C’est donc un concert symphonique qui clôt la venue du Théâtre du Bolchoï de Russie en la Halle aux Grains, à 20h, le jeudi 12 mars, avec toujours Orchestre et Chœurs sous la direction de leur chef Tugan Sokhiev. Des œuvres de Borodine et Rachmaninov sont à l’affiche. Un concert du Cycle Grands Interprètes dans le cadre des Musicales franco-russes.
Le concert débute par les célébrissimes Danses polovtsiennes tirées du Prince Igor, opéra d’Alexandre Borodine. Avec Serge Rachmaninov nous franchissons le XXè siècle, d’abord en 1908 avec la création de sa Symphonie n°2 en mi mineur, op.27 puis en 1926, avec les arrangements pour chœurs et orchestre des Trois chansons russes, op.41.
Borodine est le doyen du fameux Groupe des Cinq. De descendance princière par son père, il fut d’abord médecin militaire, puis chimiste et enfin professeur à l’Académie médico-chirurgicale de Saint-Petersbourg. Musicien à ses heures, son intense activité ne lui laissait que peu de temps pour composer et donc, il laissa une production musicale peu étoffée. Une vie aussi, absorbée par un grand dévouement social. Par l’immense bonté de sa nature, il avait fait de sa maison une table d’hôte ouverte en permanence à tous ceux qui se présentaient, étudiants, orphelins, malades,…de son salon un asile accueillant ses amis qui s’y installaient le temps qu’ils voulaient, à une condition, qu’ils s’entendent tous entre eux, chiens et chats compris. Sa bourse était une caisse de secours permanente. Alimentée comment ?
C’est en 1869 que Borodine décide de composer un opéra qui s’inspire de l’ancienne Russie. L’œuvre reste inachevée à sa mort, mais les Danses polovtsiennes issues de l’opéra sont jouées de son vivant. En effet, Borodine redouble d’efforts pour les terminer : elles seront jouées pour la première fois avec succès le 27 février 1879. L’opéra, quant à lui, sera terminé par les compositeurs Rimski-Korsakov et Glazounov.
Dans l’opéra, les Danses polovtsiennes apparaissent à la fin de l’acte II et sont accompagnées d’un chœur. Cependant, elles sont régulièrement données en concert dans une version exclusivement instrumentale, où les instruments remplacent les voix. Le début de l’acte II est également introduit par un chœur suivi d’une « Danse des jeunes filles polovtsiennes, » souvent associée en concert aux Danses polovtsiennes finales.
Cette pièce est donc composée d’une succession de danses. La première, la Danse ondulante des jeunes filles, commence par une courte introduction jouée à la flûte, à laquelle répond la clarinette. Puis vient le thème chanté à l’unisson par le chœur des jeunes filles (joué au hautbois dans la version instrumentale, relayé par le cor anglais, puis par les cordes), sur ces paroles nostalgiques : « Vole sur les ailes du vent, tu es en terre natale, notre chanson de naissance. Là, où nous t’avons facilement chantée, où nous étions tous si libres avec toi ». Après cette danse féminine vient la Danse sauvage des hommes, plus rapide, caractérisée par un thème très sinuant, joué dans le registre aigu par les vents. Les cuivres interviennent ensuite fortissimo. La Danse générale fait entendre avec force les percussions, qui ponctuent un nouveau thème joué à contretemps. Une partie centrale, apaisée, fait entendre les voix de femmes qui alternent avec une voix d’homme (jouées par les cordes, hautbois et clarinettes dans la version instrumentale), avant la reprise marquée des percussions. La Danse des garçons et la deuxième Danse des hommes se succèdent ensuite, avant la reprise de la Danse ondulante des jeunes filles, combinée avec celle des garçons. La fin des Danses polovtsiennes voit se répéter la Danse des garçons et la deuxième Danse des hommes, avant que n’éclate une Danse générale reprenant les thèmes entendus précédemment dans l’introduction et la Danse sauvage des hommes. D’après Bruno Guilois
Autant Borodine ne voyagea guère, autant Rachmaninov eut comme plusieurs vies entre la Russie, l’Allemagne, la France et bien sûr, les Etats-Unis : impressionnant pour un compositeur, pianiste et chef d’orchestre de la fin du XIXè et du début du XXè.
Symphonie n°2, op. 27 en mi mineur
Largo – Allegro moderato
Allegro molto
Adagio
Allegro vivace
Durée totale : environ une heure
On ne peut que s’étonner quand de prétendus spécialistes font la moue sur le titre de compositeur de Serge Rachmaninov (1873-1943). Mais c’était hier. La position éminente qu’il occupa pourtant dans la vie artistique de son temps ne souffre guère de discussion. On y verra peut-être davantage de jalousie de la part de certains de ses compatriotes. Il fut l’exact contemporain d’un Max Reger (1873-1916), et d’emblée reconnu par Tchaïkovski lui-même comme l’un des meilleurs jeunes talents de sa génération, commençant brillamment sa carrière en cumulant les fonctions de pianiste et de chef d’orchestre. Ses premières compositions ne reçurent par contre qu’un accueil plutôt réservé, le plongeant alors dans une forme de dépression conséquente. C’est en 1900, qu’il retrouvera complètement ses esprits avec le succès énorme de son Deuxième Concerto pour piano, et toute sa confiance en lui dans le domaine artistique.
Pour approcher correctement son œuvre, il faut tenir compte à la fois de sa personnalité et du contexte musical de l’époque. Au même titre que ses contemporains, Alexandre Glazounov (1865-1936) et Alexandre Scriabine (1872-1915), il incarnait une nouvelle génération, qui trouva ses modèles autant auprès des musiciens de l’âme russe, et de ses détracteurs ! (Balakirev, Borodine, Cui, Rimski-Korsakov, et surtout Moussorgski) qu’auprès de Tchaïkovski, rallié lui en partie à la musique occidentale. Tous avaient en commun de préférer l’expression des sentiments à la construction formelle de la partition. En conséquence, leur écriture privilégiait l’ampleur des mélodies et les effets chromatiques, s’autorisait tous les débordements pathétiques et jouait sur les rythmes et sur les timbres pour créer des atmosphères où le lyrisme et la mélancolie fournissaient la saveur dominante. Des œuvres alors, tellement facilement reconnaissables, avec ces formes classiques présentes pour ordonner les effusions, garantir la cohérence formelle, neutraliser les passions , établir un équilibre entre la profusion des moyens utilisés et la clarté expressive de l’œuvre. En un mot, tout ce qu’on aime chez Rachmaninov !
Et tout ce que l’on retrouve, finalement, dans la Symphonie n°2 après l’échec, surtout, de sa Première Symphonie de 1897 qui le plongera dans une profonde dépression dont il ne sortira qu’avec l’aide d’un psy altiste Nicolas Dahl pratiquant l’hypnose. Dans cette n°2, partout le lyrisme est affirmé comme le premier principe d’inspiration. Ce qui ne diminue en rien la tension des moments dramatiques et ne vide en rien la musique de son intensité. Elle dure plus d’une heure ce qui était considéré alors comme un handicap. Elle subit des coupures diverses en fonction de tel ou tel chef jusqu’à ce qu’un enregistrement dans son intégralité prouve qu’elle ne faisait pas plus, courte, en partie amputée ! Elle est maintenant donnée dans son entier, et gageons que ce sera le cas, dirigée par Tugan Sokhiev.
Trois chansons russes op. 41
Les arrangements pour chœur et orchestre ont été composés en 1926. Ils ont été dédiés à Léopold Stokowski, le chef de son orchestre préféré, celui de Philadelphie. C’est ce dernier qui en assura la première représentation.
Sur la petite rivière op. 41 no 1
La première des Trois chansons russes. Pour chœur d’hommes et orchestre.
Moderato (alla breve) —Allegro assai (mi mineur)
Oh, Vanka, quelle forte tête tu es ! op. 41 no 2
La deuxième des Trois chansons russes. Pour chœur de femmes et orchestre.
Largo (ré mineur)
Blanchissez, mes joues ! op. 41 no 3
La troisième des Trois chansons russes. Pour chœur mixte et orchestre.
Allegro moderato (alla marcia) (si mineur)
Billetterie en ligne des Grands Interprètes
🍴 Où déjeuner / dîner à proximité de la Halle aux Grains ?