Le jeudi 27 février dernier, le Directeur musical de l’Orchestre national du Capitole retrouvait enfin ses musiciens après une courte interruption due à des problèmes de santé. Rejoint par la brillante violoncelliste argentine Sol Gabetta, Tarmo Peltokoski a dirigé avec fougue un programme contrasté et ouvert que le public a acclamé avec enthousiasme.
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L’Orchestre national du Capitole dirigé par Tarmo Peltokoski avec la violoncelliste Sol Gabetta – Photo Classictoulouse –
A la veille du départ de l’Orchestre et de son chef pour une tournée internationale, la Halle aux Grains reçoit les futurs voyageurs vers la Philharmonie de Paris, Grenade et les plus prestigieuses salles de concert d’Allemagne : Berlin, Dortmund, Freiburg, Hambourg, Hanovre, Cologne et Düsseldorf.
En avant-première, le programme du concert toulousain du 27 février s’ouvre sur l’une des grandes œuvres-signatures de musique française de notre Orchestre, le fameux Prélude à l’Après-midi d’un faune, sous-titré « Églogue pour orchestre d’après Stéphane Mallarmé », de Claude Debussy. Tarmo Peltokoski le dirige ici avec une retenue et un raffinement extrêmes. Ainsi, la flûte évanescente de Mélisande Daudet, l’excellente soliste de la soirée, émerge doucement du silence. La progression vers une sorte d’éblouissement solaire joue sur la sensualité des timbres, pour atteindre ce ruissellement des couleurs si caractéristique de l’écriture orchestrale de Debussy. Le decrescendo final retourne au silence initial dans un déploiement subtil de nuances. Il est difficile de ne pas parler ici d’Impressionnisme, même si Debussy lui-même réfutait cette qualification !
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Tarmo Peltokoski – Photo Romain Alcaraz –
La violoncelliste Sol Gabetta joue ensuite la partie soliste de Schelomo – Rhapsodie hébraïque pour violoncelle solo et grand orchestre, l’un des chefs-d’œuvre du compositeur suisse Ernest Bloch. L’œuvre, composée en 1916 et qui s’inspire du personnage de Salomon, bénéficie d’une écriture particulièrement riche et contrastée. Si le violoncelle solo est entouré d’un orchestre par instants extrêmement sonore, il ne s’exprime vraiment que lors des accalmies. Les trois mouvements enchaînés alternent désespoir et lutte. Les grandes envolées orchestrales brillent de mille feux et donnent la parole à quelques solos émouvants comme celui du hautbois valeureux de Louis Seguin. Lorsque le violoncelle s’exprime, il devient voix humaine. Sol Gabetta transmet avec une impressionnante intensité expressive les plaintes, les lamentations, mais aussi les révoltes suggérées par cette partition forte et dense. La beauté de sa sonorité et la virtuosité de son jeu s’intègrent sans ostentation dans la grandeur de son interprétation. Une prestation chaleureusement saluée par un public conquis.
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Sol Gabetta, soliste de la Rhapsodie Schelomo d’Ernest Bloch – Photo Classictoulouse –
Au point de susciter le retour de la violoncelliste et du chef pour un bis qui prolonge l’exécution de Schelomo. La première des trois pièces intitulées « From Juwish life » et sous-titrée « Prière », toujours d’Ernest Bloch, est interprétée dans sa version pour violoncelle et orchestre à cordes. Un grand moment d’émotion comme une méditation hors du temps.
Toute la seconde partie de la soirée est consacrée à la Symphonie n° 1 dite « Titan » de Gustav Mahler. Tarmo Peltokoski en dirige le premier volet en respectant parfaitement les indications précises du compositeur : « Lentement. En traînant. Comme un bruit de la nature-Très tranquillement au début ». Emergeant du silence, la montée progressive évoque la recherche d’une voie lumineuse qui finalement en éclaire le final éclatant. Au point de susciter quelques applaudissements intempestifs vite réprimés…
Le deuxième mouvement, « Puissant, agité, mais pas trop rapide » ne manque pas d’une certaine ironie. Le troisième « Solennel et mesuré sans traîner… » s’ouvre sur le fameux solo de contrebasse, admirablement détaillé par Pierre Héquet, sorte de « marche funèbre » sur le thème de Frère Jacques (Bruder Martin dans sa version allemande !).
Le grand accord cataclysmique qui ouvre le final (« Tourmenté, agité ») explose littéralement. Il rappelle l’anecdote rapportée par un ami du compositeur qui, lors d’une visite aux chutes du Niagara, l’a entendu proclamer avec admiration devant le fracas des eaux : « Enfin, un fortissimo ! »… Ce final est ici somptueusement dirigé et exécuté par chaque pupitre. On remarque tout particulièrement l’ensemble des cors qui se lèvent lors de leur dernière intervention, respectant ainsi la demande explicite du compositeur. La puissance du son en est encore augmentée. La coda éclate enfin en apothéose, suscitant une ovation unanime de toute l’assistance.
On peut supposer, et même espérer, que ce programme sera également donné dans les escales de la prochaine tournée de l’Orchestre qui débute ce mardi 4 mars. Tous nos vœux accompagnent notre formation symphonique et leur Directeur musical !
Serge Chauzy
une chronique de ClassicToulouse
Orchestre national du Capitole