La Cinémathèque de Toulouse affiche une rétrospective dédiée au cinéaste japonais Akira Kurosawa.
Après la signature de la paix entre les États-Unis et le Japon, en 1951, les films japonais s’imposent aussitôt dans les festivals européens. L’Europe découvre une cinématographie jusque-là inconnue lorsque « Rashômon », d’Akira Kurosawa, obtient le Lion d’or à Venise cette année-là, propulsant le cinéaste en fer de lance du cinéma japonais. Né en 1910, celui-ci venait alors de réaliser « l’Ange ivre » (1948) – confrontation d’un médecin alcoolique et d’un jeune homme refusant de traiter sa tuberculose – qui marque sa rencontre avec son acteur fétiche Toshiro Mifune, avec lequel il totalisera seize collaborations.
Entre film noir américain et expressionnisme européen, « l’Ange ivre » est un grand succès à sa sortie au Japon et lance la carrière du cinéaste et celle de l’acteur. Ils se retrouvent l’année suivante dans « Chien enragé », errance d’un policier en quête de son pistolet de service dérobé par un pickpocket. Mifune y partage encore l’affiche avec Takashi Shimura, l’autre acteur fétiche de Kurosawa. Deux œuvres dont le style est caractéristique des films qu’il signe durant cette période, où la fièvre du réalisme urbain se mêle à un humanisme fertilisé sur les ravages causés par la guerre.
Se détournant des studios de l’époque, Kurosawa s’est libéré des conventions en créant sa société de production. S’il s’emploie à restituer les mutations de la société japonaise de sont temps, il sera surtout célébré pour ses films historiques. Mais le cinéma de Kurosawa est toujours traversé par un humanisme triomphant qui ne cesse de s’approfondir au fil des années. En 1975, « Dersou Ouzala » (photo) – Oscar du film étranger – décrit ainsi une amitié transgénérationnelle avec pour décor les splendeurs de la taïga soviétique. Toujours au plus près de ses personnages, le cinéaste atteint l’universel tout au long d’une filmographie s’étalant, dès 1943, sur cinquante années d’activité.
Influencé par la culture occidentale, il réalise en 1951 « l’Idiot », d’après Dostoïevski, et signe en 1957 deux adaptations de classiques européens : « les Bas-fonds » d’après la pièce de Gorki, et « le Château de l’araignée » d’après « Macbeth », de Shakespeare – il se serait également inspiré d »Hamlet » en 1960, pour « les Salauds dorment en paix ». Après avoir obtenu la Palme d’or à Cannes pour « Kagemusha », il livre en 1985 « Ran », une transposition du « Roi Lear » dans le Japon du XVIe siècle. À 73 ans, soit l’âge du Roi Lear, il est alors au sommet de son art.
Adulé par de nombreux artistes, Kurosawa voit ses chefs-d’œuvre recyclés en Occident: « Les Sept samouraïs » (1954) et « Yojimbo » (1961) deviennent « les Sept mercenaires » en 1960 et « Pour une poignée de dollars » en 1964. Dix-neuf ans après la disparition du maître japonais, vingt-quatre de ses films sont projetés cet hiver à la Cinémathèque de Toulouse.
Jérôme Gac
une chronique du mensuel Intramuros
Du 27 janvier au 15 mars,
à la Cinémathèque de Toulouse,
69, rue du Taur, Toulouse.
Tél. : 05 62 30 30 11.