Toulouse. Halle-aux-Grains, le 9 décembre 2014 ; Olivier Messiaen (1908-1992) : Turangalîla symphonie pour piano, Ondes Martenot et grand orchestre. Roger Muraro, piano ; Valérie Hartmann-Claverie, Ondes Martenot ; Budapest Festival Orchestra ; Direction : Ivan Fischer.
Cette symphonie pléthorique est peut être la commande la plus extraordinaire jamais faite à un compositeur. Laisser un telle liberté au compositeur est rare : pas de délais, durée choisie par le compositeur et tout l’effectif laissé à son appréciation. Serge Koussevitzky pour le Boston Symphony Orchestra a du attendre 2 ans pour que Messiaen lui livre sa symphonie en dix mouvements et d’une durée de plus de 80 minutes. Aujourd’hui le plus grand mérite de cette œuvre est une utilisation habile et spectaculaire des Ondes Martenot. Car aucun instrument de l’orchestre, ni même le piano ne sont utilisés de manière vraiment nouvelle ou originale. Les talents d‘orchestrateur de Messiaen sont ici assez modestes, les redites sont fréquentes et une certaine boursouflure dans l’écriture fait peser sur l’ensemble une charge de grandiloquence. La direction d’ Ivan Fischer est très lyrique essayant de donner un peu de chaleur à cette partition minérale scintillante. L’amour qui sous tend le propos de la symphonie manque terriblement de sensualité.
Avec une caractérisation de chaque mouvement Ivan Fischer crée une belle diversité évitant la lourdeur que la symphonie peut provoquer. L’orchestre du Budapest Festival est remarquable par ses qualités instrumentales et sa virtuosité. Les couleurs et les nuances sont exacerbées par une direction précise et stimulante. Roger Muraro, avec ses immenses mains fait fi des difficultés de sa partie et défend l’utilisation percussive du piano avec virtuosité. Toute le legato et moelleux vient des ondes Martenot. Valérie Hartmann-Claverie est la grande spécialiste de cet instrument aussi rare que mystérieux. Le surnaturel suggéré par cet instrument ouvre cette symphonie sur une dimension spaciale vertigineuse. L’aisance de Valérie Hartmann-Claverie est stupéfiante d’autant qu’elle joue par cœur. C’est donc elle qui sera la reine de la soirée, apportant beaucoup a cette œuvre, par la rareté de son instrument.
Un grand chef et un orchestre superlatif ont défendu avec panache une œuvre qui permet d’entendre les si rares Ondes Martenot.
Hubert Stoecklin