Des murmures sur un fond noir, le visage d une jeune fille, Thomasin (Anya Taylor-Joy) apparaît quand se fait entendre une voix grave qui interroge les responsables de la communauté. C’est son père William (Ralph Ineson), qui revendique sa conduite, alors qu’eux l’accusent de déshonorer la communauté, ainsi que l’Église. Lui, Katherine sa femme enceinte (Kate Dickie) et leurs quatre enfants sont bannis. L’inquiétude de Thomasin tremblante, la fierté inflexible du père. Nous sommes en Nouvelle-Angleterre, au début du 17e siècle. La famille de Thomasin prie Jéhovah durant le trajet en carriole jusqu’à leur nouveau point de chute, à la lisière d’un bois, loin de toute civilisation, mais avec une sorcière.
La religion accompagne chaque acte de cette famille qui compte maintenant cinq enfants. Mais quand le dernier né Samuel disparaît alors que Thomasin le surveille, la mère reste inconsolable (sans baptême, l’âme ne peut aller au paradis). Le fils questionne alors légitimement son père sur les fondements de leur croyance, tout en récitant des textes sacrés comme « j’ai été conçu dans le péché ». Alors que tout péché est évidemment proscrit et doit être confessé, un pieu mensonge du père permettra lui aussi aux doutes et à la suspicion de s’insinuer au cœur de cette famille. Est-ce Dieu qui les met à l’épreuve ou le Diable serait parmi eux ?
A l’opposé des champs-contrechamps habituels avec apparitions qui font sursauter, The Witch propose la beauté de la photographie, que ce soit les extérieurs monochromes ou les intérieurs éclairés à la bougie, et le travail minutieux du son, qui participent à ce climat anxiogène. Pour son premier long-métrage, Robert Eggers laisse le temps à cette peur palpable de s’installer : une plaisanterie pour faire peur aux plus petits servira d’argument, les paroles farfelues d’enfants seront considérées comme vérité. Dans cette famille puritaine où la parole divine ramène la sensualité à un tabou, et la sexualité à un péché, le calvaire de Thomasin, et sa famille, est aussi terrifiant que l’élévation spirituelle nécessaire pour être apaisé.
Au « Pourquoi sommes-nous venus dans ces contrées sauvages ? » que demandait William avant d’être banni, Robert Eggers répond par un conte avant les procès des sorcières de Salem : si la naissance d’une nation engendre la création de mythes, celui est The Witch a New-England folktale est d’une beauté ensorcelante et dérangeante.