Claire Mathias, restaurer l’invisible
Dans le silence précis de son atelier, entre scalpels affûtés et pinceaux aussi fins qu’un cil, Claire Mathias redonne vie aux objets que le temps a estompés et rendus amnésiques. À Toulouse, au sein de son atelier « Fragment d’histoire », elle restaure la mémoire autant que la matière. Verre, céramique, faïence, porcelaine, résine, plâtre, ou même objets plastiques… Tout ce qui a été endommagé, tout ce qui semble irrémédiablement perdu, trouve chez elle une seconde chance.

Claire Mathias
Claire est restauratrice d’objets d’art, un métier rare, souvent méconnu, qu’elle exerce depuis un peu plus d’un an à son compte, en micro-entreprise. Mais la vocation s’est dessinée bien plus tôt. C’est à Chartres, au cœur du département d’Eure-et-Loir, qu’elle fait ses premiers pas dans l’univers du patrimoine. La ville abrite le Centre international du vitrail, un haut lieu de création et de restauration. Alors c’était comme un appel du destin.
« À 13 ans à peine, je commençais donc à manipuler le verre, à créer et à réparer, avec une patience assidue », se souvient Claire Mathias. Une passion d’adolescente qui ne la quittera jamais.
« J’ai toujours su que je voulais travailler avec mes mains. Et avec le passé », confie-t-elle.
Après des études spécialisées en restauration d’objets céramiques et en verre à l’école de Condé, à Paris, elle fait un choix rare dans sa discipline : quitter la ville où elle a été formée pour s’installer à Toulouse, loin de ses premiers réseaux professionnels. Pourquoi Toulouse ? Pour son dynamisme, sa jeunesse, et surtout son marché de l’art animé par des ventes aux enchères, des brocantes et des collectionneurs passionnés. Loin d’être une terre désertique pour les objets anciens, la Ville rose semble être un terrain fertile pour les restaurateurs.
Les demandes peuvent varier : « Un particulier tolérera des cicatrices visibles, là où un collectionneur professionnel exigera l’invisible », surtout si une vente approche, explique la restauratrice. Alors son travail, elle le fait sur mesure, avec toute la minutie adéquate. Car restaurer, cela ne veut pas dire tout effacer. C’est d’abord nettoyer, recoller si besoin, combler les fissures, puis reconstituer l’esthétique perdue… Parfois à l’aide de peintures, parfois d’un aérographe miniature, semblable à ceux utilisés en carrosserie mais en plus petit.
« Ma première restauration à Toulouse était une horloge »
Certaines restaurations s’étalent sur plusieurs semaines, les colles et couches devant sécher avec soin, tandis que d’autres doivent être bouclées en quelques jours, notamment si une vente approche. En moyenne, Claire réalise plusieurs devis par semaine, souvent à partir d’une simple photo envoyée par mail ou message. « Je n’ai pas d’horaires fixes, car les miennes ne le sont pas non plus, je planifie ma semaine en fonction des demandes », ironise-t-elle.
Son premier projet toulousain n’était pas commun : une horloge mêlant faïence et bronze. « J’ai pris en charge la restauration céramique, comme mes compétences me le permettent, tandis qu’un confrère plus à l’aise avec la métallurgie s’est occupé de la partie en bronze », explique-t-elle. Une collaboration née d’une rencontre à son arrivée à Toulouse, qui perdure encore. Mais son attachement le plus fort reste pour un verre Art déco restauré dans le cadre de son diplôme : un objet chargé de souvenirs, et qui symbolise pour elle la complexité émotionnelle de son métier : réparer la matière, oui, mais aussi honorer l’histoire des choses.
« Un objets archéologique ne va pas être traité de la même manière qu’un assiette avec un éclat »
Côté technique, elle manie des outils chirurgicaux : scalpels, spatules, micro-brosses, pinceaux ultra-fins… Claire esquisse un sourire lorsqu’elle remarque « la parenté avec les instruments des dentistes ou des ophtalmologues ». L’analogie n’est pas exagérée : c’est un métier de précision, parfois au dixième de millimètre près. Pour exercer correctement ce métier, il ne suffit pas de savoir manier les instruments. Il faut aussi une connaissance rigoureuse des matériaux, une intuition presque artistique, pour redonner authenticité et beauté à une œuvre abîmée.
Toutefois, une restauratrice ne se consacre pas uniquement à ses pièces : chaque journée inclut aussi l’accueil des clients, les livraisons, les devis, la communication, les salons, les expositions. Un cycle nécessaire pour développer une activité aussi spécialisée. Et cela fonctionne. Car au fond, qu’il s’agisse d’une assiette fêlée, d’une statuette éclatée ou d’un vase ébréché, tous ont une chose en commun : ils comptent pour quelqu’un.
Et Claire, elle, compte pour eux.
Son rêve ? Avoir une boutique, un petit local ouvert sur rue où elle pourrait recevoir sans rendez-vous. Pour l’heure, elle alterne entre son domicile et l’atelier de son confrère.
Informations pratiques
lieu : L’atelier de Claire Mathias est situé au 8 place Roger Salengro, 31000 Toulouse
horaires : 9h-18h du lundi au vendredi et 9h-12h le samedi, uniquement sur rendez-vous
Contacts : 06 32 50 82 38 • atelierfragmentsdhistoire@gmail.com