Joel Suhubiette a construit un nouveau programme passionnant pour son choeur Les Eléments. L’auditorium Saint-Pierre des Cuisines est un écrin idéal offrant une acoustique précise et légèrement réverbérée qui permet au choeur de s’épanouir comme aux nuances les plus fines d’être entendues. Ce programme entre chant du matin et chant du soir permet au romantisme, qui a revisité le rapport de l’homme à la nature, de s’épanouir. Brumes, givre, crépuscule, nuit, soleil levant, naissance, amour, mort, toute la vie est dans ces quelques lieder admirablement choisis.
Du choeur a capella, voix de femmes seules, ou mixtes, à trois, quatre voix ou plus, toutes les magnifiques capacités des Eléments sont mises en lumière. Brahms avec ses extraordinaires couleurs est peut être le plus marquant, c’est d’ailleurs son visage qui illustre le programme. Mais l’organisation du concert le faisant précéder par Schumann est habile, et pas seulement par le respect de la chronologie. Débuter par un hommage au piano, compagnon idéal de la voix est une mise en abîme pleine de sens.
Max Reger que se soit a capella ou avec piano développe à sa manière une sensibilité à la nature très proche de celle de Brahms en osant pousser plus loin la richesse harmonique. Moins connus, les Lieder de Stockhausen, Hindemith et Wolf ouvrent les portes du XXème siècle.
Le choeur Les Eléments est tout à son aise dans la musique contemporaine, il est donc de par son excellence capable de rendre avec la perfection instrumentale et l’exactitude rythmique toutes les saveurs de la relative modernité de ces oeuvres permettant de comprendre l’évolution stylistique. La perfection est également présente par cette extraordinaire qualité de son de pupitre qui permet à Joel Suhubiette d’obtenir des phrasés subtiles avec des nuances millimétriques, comme un orfèvre travaillant avec le matériel le plus précieux et le plus ductile à la fois.
Les mots sont toujours articulés avec une précision maniaque qui offre une compréhension parfaite permettant de gouter la saveur des poèmes, dont tout particulèrement ceux de Rilke en français comme en allemand.
La soprano solo sortie du choeur assure crânement la partie difficile du Nachtigall de Stockhausen. Au piano Nino Pavlenichvili est une parfaite expression de la solidité de l’école russe, elle remplace Corinne Durous. Son jeux brillant pianistiquement dans les soli se fait base solide pour les pièces avec accompagnement. Peut être qu’un peu plus de souplesse aurait aidé à plus de partage en émotion ?
Ce sera la seule petite attente déçue : le romantisme de Schumann et Brahms, même de haute tenue, pourrait avoir un peu plus de passion et de souffrance exprimée. L’évolution stylistique du programme en aurait été plus lisible. Néanmoins, le public nombreux a été ravi par ce nouveau programme des éléments, d’autres concerts sont espérés et pourquoi pas un enregistrement afin de mieux déguster les qualités de cette belle interprétation.
Article rédigé pour Classqiuenews.com
Toulouse. Auditorium Saint Pierre des Cuisines, le 4 février 2016 ; Abenlied-Morgenlied ; Lieder de Robert Schumann (1810-1856) ; Johannes Brahms (1833-1897) ; Max Reger (1873-1916) ; Karlheintz Stockhausen (1928-2007) ; Paul Hindemith (1895-1963) ; Hugo Wolf (1860-1903) ; Chœur de chambre Les Eléments; Nino Pavlenichvili, piano ; Direction : Joël Suhubiette.