Déguster une création culinaire, c’est d’abord savourer l’univers d’un restaurant qui ne ressemble à personne, si ce n’est à son propriétaire. Guillaume Momboisse, chef étoilé et propriétaire du Sept met les bouchées doubles pour mériter sa deuxième étoile. L’art et la créativité sont la base de sa cuisine inventive et cosmopolite. Il nous ouvre ses portes…
Le Sept Place St Sernin raconte une histoire. Vous avez racheté le restaurant en 2017, à l’âge de 27 ans. Ce chiffre hautement symbolique revêt-il pour vous une signification particulière ?
G.M : Oui, on peut le dire. J’ai ouvert en 2017, j’avais 27 ans, cela faisait 7 ans que j’étais avec ma femme, j’ai eu l’étoile au bout de 7 mois, en février 2018.
Mais pour vous raconter l’histoire, j’étais employé ici au départ. J’ai fait mon apprentissage dans ce restaurant il y a 10 ans. Donc quand je suis rentré de Hong Kong en 2016, l’ancien propriétaire m’a proposé de reprendre les cuisines pour devenir chef, pendant que lui resterait gestionnaire. J’ai pensé qu’il fallait faire des travaux car je visais l’étoile au Michelin. J’ai fait appel à ma compagne architecte pour qu’elle travaille sur la rénovation du Sept. L’ancien propriétaire ne souhaitait pas financer, alors j’ai racheté le restaurant.
Comment décririez-vous votre personnalité en cuisine ?
G.M : Ma cuisine est simple. C’est le Sept qui incarne ce que je suis. Je ne fais pas ma vie par rapport au Sept. Je vois vraiment la cuisine et c’est peut-être une force, comme mon métier. Malgré tout, je suis ambitieux. J’aime cette compétitivité, cette pression. J’ai beaucoup aimé le film « A vif » avec Omar Sy pour cet aspect-là. Mon objectif ici c’est d’avoir un restaurant dans Toulouse qui ne fait pas du Toulouse, un restaurant cosmopolite et gastronomique. Je ne pourrais pas être moi-même si je ne faisais que des plats toulousains. Même avec une lecture différente, on aurait tous le même sujet.
L’ambiance au restaurant est très zen : je ne crie jamais, je travaille en musique, mes serveurs sont en baskets. Il ne faut pas se détacher de l’essentiel qui restent l’assiette et le bon moment.
Quelle est la philosophie de votre restaurant ?
G.M : La philosophie de mon établissement consiste d’abord à recevoir chez moi. Le menu est unique pour deux raisons : d’abord pour éviter les pertes et le gaspillage alimentaire, donc on dépense moins d’un côté et davantage de l’autre pour le produit à la carte, ensuite parce que si vous êtes chez moi, vous ne choisissez pas forcément ce que vous mangez. Je suis toujours là lorsque le restaurant est ouvert et si je ne peux pas être là, le restaurant n’ouvre pas, quitte à annuler 40 couverts. Je ne suis pas opportuniste et je ne fais pas de ronds de jambes pour plaire à tout prix. Je suis assez entier.
Certains clients viennent au Sept avec des attentes démesurées et hors contexte, quitte à en devenir malpolis quand d’autres ont économisé durement pour se l’offrir. Soit ils sont ébahis par le choix des plats et l’univers du lieu, soit ils attendent des choses vues à la télévision et qu’ils ne retrouveraient pas même dans un restaurant 3 étoiles. Tout le monde est traité à la même enseigne. Les clients fidèles viennent chercher ici ce qui n’est pas conventionnel.
Il est question de créations culinaires dans vos assiettes. Comment cette appétence pour l’art s’exprime t’elle en bouche ?
G.M : Mes créations sont instantanées comme mes tableaux. Sachant que je ne goûte pas mes plats. Je goûte les produits individuellement mais pas le résultat final. C’est subjectif. Pour moi, il faut que le produit corresponde au goût attendu, qu’il soit frais, de qualité.
Les créations qui fonctionnent le mieux sont celles pour lesquelles je n’ai pas réfléchi. Quand on acquiert une bibliothèque de goûts assez importante, on arrive à les assimiler, comme un architecte le ferait avec les couleurs et les formes, ce n’est qu’une question de formation et de vision.
Personnellement, j’adore les murs noirs, ça donne beaucoup d’élégance. J’aime l’uni. J’adore Soulages mais Klein par exemple est magnifique. C’est très difficile de mettre en valeur une couleur sur une même couleur. Je ne me prends pas pour un artiste parce que je ne pense pas l’être, mais mes tableaux aux murs sont nés d’une réflexion d’une cliente qui regrettait le manque de couleurs aux murs. Je suis un peu sanguin. J’ai acheté un tableau aussi sec et je me suis mis à peindre. Ce goût pour les couleurs unies se retrouvent dans mes tatouages, là un tableau de Kandinsky que ma mère adore, la croix occitane pour mon appartenance à Toulouse, les couteaux de cuisine avec lesquels j’ai débuté dans le métier et bien sûr l’étoile Michelin. Il me reste de la place !
Je fais exactement la même chose qu’un artiste avec mes produits. Quand je mise sur le Butternut, je ne vais travailler que ce produit, puis essayer de comprendre comme l’utiliser sous différentes textures – fri, poché, rôti, cuit sous vide ou blanchi – pour qu’en bouche, il ait plus de goût qu’au naturel.
Quel voyage culinaire vous a le plus marqué ? pourquoi ?
G.M : Mes voyages culinaires sont surtout des voyages d’amour. C’est pour ma femme que je suis parti à l’étranger puis revenu. Elle a décidé d’intégrer une école internationale d’architecture en Belgique, où j’ai été pris dans un restaurant 2 étoiles à l’issu de mon apprentissage. Puis elle devait faire son stage de dernière année. J’avais déjà organisé un événement culinaire avec le 2 étoiles à Hong Kong, j’adorais les lieux. Une fois sur place, on a tous les deux trouvé une bonne place. On aurait pu rester vivre à l’international mais ma femme devait passer son diplôme à Toulouse et nous avons décidé de rester. Je voulais que nous soyons deux à vivre ce projet.
Mes assiettes reflètent l’ouverture au monde et aux autres mais je ne focalise pas sur des produits du terroir. Je prendrai la qualité et la fraîcheur là où elles se trouvent. Je n’ai pas d’influence particulière sur la provenance du produit.
Je suis allé chez Mirazur cet été à Menton, le meilleur restaurant du monde, 3 étoiles au Michelin. Le sommelier m’a servi un Pignan 2006 exceptionnel. Vue sur la mer, vin exceptionnel, avec cette scénographie qui vous fait oublier la moindre attente, le vin se suffit alors à lui-même. Nous avons un nouveau sommelier au Sept. Il a cet amour pour le vigneron. Paul représente la carte des vins, une cohérence, des références et l’accord suit. L’accord est moins axé sur la surprise que sur la qualité et l’excellence de la dégustation, sur la finition. Je dissocie bien les deux. Je ne bois pas pour avoir un accord mets/vins mais parce que je prends plaisir à rencontrer le travail d’un vigneron.
A l’ouverture du restaurant il y a deux ans, vous aviez pour objectif d’acheter une parcelle de terrain pour cuisiner vos légumes. Qu’en est-il aujourd’hui ?
G.M : Je cherche à la fois un terrain pour mes légumes et pour y habiter. Les travaux de restauration de la Place St Sernin ont été très compliqués pour nous. Il va certainement y avoir un renouveau mais ce quartier n’a pas la même popularité ou la clientèle affiliée à mon établissement et Toulouse fonctionne par quartiers. L’emplacement est essentiel. Demain, si j’ai 2 étoiles Michelin, on en reparlera. J’aimerais refaire la façade du Sept mais le propriétaire des murs veut que je la finance. Nous attendons de trouver un accord. Si je dois bouger, je pourrais très bien acquérir un appartement de 200 m2 entre la Place Jeanne d’Arc et la rue Alsace Lorraine, si possible au dernier étage et cela donnerait vraiment l’idée de recevoir chez soi. On peut toquer à la porte et on rentre chez quelqu’un. Si la disposition du restaurant le permet, cela lui apportera encore plus de valeur.
Quels sont vos projets ?
G.M : Je vise la 3ème étoile car il n’y en a jamais eu à Toulouse depuis le siècle dernier. Après c’est du travail, ce n’est pas de la prétention, mais si je peux y arriver, pourquoi pas.
La deuxième étoile prend beaucoup de temps. Je dirais que ce qui fait la différence pour moi, c’est l’assiette et comment on va la présenter. On la déguste dans un certain contexte, une ambiance et à la 3ème, tout est parfait. Cela commence dès votre arrivée à la porte, si quelqu’un vous attend ou vous dit juste « j’arrive ». Il faut pouvoir discuter.
Ensuite j’ai pour projet de m’associer à BMW dont je suis ambassadeur, pour monter un événement caritatif en faveur des enfants le soir de Noël. J’avais monté une opération il y a deux ans en faveur des gens qui travaillent à Noël, grâce à Steve Gallais, ami et directeur de l’agence de communication Verywell. C’était un moment magique, 9h d’événement avec simplement mon frère et ma femme pour servir entrées, plats, desserts dans un Food Truck, à titre entièrement bénévole. Cette année, cela devrait se passer chez BMW avec une quantité d’animations.
Mais cela fait 14 ans que je suis cuisinier. Quel que soit le nombre d’étoiles, à 40 ans, j’arrête. Je repartirai dans l’apprentissage. Cette dead line m’oblige à profiter à fond ! C’est comme un dernier verre de vin. Vous savez que c’est le dernier et vous en savourez chaque gorgée. Là c’est pareil, il me reste 11 ans à profiter de la cuisine, après on fera autre chose, il devrait me rester encore 43 ans à vivre, maximum ! J’aurai peut-être un bistrot avec une équipe de confiance pour passer avec elle des bons moments le soir, mais je ne serai plus en cuisine. J’ai une passion pour la course automobile. Je ne me l’interdis pas. C’est un des buts ultimes de ma vie.
Restaurant Sept
7 place Saint-Sernin • Toulouse
Tel : 05 62 30 05 30
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