces de mort à plusieurs reprises. Il est finalement arrêté en 1944 puis déporté à Nuengamme.[1]
Une richesse patrimoniale inscrite dans le temps
Dans cette richesse historique, se cache également une architecture notable. Sur l’un des murs de la salle Léon XIII, une grande fresque de Marcel Lenoir se fait rapidement remarquer. Plus loin, dans l’amphithéâtre Bruno de Solages, un plafond du XVIIe siècle surplombe la pièce. Classés monuments historiques, ils subissent malgré tout les dommages du temps, sans que l’Institut ne puisse trouver de moyens financiers pour les entretenir durablement. L’ICT est aussi un lieu d’histoire car il renferme en ses murs la chapelle Sainte-Claire. Dans la modernité de la « Catho », ces éléments de patrimoine viennent rappeler le fond culturel de l’université.
En plus de ces éléments architecturaux, l’espace muséographique Georges Baccrabère repose sur un rempart Gallo-romain du Bas-Empire de la fin du IIIe siècle de l’enceinte de Toulouse. Le mur est découvert en 1933 mais il faut attendre 2010 pour qu’une organisation muséale se construise autour. Pascale Cazalès, la responsable du pôle Art et patrimoine de l’ICT, organise un cheminement pour découvrir les divers éléments du rempart que les Romains ont utilisé pour le fortifier. En parallèle, d’autres aspects du patrimoine de l’ICT sont mis en avant comme des objets du Moyen-Âge ou un mur de la forgerie de canons du XVIIIe siècle. A côté, Pascale Cazalès organise une salle dont les expositions de street art, d’abstrait, de photo ou de sculptures, sont provisoires.
L’enjeu de préserver un fond patrimonial ancien, l’exemple de la bibliothèque Aimé-Georges Martimort
Ce patrimoine fait en partie la richesse de l’Institut Catholique. Pour cette raison, il est nécessaire de le conserver. L’un des exemples qui montrent bien ce devoir de préservation, c’est la bibliothèque Aimé-Georges Martimort. Créée avec l’université pour répondre aux besoins des étudiants, elle n’est au départ que l’équivalent d’un placard, une bibliothèque sommaire. Celui qui lui fait atteindre un stade supérieur, c’est Aimé-Georges Martimort. Nommé conservateur par l’ancien recteur Bruno de Solages, il part se former à Rome où il obtient un diplôme de bibliothécaire. A la suite de cela, il met en pratique les méthodes qu’il a apprises et développe la bibliothèque.
Peu à peu, le nombre d’ouvrages conservés augmente jusqu’à arriver à un total de 100 000 aujourd’hui. Dans ceux-ci, 22 000 datent d’avant 1815 et cinq sont dits « incunables », ils ont été édités avant 1500. Des livres notables sont préservés à l’ICT comme le Livre des rois et une riche collection d’ouvrages du XVIe siècle. L’enjeu de la conservation est donc grand pour l’actuel conservateur Philippe Dazet-Brun. Certains ouvrages sont en mauvais état et ont besoin d’être restaurés. Nombre d’entre eux sont en parchemin, sont faits de cuir ou sont recouverts d’une reliure. Les précautions de préservation sont donc nombreuses : une température stable, un faible taux d’humidité et la sécurité contre le vol et les incendies.
Pour une union des facultés et d’une même culture
Ce besoin de conserver et la nécessité de mettre en place une culture commune, le recteur en est bien conscient. La bibliothèque n’est pas le seul élément patrimonial en danger, tous les éléments architecturaux de l’ICT le sont aussi. Plus le temps passe, plus le plafond de l’amphithéâtre Bruno de Solages se dégrade, sans que l’Institut ne puisse vraiment trouver de moyens de financement pour le conserver. Pour ralentir le vieillissement de ces éléments, une « commission patrimoine » a nouvellement été créée, d’après les informations du recteur François Moog. Son objectif sera justement de trouver des financements publics et des mécènes pour permettre au patrimoine d’être conservé et d’être mis en avant auprès du public. Plus généralement, la culture semble nécessaire pour le nouveau recteur. L’institut est catholique et dans la manière dont l’Eglise conçoit l’éducation il est affirmé que « la personne humaine n’accède vraiment à son humanité que par la culture ». Le principe éducatif de l’ICT est donc directement lié à la culture.
Ce besoin se fait encore plus ressentir à la suite du Covid d’après Pascale Cazalès. Dans le musée, les visiteurs sont moins nombreux, comme si les gens avaient perdu l’habitude. Il est donc essentiel de redoubler d’efforts pour mettre en avant le patrimoine de l’ICT, d’autant plus que le contexte universitaire y est favorable. Le recteur souhaite en effet réunir tous les étudiants, de toutes les facultés, en partie autour d’une culture commune. C’est d’ailleurs ici que l’atout d’un recteur théologien et laïc est intéressant. Il peut faire la passerelle entre les facultés théologiques et les facultés profanes. Une des solutions pour les réunir, c’est leur proposer des cours communs ou des engagements associatifs pour leur créer une culture commune.
Ainsi, il est évident de constater la richesse patrimoniale de l’Institut Catholique de Toulouse. Malgré le danger de la dégradation, la « Catho » est forte d’un recteur attentif. Les éléments architecturaux et historiques semblent donc prendre la voie de la préservation et la culture celui de la visibilité.
[1] DUFFAU Marie-Thérèse. « Des étudiants juifs réfugiés à l’Institut catholique de Toulouse pendant les années noires », Diasporas. Histoire et sociétés, n°10, 2007, p. 136.