Le Landerneau toulousain la réclamait. En effet, l’art contemporain n’est guère représenté sur rue. Mais une galerie d’art contemporain ne s’ouvre pas comme une boutique de “bijoutailles“. Il se trouve que le maître des lieux aime et a décidé que les artistes qu’il achète pour chez lui, eh bien, il allait les défendre et les exposer dans un lieu ouvert. C’est chose faite au 1, Place Sainte-Scarbes, depuis plus d’un an.
Introduction : Ce qui fait obstacle à la compréhension ou à la jouissance de l’art, c’est rarement l’art lui-même. Ainsi, en livrant des explications alambiquées et des commentaires ampoulées auxquels personne ne pourra rien comprendre, pas même les artistes d’ailleurs, le chaland en conclura tout simplement que non, décidément, l’art n’est pas fait pour lui.
Vous avez deviné qu’il n’en sera pas ainsi de mes propos. En ce moment, c’est une exposition collective dans laquelle on retrouve les noms de Stéphane Bordarier, Claire Chesnier, Alain Clément, Philippe Lamy, Victor Gray, Serge Fauchier et Guillaume Moschini, Patrick Sauze. Des noms qui ne vous disent rien ? C’est donc le moment d’aller voir de plus près, du mercredi au samedi:14h – 19h. Signalons que certains d’entre eux ont déjà exposé en ce lieu.
Pas de classement, pas de compartiment, ni pour l’un ni pour l’autre des artistes exposés au sujet desquels Jean-Paul Barrès vous entretiendra avec enthousiasme car, comme tout grand galeriste, il aime ce qu’il accroche. Il vit chez lui, au quotidien avec, et à la galerie, comme il se doit. On connaît l’adage : « On ne parle bien que de ce que l’on aime bien. »
Faut-il invoquer seulement des tendances ? Difficile d’en causer car, la peinture actuelle surtout, va dans tous les sens. Figurative ou abstraite, elle avance sur tous les fronts pour sortir des cadres et des conventions. Elle part à la conquête de nouveaux espaces, en utilisant les supports les plus divers, et les ingrédients de même. En un mot, elle, et la sculpture de même, fait feu de tout bois. Ici, du moins pour l’instant, aucune peinture d’artistes exposés ne donne dans l’agressivité ou dans l’impudique et tous ces corps crevant la toile.
Mais parmi les peintres exposés, Bordarier, ou Fauchier ou Moschini peuvent faire penser à ce courant radical qui n’est pas d’aujourd’hui certes, prônant la seule planéité du tableau. N’allons pas chercher du côté des surréalistes, ou des constructivistes ou des suprématistes ou des néoréalistes, ou même l’Ecole de Paris mais pourquoi pas, vers un certain unisme. Abolition du mouvement, du temps, de la tridimensionnalité et des références au monde extérieur. Le tableau n’est rien d’autre qu’une surface plane limitée par un cadre et recouverte de peinture. Profondeur abolie, “pathos dramatique“ de même, sans parler de toute tentation baroque irrémédiablement condamnée. Spiritualité et poésie doivent en surgir uniquement par couleur et épure.
Alain Clément, présent, travaille maintenant beaucoup la sculpture et, celle monumentale ou éditée en petits formats prend de plus en plus d’importance tout en restant liée à la peinture. L’artiste expose sans relâche depuis le début des années 80.
Quant à Stephane Bordarier, depuis les années 90, il a choisi de réduire sa palette de couleurs. Deux font notamment sa réputation : le “violet de mars“ et le “sulfate de cuivre“. Sa peinture, elle, fait l’objet d’une technique très particulière qu’il pourrait vous détailler à loisirs. Dans sa recherche voilà un artiste qui pourrait détourner les propos suivants : « La couleur me possède. Je n’ai plus besoin de la rechercher. Voici ce que signifie ce moment heureux : moi et la couleur nous ne formons plus qu’un. Je suis peintre. » Paul Klee Journal. À part que Bordarier, lui, se voit comme “chassé du tableau“ quand il l’a fini et qu’il ne se dit pas monochromiste car il fait jouer aussi un certain rôle au châssis et au non-peint. Pour Serge Fauchier et Patrick Sauze, voir articles précédents.
Terminons sur cette réflexion qui peut vous aider à la visite ! L’analyse du phénomène de la vision n’est guère départie d’intentions politiques : sa finalité est de faire prendre conscience que la réalité ne nous est pas livrée d’emblée, que ce que nous voyons et la manière dont nous le voyons dépend de nos inclinations et de nos compétences visuelles.
Galerie Jean-Paul Barrès
1 place Saintes Scarbes • Toulouse
Secret d’Ateliers • jusqu’au 12 janvier 2019
BORDARIER ⎪ CHESNIER ⎪ CLÉMENT ⎪ FAUCHIER ⎪ GRAY ⎪ LAMY ⎪ MOSCHINI ⎪ SAUZE