Rencontre avec Annie Ernaux, librairie Ombres Blanches
15h05 : La rencontre est à 16h00, j’arrive donc confiante. Sauf que la salle est trois quarts pleine. Enfin, par pleine, il faut comprendre que les dames présentes réservent des places pour leurs amis. Et « dames » car le seul monsieur présent ne réserve rien.
15H15 : plus aucune possibilité de s’asseoir. Les gens debout s’accumoncellent en fond de salle.
15h20 : monsieur Thorel prend le micro, et demande que les places précieusement gardées ne le soient plus pour que ceux qui sont debout puissent d’asseoir. Aucune réclamation, tout le monde s’exécutent. Toutes les chaises sont donc occupées.
15h30 : Autant de monde assis que debout.
15h55 : La rencontre commence. C’est monsieur Thorel qui l’anime en rappelant que « Mémoire de fille » est le grand succès du printemps dans sa librairie. Annie Ernaux évoque la difficulté à trouver l’angle pour écrire ce livre, que tout a débuté par la phrase « il n’y avait aucune photo d’elle cet été-là », de la nécessité du « je » pour la femme de 2014 et « elle » pour la fille de 1958, de rendre compte d’une réalité personnelle, pas seulement intime avec cette génération de filles qui craignent de tomber enceinte, les garçons qui partent pour l’Algérie, la mixité rarissime de l’époque. Le souvenir de cette première nuit sexuelle, ce désir masculin extrême, le fait qu’elle ne sache pas la suite, ce rapport violent et dépourvu de pensées. La honte qu’elle aura au contact des filles du lycée, de l’enseignement de la philosophie, des lectures de Simone de Beauvoir, et le fait aussi qu’elle cherche son amant dans les rues de Rouen. L’écriture pour Annie Ernaux n’est pas une psychanalyse, elle s’en explique très sereinement et clairement durant cette heure d’échange, et répond de la même façon aux attaques qu’elle reçoit sur le fait qu’elle écrirait le même livre.
Marie Darrieussecq lit « Être ici est une splendeur »
17h30 : récupération du sésame au musée des Augustins. Les bénévoles ont installé leur table sous l’arbre. Il faut dire que ça cogne dur.
18H10 : les marathoniens sont des vampires.
18h20 : pourquoi découvre-je ce salon rouge que maintenant ? quelle salle !
18H30 : Marie Darrieussecq commence par un constat : elle est heureuse d’être entourée de tableaux pour parler de la peintre Paula Modersohn-Becker (1876-1907). Elle interrompra sa lecture pour commenter à haute voix son travail d’écriture ou le contexte historique de l’époque, sorte de guide du roman écrit à partir de journaux intimes de la peintre et de ses proches (comme Rilke), de recherches comme pour toute biographie. Mon plaisir d’auditrice est comblé : découvrir une œuvre, et ses coulisses. « Je crois que j’ai écrit cette biographie pour ce genre de phrase » est un aveu qui me chavire. La lecture à voix haute de « chapitre 2 » permet de partager avec l’auditoire sa difficulté à couper une vie en chapitres, l’idée de ne pas suivre la chronologie des événements pour raconter une vie. C’est autant passionnant d’entendre la vie de Paula Modersohn-Becker, que les choix, retenus ou pas, de Marie Darrieussecq. La rencontre s’arrête sur le mariage de Paula. Passionnant.
Dominique Blanc de la Comédie-Française lit « Mémoire de fille » d’Annie Ernaux
20h20 : Dominique Blanc était déjà sur la scène du Capitole avec Philippe Calvario pour l’ouverture officielle de la 10e édition du Marathon des Mots, avec la lecture de « L’Amant ». Cette année, elle lit « Mémoire de fille » d’Annie Ernaux. Les Toulousains avaient déjà eu la lecture de « L’Occupation » en juin 2014 à la Cinémathèque de Toulouse. Ce n’était pas un événement Marathon des Mots, mais c’était très bien quand même (la captation est ici).
Nous assistons donc à la lecture du texte présenté quelques heures plus tôt. Dominique Blanc transmet à merveille l’affection qu’elle a pour cette auteure. La lecture correspond aux premières pages du roman, jusqu’à la première nuit avec un homme. « Et pour savoir la suite, lisez le livre » lancera avec un sourire malicieux Dominique Blanc, qui avec l’élégance qui la caractérise, demandera que les applaudissements mérités qu’elle reçoit en fin de lecture soient partagés avec Annie Ernaux, présente dans la salle, qui la rejoindra pour des remerciements réciproques.
Entre « Mémoire de fille » et « Être ici est une splendeur », la même idée a été lue ce jeudi, très clairement écrite pour deux époques et deux pays différents : le nom des filles n’est que transitoire. Heureusement que ce constat n’est plus d’actualité (rires).