Installées rue Bayard à Toulouse, Les Editions de l’Attribut affectionnent les défis.
Être éditeur indépendant, sans soutien financier d’aucun groupe d’édition, en est un premier. Construire une ligne éditoriale autour des questions de culture, d’art et de transmission, en est un autre.
Parce que l’ambition est, par essence, insatiable, Les Editions de l’Attribut prépare l’ascension d’une nouvelle montagne. A l’heure où la presse papier peine à continuer d’exister, alors que le budget de l’État alloué à la Culture subit une baisse constante d’année en année : elles prévoient la publication d’une nouvelle revue culturelle grâce au financement participatif.
Eric Fourreau, fondateur et directeur des Editions de l’Attribut, nous parle de cette entreprise extravagante, donc belle, donc nécessaire.
Pouvez-vous nous présenter Les Editions de l’Attribut ?
Les éditions de l’Attribut sont une maison d’édition que j’ai créée à Toulouse en 2005. J’ai mobilisé mon réseau national d’universitaires, de journalistes, d’opérateurs culturels qui m’ont entouré dans cette aventure. Nous nous sommes donné pour objectif de vulgariser les enjeux de l’art et de la culture en proposant des livres accessibles. En dix ans, nous avons publié plus d’une trentaine d’ouvrages avec quelques jolis succès, comme La Culture, pour qui ? de Jean-Claude Wallach et Nos enfants ont-ils droit à l’art et à la culture ? de Jean-Gabriel Carasso, tous les deux réédités quatre à cinq fois.
Vous nourrissez le projet de publier une nouvelle revue culturelle, NECTART, notamment grâce au crowdfunding. Quelle nécessité intérieure vous pousse à vous engager dans un projet économiquement aussi périlleux ?
Je ne sais pas si c’est une nécessité intérieure mais c’est en tous les cas de l’ordre de la conviction. De profonds bouleversements traversent nos sociétés, la globalisation, l’accélération du temps et des flux, l’interculturalité, la révolution numérique, et il n’y a jamais eu autant besoin d’outils de réflexion et d’analyse pour les gens qui sont à la recherche de nouveaux repères.
Malheureusement, certains, souvent complètement perdus, se tournent vers l’extrémisme ou l’obscurantisme. En matière de culture, tout est aussi remis en cause : la figure romantique de l’artiste est mise à mal par une multitude de petits créateurs sur Internet, la rareté des biens culturels devient abondance, le financement culturel devient participatif, la propriété intellectuelle est requestionnée, les politiques culturelles ne sont plus imposées mais partagées avec les acteurs culturels et les habitants… C’est tout à la fois vertigineux et fascinant !
Quant au risque financier consistant à lancer une revue aujourd’hui, il est assumé. Si on ne réalisait que ce qui est sûr économiquement, on n’innoverait pas beaucoup et je crois qu’on s’ennuierait un peu…
En quoi NECTART sera t-elle une revue différente des autres revues culturelles
C’est une revue, et non un magazine, en ce sens qu’elle est semestrielle et qu’elle laisse le temps de la réflexion : aux auteurs qui ont le temps de construire une argumentation sur huit ou neuf pages et aux lecteurs qui prennent le temps de se poser et de réfléchir, un bien précieux à l’époque de twitter !
C’est une revue qui tient compte de l’héritage de la politique culturelle et tout ce qu’elle nous a apporté comme richesses et formes d’émancipation et, en même temps, qui traite des enjeux d’aujourd’hui et de demain.
C’est une revue qui est complètement indépendante de l’emprise de groupes politiques, économiques, universitaires, et qui est plurielle par ses plumes : auteurs, journalistes, universitaires, acteurs culturels, artistes…
Enfin, c’est une revue avec une dimension internationale affirmée. Des auteurs étrangers, francophones ou pas, y écrivent et de nombreux articles abordent leur sujet avec cette optique ouverte sur le monde.
Avec leurs publications, Les Editions de l’Attribut questionnent la fonction sociétale de l’art et de la culture, ainsi que leur transmission. La nature d’une revue est très différente de celle d’un livre -par son format, son organisation, mais aussi, la répétition et la fréquence de sa diffusion. NECTART se place t-elle dans la ligne directe de vos publications, ou la voyez-vous comme un axe d’analyse distinct et inédit ?
Nous nous inscrivons dans la continuité de notre production éditoriale dans le contenu, même si le traitement des enjeux de la révolution numérique et l’entrée internationale seront plus affirmés, mais aussi parce que cette revue pourra ressembler, dans sa forme et à travers ses articles, à un livre.
Mais vous avez raison, la revue a ses particularités, comme les abonnements qui sont une source de financement supplémentaire, une périodicité régulière, et le débat intellectuel qu’elle génère. Sur ce dernier point, nous continuerons à organiser des débats partout en France, ce que nous faisons depuis dix ans, simplement avec une plus grande fréquence. Nous avons d’ailleurs un partenariat avec le Festival d’Avignon où nous lançons la revue cet été et avec qui nous organisons un cycle de quatre rencontres du 13 au 17 juillet.
Vous aimez indéniablement l’aventure. Quels sont vos prochains projets ?
J’aime en effet prendre des initiatives mais surtout faire ce qui me semble essentiel aujourd’hui : produire de l’analyse qui permet de mieux comprendre le monde et essayer de transmettre par des ouvrages accessibles. Cet été, nous publions également deux nouveaux livres, un Abécédaire de la culture signé Christian Ruby, avec une approche philosophique et anthropologique, et un livre sur l’éducation artistique d’Alain Kerlan, sur une expérience de classe artistique dans un collège de Montpellier. A l’automne, nous lancerons la collection CULTURE DANSE. Ensuite, Anne-Marie Autissier nous livrera un essai sur l’Europe culturelle. Les projets ne manquent pas…
Eva Kristina Mindszenti
Pour participer au lancement de la revue NECTART : http://fr.ulule.com/nectart/
Site des Editions de l’Attribut : http://www.editions-attribut.fr/
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