Johann Sebastian Bach
Cantate BWV 31
« Der Himmel lacht ! Die Erde jubilieret » durée ~ 24’
Cantate BWV 4
« Christ lag in Todesbanden » durée 22’
Wolfgang Amadeus Mozart
Grande Messe en ut mineur, K. 427 durée 55’
Les Musiciens du Louvre Grenoble
Marc Minkowski direction musicale
Ditte Andersen soprano 1
Ana Quintans soprano 1
Marianne Crebassa soprano 2
Pauline Sabatier soprano 2
Carlos Mena contre-ténor à registre d’alto
Owen Willetts contre-ténor à registre d’alto
Colin Balzer ténor
Jan Petryka ténor
Charles Dekeyser basse
Luca Tittoto basse
L’effectif orchestral consiste en : 1 flûte, 2 hautbois, 2 bassons, 2 cors, 2 trompettes, 3 trombones, timbales, orgue et pupitres de cordes.
L’effectif vocal adopté par le chef : voir ci-dessous. Les solistes sont membres du chœur.
De Marc Minkovski, expliquant son choix dans la façon d’interpréter les œuvres au programme : « Avec les années, j’ai acquis la conviction théorique, historique, mais aussi simplement musicale que les travaux initiés par Joshua Rifkin il y a trente ans nous guidaient sur la bonne voie. Pas la seule évidemment. Les passions et les cantates de Bach s’adressent à tout le monde, aux chorales de toute taille et de toute nature. Mais depuis que j’ai expérimenté le fameux « un par partie » dans la Messe en si mineur il y a quelques années, je comprends comment tout cela fonctionne, à quoi correspond cette pensée dans laquelle écriture et contrepoint de clavier ne font qu’un. La musique de Bach est toujours gigantesque, peu importent les moyens mis en œuvre ».
Marc Minkowski a d’abord étudié la musique en se consacrant au basson, pour très vite préférer la direction d’orchestre. À dix-neuf ans, il va fonder un ensemble Les Musiciens du Louvre, qui prendra une part active au renouveau baroque et avec lequel il défriche aussi bien le répertoire français (Lully, Rameau, Campra, Marais, Mouret, Rebel, Mondonville…) que Handel (premiers enregistrements du Trionfo del Tempo, d’Amadigi et de Teseo, mais aussi Ariodante, Giulio Cesare, Hercules, Semele, les motets et la musique d’orchestre), avant d’aborder Mozart, Rossini, Offenbach, Bizet ou Wagner.
Ce qui ne l’empêche pas de sillonner l’Europe, avec ou sans son orchestre, de Salzbourg à Bruxelles et d’Aix-en-Provence à Zurich (Il Trionfo del Tempo, Giulio Cesare, Agrippina, Les Boréades, Fidelio, La Favorite).
Régulièrement à l’affiche de l’Opéra de Paris (Platée, Idomeneo, Die Zauberflöte, Ariodante, Giulio Cesare, Iphigénie en Tauride, Mireille) et au Châtelet (La Belle Hélène, La Grande-Duchesse de Gérolstein, Carmen, Les Fées de Wagner en création française), on l’aperçoit aussi dans d’autres théâtres parisiens, notamment l’Opéra Comique où il ressuscite La Dame blanche de Boieldieu, dirige en 2002 Pelléas et Mélisande de Debussy, Cendrillon de Massenet en 2011; mais aussi à Venise (Le Domino noir d’Auber), Moscou (création scénique de Pelléas en Russie, spectacle d’Olivier Py), Berlin (Robert le Diable, Il Trionfo del Tempo en 2012), Amsterdam (Roméo et Juliette, les Iphigénies, en Aulide et Tauride, 2011), Vienne (Hamlet en 2012) ou au Staatsoper où les Musiciens du Louvre Grenoble furent en 2010 le premier orchestre français à se produire dans la fosse avec l’Alcina de Handel.
Directeur musical du Sinfonia Varsovia depuis 2008, Marc Minkowski est également l’hôte régulier d’orchestres symphoniques avec lesquels son répertoire évolue de plus en plus vers le XXe siècle de Ravel, Stravinsky, Lili Boulanger, Albert Roussel, John Adams, Henryk Gorecki ou Olivier Greif.
Marc Minkowski a été nommé directeur artistique de la Mozartwoche à Salzbourg, dont il assumera la programmation à partir de l’édition 2013. En juin 2011, il a inauguré «Ré Majeure», le festival qu’il a créé sur l’Ile de Ré.
Les Musiciens du Louvre Grenoble, et Marc Minkowski, direction musicale.
Fondé en 1982 par Marc Minkowski, l’ensemble Les Musiciens du Louvre Grenoble fait revivre les répertoires lyriques et symphoniques des périodes baroque, classique et romantique sur instruments d’époque.
Depuis trente ans, l’Orchestre s’est fait remarquer pour sa relecture des œuvres de Handel, Purcell et Rameau, mais aussi de Haydn et Mozart ou plus récemment de Bach. Mais il est aussi reconnu pour son interprétation de la musique française du XIXe siècle : Berlioz (Les Nuits d’été, Harold en Italie), Bizet (L’Arlésienne), Massenet (Cendrillon)…
Parmi leurs récents succès lyriques, on remarque Cosi fan tutte de Mozart au Festival de Salzbourg, Alcina de Handel à l’Opéra de Vienne et Il Trionfo del Tempo e del Disinganno de Handel au Staatsoper de Berlin.
Cantates BWV 4 et BWV 31
« Nulla dies sine cantata… ». Oui, aucun jour sans cantate. Pendant les 27 dernières années de sa vie, à peu près chaque lundi que le Seigneur faisait, il s’enfermait chez lui, prenait son papier réglé et composait une Cantate. Ecrite dans l’après-midi, répétée dans la semaine, elle était généralement créée le dimanche. Opération ainsi répétée des dizaines et dizaines de fois. Mais on a sûrement exagéré !
Les deux au programme de ce concert entrent dans la catégorie des cantates sacrées, ou d’église, qui se placent au centre de la production vocale du compositeur : oratorios, passions et motets. A côté, nous trouvons une poignée de cantates profanes. 26 tout de même !
Sur les quelques deux cents d’église qui nous sont parvenues, très peu furent datées par le musicien. Il en écrivit pour des formations très variées, avec ou sans chœurs. C’est dans ces œuvres qui rythment le calendrier liturgique que Bach se livra peut-être avec le plus de sincérité, « mettant en drame », comme d’autres mettent en scène, les errements, les doutes, les angoisses, les jubilations d’une âme croyante. Les cantates étaient en principe chantées après les Epîtres ou l’Evangile, et basées sur un texte illustrant le commentaire du jour. Chaque cantate était ainsi conçue pour une circonstance particulière, d’où l’énorme diversité de ton des œuvres de ce genre. Certaines subiront de nombreux remaniements en fonction de la disponibilité des musiciens mais aussi des masses chorales et des solistes et enfin des lieux d’exécution. Mais, n’importe laquelle des deux cents cantates parvenues réalisent un somptueux mariage entre le robuste choral luthérien et une préoccupation nouvelle, qui tient de l’opéra à l’italienne ou du chant avec accompagnement orchestral. Musique engagée, musique de foi, toujours plus belle à force d’être semblable.
Les cantates BWV 4 « Christ lag in Todesbanden » (Le Christ gisait dans les liens de la mort) et BWV 31 « Der Himmel lacht ! Die Erde jubilieret » (Le Ciel rayonne ! La terre exulte) appartiennent à cette catégorie toutes deux, écrites pour le dimanche de Pâques. Et toutes deux de durée voisine. Pâques étant la plus grande fête de l’année liturgique, les œuvres destinées à la solenniser s’ornementent souvent d’un riche effectif instrumental.
La première, BWV 4 composée spécialement pour Pâques 1707, est une œuvre magnifique sur le thème de la victoire de Dieu sur la mort, œuvre de jeunesse, d’un Bach âgé de 22 ans. Le texte s’en tient uniquement aux sept strophes d’un choral de Martin Luther, d’une grande valeur poétique, dont chacune donne droit à un traitement musical différent. « La foi tient la mort en échec » dira Gil Pressnitzer (blog : esprits nomades).
La cantate BWV 31 aurait été exécutée pour la première fois le jour de Pâques 1715. Il s‘agit de l‘une des rares cantates de Weimar qui par l‘ampleur de l‘instrumentation suggèrent un lieu originel d‘exécution autre que la galerie des musiciens de la chapelle du château de Weimar… [peut-être] à l‘église municipale, Saint-Pierre et Saint-Paul, une difficulté liée donc au lieu et qui peut expliquer le pourquoi de telle ou telle révision puisque celle-ci en subira plusieurs, celle que nous connaissons étant datée de 1731. C’est l’allégresse de la résurrection qui se manifeste. La distribution vocale et instrumentale inhabituelle et assez somptueuse, est toute fondée sur l’ambiance de ce jour de fête.
La Grande Messe en ut mineur est avec le Requiem et la Messe du Couronnement, l’un des chefs-d’œuvre absolus de la musique sacrée du “divin“ Mozart. Messe-cantate imposante et inspirée, elle constitue un maillon génial dans la création spirituelle occidentale jalonnée par ces autres sommets que sont la Messe en si de Bach, la Missa Solemnis de Beethoven, les grandes messes de Haydn, Schubert ou Bruckner, ou encore, les Requiem et Te deum de Berlioz, ou les Requiem de Dvorak et Verdi.
Mozart conçoit ce joyau comme une preuve d’amour pour Constance Weber qu’il épouse le 4 août 1782. A ce sujet, c’est la seule œuvre sacrée qui ne soit pas le résultat d’une commande. La lettre qu’il adresse à son père depuis Vienne le 4 janvier 1783 est formelle : « A l’égard de l’obligation morale, rien n’est plus exact… et ce n’est pas sans dessein que ce mot est tombé de ma plume. J’ai véritablement fait cette promesse dans mon cœur, et, véritablement, j’espère la tenir… mais comme preuve de la réalité de mon vœu, j’ai la partition de la moitié d’une messe, et qui donne les meilleures espérances. » La messe en question n’était donc ni destinée à son mariage, ni à une liturgie salzbourgeoise, et il s’agit donc bien d’une messe votive à venir.
La partition autographe n’existe qu’à l’état incomplet, et on s’interroge sur le pourquoi de cette œuvre inachevée. Elle se retrouve ainsi associée à une autre, inachevée, le Requiem, mai là, on sait pourquoi. Les conjectures sont nombreuses. L’une est rarement avancée : c’est fin décembre 1784, son affiliation à la Loge maçonnique viennoise de la “Bienfaisance“. A partir de ce fait, il n’écrira plus de musique religieuse jusqu’à sa mort, sauf quelques Kyrie et le fameux Requiem. Le catholique, croyant convaincu et pratiquant fidèle, était-il dans le doute ? Pourtant, de ce point de vue, il y avait nulle contradiction pour un catholique convaincu, à être ce qu’on peut appeler un franc-maçon pratiquant. Les loges viennoises n’éditaient-elles pas, elles-mêmes, des livres de prières ?
Enfin, peu importe. Si c’est la transfiguration des influences stylistiques qui a pu conférer à ce chef-d’œuvre cette bouleversante grandeur que l’on éprouve à la fois dans la désolation tragique du Kyrie, bouleversant lever de rideau, le jaillissement du Gloria, bourrasque jubilatoire à la pulsation irrésistible, la lumineuse virtuosité des airs de sopranos dans le Landamus te ou le Domine Deus, magnifique imploration, le souffle visionnaire du Qui Tollis à l’indicible angoisse, la puissance incantatoire du chœur fugué du Cum Santo Spiritu, la poignante beauté du Et incarnatus est ?
Devant l’état d’inachèvement de l’œuvre, se pose le problème du choix du matériel devant les nombreuses éditions se retrouvant sur le marché. Et par conséquent le choix de l’une d’entre elles, constitue bien ipso facto un parti pris interprétatif, même si dans le cas présent, la musique transcende absolument les diverses reconstitutions ou recompositions. Mais une chose est certaine, la réduction des effectifs choraux et l’utilisation des instruments dits “anciens“ ou “d’époque“ ont introduit une rupture salutaire, qui me satisfait personnellement davantage surtout quand l’exécution est du niveau de celle qui nous attend. Du moins, a-t-on prié pour !!
Michel Grialou
Mardi 26 mars – Halle aux Grains
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