Le Théâtre du Capitole a décidé de nous surprendre. En effet, en ouverture de saison “capitoline“, nous avons droit à un ouvrage que personne dans le public ne pourra se vanter d’avoir déjà entendu sur une scène en France, me semble-t-il. Peut-être à l’étranger s’ils ont fait une escapade jusqu’à Zurich en 2009, ou un an plus tôt à Barcelone en 2008 mais la production était la même. C’est le cadeau de départ de notre ex-Directeur artistique, Frédéric Chambert.
Un clin d’œil tout de même puisque l’action est sensée évoluer près de chez nous, dans les Pyrénées et basses plaines catalanes que certains parmi nous arpentent avec ardeur, Tiefland signifiant Les Basses Terres. La découverte sera donc totale, et pourquoi pas ? Nous serons tout ouïe et yeux grands ouverts tout en nous gardant de coller trop vite quelque étiquette inutile sur l’ouvrage. Quelques mots sur le compositeur Eugène d’Albert avant que notre nouveau Directeur artistique Christophe Ghristi vous informe par une courte mais brillante intervention par vidéo, ainsi que les protagonistes principaux par le même procédé.
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Eugène est né en 1864 de père français, mais à Glasgow où le papa exerçait ses talents de professeur tout en composant. Il donna lui-même ses premières leçons de musique à son fils, auquel Arthur Sullivan enseigna la composition. Un certain Pauer lui donnera plus tard des leçons de piano à la National Training School de Londres. Le jeune garçon se révèle très doué et recevra de sérieux encouragements du grand chef d’orchestre Anton Rubinstein. Il a tout juste seize ans quand il part pour Vienne, Weimar, Berlin, où ses interprétations de Bach et Beethoven sont très remarquées. Nous sommes en 1880. Il devient alors l’élève d’un Liszt vieillissant mais toujours là et il confirme sa très grande notoriété au fil des années.
Il aborde, comme son père, la composition et livrera au total 21 opéras dont un seul fera date alors, Tiefland. Mais il n’ignore pas la direction d’orchestre, et est nommé en 1907, directeur de la Hochschule für Musik de Berlin. Dans ses compositions, il subit bien sûr les influences des écoles allemandes et autrichiennes, à peine titillées par une certaine renaissance de la musique française avec Debussy et Ravel. De l’autre côté du Rhin, nous avons bien Gustav Mahler et ses symphonies, Hugo Wolf et ses mélodies, Richard Strauss, né la même année, et ses poèmes, les savants canons de Max Reger, tous ces musiciens auxquels on peut ajouter Max Bruch, d’Engelbert Humperdick, Max von Schillings, Hans Pfitzner. Il y a du beau monde autour d’Eugène d’Albert. On n’oublie pas que nous sommes aussi en plein vérisme. D’Italie, lui parviennent des accents pucciniens, et aussi de Mascagni, de Giordano. Il décède en 1932 à Riga en Lettonie.
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L’opéra est en un prologue et deux actes. Le livret de Rudolph Lothar est tiré d’une pièce catalane, Tierra Baixa, d’Angel Guimerà. Il est créé à Prague le 15 novembre 1903. L’ouvrage ira jusqu’à Londres et même New-York mais ignorera la France d’alors. Si nous résumons un peu l’histoire :
Prologue : Pedro (ténor), un pâtre, vit seul sur une cime solitaire des Pyrénées. Peu à peu, le besoin d’une compagne se fait sentir. Sebastiano (baryton) est un riche propriétaire et l’employeur de Pedro. Il rend visite à son berger et lui propose comme épouse la jeune Martha (soprano). Deux motifs à cela, le premier est de s’assurer que le berger reste là et ensuite, en arrangeant ce mariage, il compte couper court aux commérages qu’ont suscités, non sans raison, les relations qu’il entretient avec la jeune femme. Pedro, ignorant de tous ces calculs, accepte la proposition.
Acte I. Naïve, la toute jeune Nuri (soprano) raconte à quelques paysannes une conversation qu’elle vient de surprendre entre Sebastiano et Martha, et qui ne laisse subsister aucun doute sur leurs relations. Pedro descend de sa cime pour la cérémonie de mariage. Les quolibets des villageois vont exciter sa colère et quelques voies de fait précèderont le cortège nuptial qui s’ébranle. Le vieux domestique Tommaso défie son maître qui ne dira mot de ses intentions, et la nuit de noces ne sera pas ce qu’elle aurait dû être. C’est alors que Pedro offre une sorte de talisman à Martha. C’est un thaller d’argent qu’il a reçu en récompense de son maître pour avoir affronté et tué le loup qui agressait le troupeau. Mais ils ne dormiront pas ensemble.
ActeII. En cadeau de mariage, Sebastiano a offert à son berger un moulin mais ce dernier se sent trop malheureux dans la plaine et n’aspire qu’à rejoindre les hauteurs. Martha, qui jusque là avait dédaigné toutes les marques d’affection de son jeune époux commence à voir les choses différemment et est même jalouse de la toute jeune Nuri. Martha raconte sa pénible enfance au vieux Tommaso et semble entendre une voix qui lui dit que Pedro est l’homme qu’il lui faut. De Tommaso, Martha apprend que Pedro ignore tout de la vie de sa femme avant le mariage. Et les paysannes continuent à se moquer de ce pauvre époux. Suit une explication orageuse entre les deux nouveaux mariés qui verra même Pedro blesser Martha mais, ils se rendront compte alors combien ils s’aiment. Ils décident de retourner à la montagne. Sebastiano tentera bien de s’y opposer mais il finira étranglé par Pedro qui, avec sa femme, se réfugie dans la solitude.
Ainsi se termine une œuvre pathétique à souhait en beaucoup de scènes, comportant des passages d’émotion pure, et de beauté simple et pastorale comme vous pourrez donc en juger.
Michel Grialou
Du 29 septembre au 8 octobre,
au Théâtre du Capitole,
place du Capitole, Toulouse.
Tél. : 05 61 63 13 13