C’est au 1, Place Sainte-Scarbes à Toulouse que l’événement se passe. On loue le courage des responsables, Jean-Paul Barrès et Jacques Rivet, en ces temps pas obligatoirement cléments pour l’art contemporain de qualité dans le domaine des arts dits plastiques. C’est jusqu’au 22 juillet.
Pour ce premier accrochage, ils ont choisi Serge Fauchier qui n’est pas tout à fait un inconnu dans le Landerneau toulousain puisque l’artiste s’est vu exposé, personnellement, dès 1988 par Jacques Girard dans sa Galerie de la rue des Blanchers, galeriste bien connu, et reconnu, et hélas disparu. Un galeriste qui n’aura de cesse de défendre son travail et l’exposera à plusieurs reprises. Et un artiste très souvent exposé, personnellement ou en collectifs depuis 1973. Donc, suivant la formule consacrée, souhaitons bonne chance aux deux téméraires que nous soutenons avec détermination et même autorité.
Serge Fauchier
Concernant le travail de Serge Fauchier, celui-ci nous met à l’aise et évite à tous ceux qui voudraient se lancer par des élucubrations aussi bien hasardeuses que vaseuses dans des interprétations tirées par la crinière. « « Pour le travail pictural que je poursuis je ne fait appel à aucune référence figurative de quelque nature que ce soit, naturaliste ou géométrique. C’est un travail de réflexion et de pratique sur les possibilités mêmes de la peinture, en dehors de tous les clichés auxquels cette dernière est bien souvent ramenée. »
« J’ai le sentiment d’avoir toujours peint des commencements » nous livre l’artiste. A chacun, l’interprétation de cette idée mais ce n’est pas ici que l’on va se livrer à une grande analyse du contenu de chaque support. Libre à tout regard de s’interroger sur ce que l’auteur appelle, par exemple, « ces tracés interrompus avant les bords, des segments indéfinis : l’échevelé de leurs extrémités qui avance l’hypothèse de leurs prolongements. » ou encore : « Je pose mes couleurs jusqu’à ce que leur organisation me convienne. Dès lors, la peinture pourrait être terminée, mais j’attends toujours que la couleur me surprenne, déborde mes desseins (on a bien dit desseins et non dessins), et ce n’est qu’au moment de ce débordement qu’un deuxième temps du travail s’enclenche où mes règles et mes ordres défaillent. »
Quelques mots peut-être sur la technique si on veut bien employer le terme : « Dans les peintures de “fractures“, les forts contrastes de tons s’opposent et se heurtent à susciter l’impression d’une implosion de la surface, tandis qu’avec les bandeaux, peints sur de vastes toiles libres, il s’agit davantage de la poursuite d’une expansion lente des couleurs dans l’étendue ; leurs matières colorantes sont frottées sur le support, étirées jusqu’aux limites. »
Sur les formes : « Les rubans de couleurs se dévident ou se scindent. » Et là, on se doit de citer ces quelques lignes très simplement explicatives, et ainsi, très éclairantes : « Je cherche un tracé ou une forme qui soie ni trop engageante ni trop dégageante. Sans doute que l’on pourrait toujours se demander d’où elles viennent. De quels tréfonds de la mémoire, elles sont les traces ou les symptômes. Mais cette interprétation ne m’importe pas. Même si je peux retrouver des éléments visuels antérieurs (charpentes ou lettrage) ce qui compte est d’arriver au minimum de signification possible. Je refuse à l’inverse ce qui serait de l’ordre du hazard, comme dans la tache. La peinture, par ses formes, montre sa propre voie et je l’y accompagne. La distance est mince entre un trop vouloir qui ne pourrait qu’aboutir à un singulier qui s’affiche et un trop peu vouloir qui laisserait le processus dicter ses formes et son résultat. Je ne veux montrer ni une qualité de couleur ni une qualité de forme: simplement de la peinture, une possiblité de peinture. Cela exige de ma part un niveau d’engagement important et un niveau de désengagement égal. »
Mais encore, voilà quelques propos très instructifs sur la technique que l’on est en droit de vous faire partager, et très utiles pour mieux en apprécier le résultat. « L’utilisation de la raclette de sérigraphie a commencé de façon épisodique en 94-95 pour faire varier le grain de la couleur, sa texture. Puis j’en ai fait un usage systématique depuis 1998: Je voulais m’opposer à l’idée que peindre c’est marquer; alors qu’effacer c’est tout autant peintre puisque l’effacement laisse un résidu. La raclette me permet aussi d’éviter une trop grande présence de la main. Elle m’oblige, enfin, à varier le degré de dilution, d’onctuosité et donc de séchage des couleurs. Il y a alors un jeu entre la peinture que j’étends de façon très rapide, très lisse, et des couleurs qui , elles, sèchent bien plus lentement. J’évite toute référence à une gestualité exubérante ou même à une dimension tactile mais sans aller au bout d’une démarche strictement mécanique dont je serais totalement absent. Je dessine mes formes et met en place les blancs et les réserves, à quatre pattes, comme un rampant, loin donc de la posture d’un Soulages ou d’un Degottex qui peignent, eux, frontalement.
(Extrait des « entretiens d’AL/MA », Pierre Manuel). Je me suis autorisé quelques corrections de typo dans les textes proposés.
Michel Grialou
Galerie Barrès Rivet – Facebook