Du mercredi 26 février au dimanche 1er mars 2020, le Musée départemental de la Résistance et de la Déportation de la Haute-Garonne (1) a fêté sa rénovation, la plus importante depuis sa création. Durant cinq jours, le public a été invité à découvrir les nouveaux espaces d’exposition : grâce à l’extension réalisée, le musée propose une superficie totale de 1.000 m².
De quoi répondre à sa vocation : permettre aux citoyens de tous âges de « s’approprier les valeurs de la République et de la laïcité, à travers l’histoire des résistants et de leurs combats« .
Créé en 1977 par d’anciens résistants et déportés pour témoigner des moments forts et des atrocités vécus lors du deuxième conflit mondial, le lieu regroupe un fonds important de 10.000 objets tels que des lettres, photos, cahiers, cartes, postales, tenues, matériel de transmission, armes démilitarisées…
Musée de la Résistance et de la Déportation © Aureline Ferreira – CD31
Fermé pour cause de pandémie, il a ré-ouvert ses portes début juin.
Dans ce lieu de mémoire, on rappelle le drame de la seconde guerre mondiale à travers documents, photographies, objets… On y découvre les armes, réelles ou figuratives, de la Résistance (2).
Le 2e étage accueille une exposition permanente : la salle de la Résistance est consacrée aux combats des résistants et des déportés et à la vie quotidienne en Haute-Garonne pendant la seconde guerre mondiale ; et la salle de la Déportation a été constituée comme un lieu de mémoire des camps de concentrations nazis.
La muséographie a été totalement renouvelée afin d’inscrire dans la modernité cet outil essentiel de transmission : l’établissement va désormais s’appliquer à mettre en évidence le caractère universel et intemporel de la Résistance. .
En le visitant, on ne peut s’empêcher de se remémorer avec émotion les grandes figures de la Résistance de Jean Cassou à Jean Moulin par exemple, dont les bustes se trouvent aux Jardins des Plantes, de Marcel Langer à Achille Viadieu et François Verdier, présents dans la mémoire des Toulousains, et de fredonner le « Chant des partisans » (3) :
Ami, entends-tu
Le vol noir des corbeaux
Sur nos plaines.
Ami entends-tu
Les cris sourds du pays
Qu’on enchaîne,
Ohé partisans
Ouvriers et paysans
C’est l’alarme !
Ce soir l’ennemi
Connaîtra le prix du sang
Et des larmes …
Musée d’histoire, ce lieu a également pour vocation la commémoration et l’éducation à la citoyenneté.
Haut lieu de la mémoire de la seconde guerre mondiale dans la région Occitanie, sa modernisation lui permet désormais de programmer des expositions temporaires tout au long de l’année.
La première d’entre elles est consacrée à la vie quotidienne à Toulouse, entre 1938 et 1944 grâce aux oeuvres de la photographe toulousaine Germaine Chaumel .
Exposition Germaine Chaumel © Aurelien Ferreira – CD31
Elle est prolongée jusqu’au 20 décembre 2020.
Sans doute encore trop peu connue du grand public, Germaine Chaumel (1895-1982) fut l’une des premières femmes photo-reporters du 20e siècle. Cette Toulousaine, artiste touche-à tout, éprise de piano, de chant et de dessin – elle se produira à de multiples reprises sur la scène du Capitole ou sur les ondes de Radio Toulouse pour des opérettes – découvre la photographie dans les années 20 et se forme en autodidacte aux techniques de la prise de vue, inspirée par les travaux de Man Ray ou de Brassaï. Elle fonde en 1937 avec des camarades photographes le cercle des XII, un club réunissant les talents toulousains de la photo. Elle en est la seule femme, et en ouvrira les portes, en 1945, à un certain Jean Dieuzaide.
Elle a commencé la photographie parce que c’était nouveau, elle avait une âme d’artiste et voulait en découvrir les techniques. Elle s’est abonnée à des revues pour se former, en autodidacte. Elle s’amusait à photogaphier Toulouse la nuit, les premiers néons, les premiers éclairages, elle préférait sortir quand il pleuvait pour traquer les reflets sur le pavé…Pilar Martinez-Chaumel, petite-fille de Germaine Chaumel
Certaines des photographies exposées sont très représentatives de cette période comme Pétain en visite à Toulouse en 1940 :
© Photographie Germaine Chaumel-Fonds Martinez-Chaumel
Ou ces élèves devant dessiner pour le maréchal Pétain, « le sauveur de la France » (inscrit sur le tableau noir) dont le portrait doit être affiché dans chaque classe (vers 1940-41) :
© Photographie Germaine Chaumel-Fonds Martinez-Chaumel
Certaines pourraient hélas être d’actualité, même si la conjoncture n’est pas la même, avec l’action des Secours Populaire et Catholiques, comme La soupe populaire du secours national à Toulouse 1941...
© Photographie Germaine Chaumel-Fonds Martinez-Chaumel
Germaine Chaumel s’est éteinte à Blagnac en 1982, laissant derrière elle plus de 20.000 photos que sa petite-fille Pilar Martinez-Chaumel se consacre à mettre en valeur, grâce à des livres ou des expositions. Une partie de ce précieux patrimoine de la photographie française est sauvegardée aux Archives Municipales de Toulouse.
Une autre exposition des photographies de Germaine Chaumel, intitulée
« L’art du portrait, les insolites » aura lieu du 16 juin au 29 août 2020 à la galerie 3.1 (4), toujours sous l’égide du Conseil départemental de la Haute-Garonne.
Et je consacrerai ma prochaine chronique à cette grande Dame de la photographie, qui était il y a cinquante ans, une femme d’aujourd’hui !
Pour en savoir plus :
- Le Musée de la Résistance & de la Déportation, à Toulouse, est ouvert du mardi au samedi, de 10h à 12h30 et de 13h30 à 18h. L’entrée y est gratuite.
52, allée des Demoiselles 31400 Toulouse Téléphone : 05 34 33 17 40
http://musee-resistance.haute-garonne.fr/fr/index.html
L’équipe du musée propose tous les samedis des visites guidées sur une thématique surprise. Afin de respecter la distance physique d’1 mètre, le nombre de participants est limité à 5 personnes. Le médiateur est équipé d’une visière de protection pour assurer sa sécurité et la votre, tout en continuant à échanger de manière conviviale.
2) Résistance définition
Le mot est ancien, il viendrait du XIIIe siècle : résistance. Mais il avait alors tendance à prendre un E et non un A. « Résistence » c’est ainsi que l’écrit Mahieu le Vilain, maître ès arts de l’Université de Paris, quand il traduit Les météores d’Aristote. La « résistence » est, selon lui, « la qualité par laquelle un corps résiste à l’action d’un autre corps ». Le mot évolue dans l’univers de la physique, de la chimie, de l’électricité et même de la gastronomie. Un plat de résistance est un plat où il y a beaucoup à manger. Il y a également de l’amour dans la résistance, oui, quand la résistance s’oppose à des sollicitations trop pressantes. Et puis, il y a de la politique quand se forme à l’Assemblée un parti de résistance et lors de la Seconde Guerre mondiale, la Résistance est le mouvement qui découle de l’action clandestine menée contre les armées allemandes d’occupation et les gouvernements qui les soutiennent. Le mot change donc de sens, mais comme tous les mots d’ailleurs, selon le contexte dans lequel il est employé. Mais dans tous les cas, quand il s’agit de définir le mot résistance, il est question de force, et surtout, il est question d’actions.
En 1940, le mot « résister » n’est presque pas employé. Les pionniers vont plus souvent dire : « il faut faire quelque chose ». Ce qui est très intéressant, car c’est indéterminé, et au fond, ils ne savent pas bien ce qu’ils vont faire, mais ce qu’ils savent, c’est qu’il faut faire quelque chose. La première étape est de se convaincre soi-même qu’on peut faire quelque chose : c’est donc un travail avant tout intime qui est à mener. Ce qui est paradoxal, car pour nous, la Résistance fait aujourd’hui écho à une expérience collective, alors que cela commence dans le for intérieur de la conscience de chacun. Puis les premiers « noyaux de résistance » – selon le terme utilisé par Germaine Tillion – vont se former très progressivement.
La grande richesse de la Résistance, c’est qu’on y trouve des gens qu’on n’y attendait pas spontanément. Ce n’est pas un phénomène rationnel, au sens où on pourrait dresser un profil type. On ne recrute pas dans la Résistance sur grand oral ou sur curriculum vitae. On recrute sur ce que les gens veulent faire et sont capables de faire. (…) Mais la Résistance n’est pas un monde idéal dans lequel ses membres s’entendraient tous parfaitement. Ils sont d’accord sur un but : il faut chasser les Allemands hors de France. Petit à petit, l’accord se fait sur le rejet de Vichy. Mais c’est un combat permanent entre les gens qui sont partie prenante de cette Résistance, c’est à dire que ça n’efface pas du tout les oppositions qu’il y avait antérieurement. Elles sont atténuées parce qu’il y a un but qui domine tous les autres. La question est : « Est-ce que ces divergences sont plus fortes que l’ennemi auquel nous sommes confrontés ? ». Et la réponse que ces gens apportent face à une répression croissante entre 1942 et 1944 est : « Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous divise, mais la lutte terminée, nous reprendrons nos joutes d’avant-guerre ». Laurent Douzou
3) Le « Chant des Partisans » est un texte de Joseph Kessel et Maurice Druon venus rejoindre les Forces Françaises Libres à Londres et la musique est de Anna Marly réfugiée à Londres. Ecrit en 1943, ce chant engagé est devenu celui de ralliement de la Résistance en France et en Europe. Il sera chanté par des résistants dans les prisons, dont certains condamnés à mort au moment de leur exécution, par exemple à la Maison d’Arrêt Saint-Michel de Toulouse, dont le Castelet est en rénovation pour devenir un autre lieu de mémoire du Toulouse de la Résistance dont l’ouverture ne devrait pas tarder.
4) La galerie 3.1 – 7, rue Jules Chalande – Toulouse 05 34 45 58 30
La galerie 3.1 est un espace culturel public situé au cœur de Toulouse, dédié aux expositions et aux rencontres pluridisciplinaires artistiques.
https://www.haute-garonne.fr/service/la-galerie-31