Le dernier concert de la saison des Clefs de Saint-Pierre a enfin célébré, avec un retard dû aux perturbations sanitaires, le 250ème anniversaire de la naissance du dernier des compositeurs classiques et premier des compositeurs romantiques. Ce 9 mai, six musiciennes et musiciens de l’Orchestre national du Capitole ont donc imaginé un programme de musique de chambre du grand Beethoven qui a recueilli une belle ovation d’un public divers et chamarré.
Ce soir-là, l’auditorium Saint-Pierre des Cuisines reçoit non seulement son public de fidèles habitués, mais également un groupe d’enfants scolarisés invités par l’association AIDA des mécènes de l’Orchestre national du Capitole. Ce public largement ouvert et très réceptif est donc confronté à deux des grandes œuvres de musique de chambre de Beethoven que complète une pièce… particulière qui a fait la joie de tous ! J’y reviendrai.
C’est par un des 16 quatuors à cordes du grand compositeur que s’ouvre le concert. Le Quatuor n° 7 en fa majeur opus 59 n° 1 est le premier de la série des trois partitions dédiés au prince Andreï Razumovsky, série qui porte le nom de ce bienfaiteur de Beethoven. Cette œuvre majeure est interprétée par trois musiciennes et un musicien déjà bien habitués à pratiquer ensemble le grand répertoire de musique de chambre. Laura Jaillet et Alexandre Dalbigot, violons, Laura Ensminger, alto et Aurore Dassesse, violoncelle se lancent dans l’Allegro initial de ce quatuor avec les qualités d’un ensemble largement aguerri. La précision absolu de leur jeu, l’équilibre entre les voix autorise néanmoins la personnalisation de chacune d’elles qui s’exprime aussi avec sa propre sonorité et ses spécificités. Gageons que la pratique quotidienne de l’orchestre constitue l’élément fondateur de cette cohésion chaleureuse entre les quatre musiciens.
Dès les premières notes de l’Allegro, on admire autant la rondeur sonore du violoncelle que la finesse et la pureté de timbre du premier violon. Finesse et vigueur caractérisent toute l’exécution. Les épisodes contrastés et très variés de l’Allegretto vivace e sempre scherzando sont habilement articulés entre eux. Le chant sublime de l’Adagio molto e mesto constitue un sommet d’expression et d’émotion grâce au raffinement des phrasés choisis. Le jeu des échanges, des questions et des réponses anime le final Allegro aux accents russes assumés. Un vrai bonheur !
Les membres du quatuor à cordes sont ensuite rejoints par deux cornistes bien connus des habitués des concerts de l’Orchestre national du Capitole : Jacque Deleplancque, cor solo, et son complice François Lugue. Les six musiciens offrent une œuvre plus rare de Beethoven, le Sextuor en mi bémol majeur op. 81b pour deux cors et quatuor à cordes, composé en 1795. Déjà donnée dans ce même cadre en janvier 2012, cette subtile association sonore entre cordes et cuivres s’avère parfaitement dosée par les musiciens de cette soirée. L’Allegro con brio exige et obtient des deux cornistes l’habileté la plus pointue dans l’exécution de traits particulièrement redoutables. Comme cela paraît facile !… L’Adagio donne à déguster un bel équilibre entre cordes et cuivres avec la mise en œuvre de phrasés subtils. La saveur de dissonances légères et leur résolution confère à ce mouvement un charme particulier. Le Rondo final multiplie les dialogues entre cordes et cuivres dans cette structure animée d’alternance refrain-couplets que les interprètes utilisent et vivent comme un jeu.
Une cerise sur le gâteau (selon l’expression juste de la présidente des Clefs, Edwige Farrenc) vient couronner cette exploration musicale. Sous le titre évocateur « Plaisanteries musicales autour de Beethoven pour 2 cors et quatuor à cordes », le corniste Jean-Pierre Bouchard a concocté un arrangement iconoclaste mêlant thèmes beethovéniens et autres, ainsi que happenings inattendus !
Après une discussion « tendue » entre musiciens du quatuor à cordes, François Lugue vient déclamer (délirer ?) autour de sa Tatie Elise (et sa lettre bien connue). Le quatuor se lance dans une succession d’interventions musicales où se mêlent des thèmes divers comme ceux de la Sonate au Clair de Lune, de la 5ème Symphonie (Pom, pom, pom, pom !), de la Symphonie Pastorale et même d’Ennio Morricone… Un enchaînement sur « Joyeux Anniversaire », vient rappeler que ce spectacle était prévu pour célébrer en 2020 les 250 ans de la naissance de Beethoven. Chantilly sur la cerise, Jacques Deleplancque apparaît vêtu d’un ciré jaune et équipé d’un tuyau d’arrosage auquel il a fixé, d’un côté une embouchure de cor, de l’autre un entonnoir en guise de pavillon ! Sur cet instrument improvisé, il joue (presque) juste quelques autres thèmes plus ou moins liés à l’œuvre de Beethoven. Délire adoré par un public hilare, et plus particulièrement par les jeunes enfants invités.
On ne pouvait rêver mieux comme conclusion d’une riche saison de musique de chambre.
On attend avec intérêt et curiosité le contenu de la prochain saison 2022-2023 des Clefs de Saint-Pierre, laquelle devrai afficher quelques surprises réjouissantes…
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse