« Chauds comme des chipos »
En tournée depuis le début du mois d’août et au moins jusqu’en décembre avec des étapes en Russie, le groupe de boucaniers Sidilarsen ne lâche rien, comme on dit dans le sport. Selon une vieille blague, les Ariégeois seraient des Belges qui n’ont jamais trouvé l’Espagne. En tout cas, le département de Foix et des grottes, des alternatifs vivant dans des yourtes autour du marché de Saint-Girons, des rudes Pyrénéens et des marchands de Mirepoix, est le berceau des « bâtards de la piste », selon le titre de leur dernier album. Né il y a plus de vingt ans, Sidilarsen comprend aujourd’hui Benjamin « Viber » Bury, Julien « Fryzzzer » Soula, les frères Samuel « Turbo » et David « Didou » Cancel et Benjamin « Benben » Lartigue.
Quand on leur demande ce que signifie ce nom qui dégage un chaud parfum d’Algérie et l’odeur âcre des amplis poussés à fond, les Noces et Mesa Boogie, ils disent que le père de Viber est né à Sidi Lahcene.
Etabli à Toulouse, Sidilarsen a pris son destin en main en s’occupant lui-même de ses affaires et en fondant le collectif appelé Antistatic (avec Psykup et Delicatessen) qui est devenu une petite entreprise florissante de « street-marketing » culturel. Je me souviens les avoir vus place Wilson dans une descente de promo à fleur de rue ; ils distribuaient gratuitement leur CD-single tout chaud à leurs fans qui aiment beaucoup avoir des contacts sincères et simples avec les musiciens. Ils étaient cools et avenants. Antistatic organise aussi des concerts et des festivals originaux comme Toulouse is Burning, la Furia ou Zombie Show, et propose à toute sorte de groupes des locaux de répétitions et un studio d’enregistrement professionnel.
« La raison des armes qui nous divise »
Le coeur de leur métier, c’est de dénoncer les méfaits quotidiens, comme des anges noirs abreuvés de redbull, au son d’un metal électro virulent et mâtiné d’industriel, en mélangeant Front 242 et System of a Down, Nine Inch Nails et Rammstein, déluge électrique des guitares Gibson et Vigier, coups de reins et de boutoir des machines et des boucles anxiogènes à fort volume, et engueulades gutturales à deux voix, creusées dans le mix.
Il n’est pas honteux de préférer le steak saignant au quinoa sec. Je les soupçonne cependant de surveiller leur régime alimentaire et même de faire du sport et des exercices de yoga. Sur scène, c’est Austerlitz, l’attaque à main armée du train d’acier, l’assaut du central et un spectacle en soi. Campés sur des boots et cuir aux fesses, crinières trempées de sueur, le menton collé au micro, ils vous décapsulent. On se rend compte qu’ils sont parfaitement organisés, qu’ils ont travaillé comme des Américains et que le show est propulsé par un V8 bien rodé. Rien n’est laissé au hasard, chaque effet étudié.
« En un combat douteux… »
Le sixième album du gang célèbre encore une fois la transe de la danse et le mordant du son mais, à travers la furia et la mascarade, le message reste clair. Quand ils voient l’état du monde, les gars de Sidilarsen ne sont pas contents. Ils font de leur colère des brûlots sérieusement moralistes qui en font plus des descendants de Trust que de Brassens. Un mélange marrant de Robespierre, Prodigy, Lavilliers et Rabhi. C’est vrai, il y a encore des pans de mur à abattre et des temples à incendier : « Tuons nos dieux, sauvons les hommes! » Et toutes ces questions qui nous font tourner et retourner sur l’oreiller : Pourquoi la guerre, pourquoi les naufrages en Méditerranée, pourquoi la révolte et Nuit Debout… A ces interrogations et à d’autres qui ont trait à l’indépendance des âmes devant le malheur, à la mobilisation devant la coercition et les mensonges, Sidilarsen répond vigoureusement en levant le poing comme une bande de guérilleros, de picaros ou les gardiens de la galaxie. Ce ne sont plus des rimes, c’est de la chevrotine. « Les dictatures démocratiques, pour imposer nos sous-cultures, et des lobbies pharmaceutiques, en vue d’épidémies futures ». Oui, d’accord, on peut faire de la poésie avec les mots du journal ou d’un cours, et cette guitare, comme l’avait écrit Woody Guthrie sur la sienne, tue les fascistes. Higelin braillait aussi, dans « Est-ce que ma guitare est un fusil? », que la vie naît de la jouissance. Mais le vrai combattant qui a risqué sa peau et s’est fait plus d’une fois écorcher par ses ennemis affolés et cruels, les militaires au pouvoir à Lagos, c’est Fela : « La musique est une arme, l’arme du futur. »
Sidilarsen en concert le 13 octobre 2016 au Metronum
Nouvel album disponible « Dancefloor bastards » (Verycords/Warner)