Il est le contre-ténor star des opéras de Haendel, aura qu’il partage avec quelques autres illustres chanteurs de cette catégorie de nouvelles stars du chant qui consacrent leur immense talent et un travail acharné à l’opéra baroque, entre autres. Et le public est au rendez-vous, de plus en plus nombreux et enthousiaste. En un mot, il fait partie des nouvelles “coqueluches“ des nombreuses scènes d’art lyrique.
« Ma relation à ma voix est indescriptible. C’est comme vivre avec deux âmes ou être … en couple ! »
On l’attendait dans Written on skin cet automne au Capitole. Hélas, il nous fit faux – bond. Dommage car sa prestation à Aix durant l’été dans la création mondiale de cet opéra contemporain de George Benjamin fut couverte d’éloges, miraculeux d’expressivité et de musicalité qu’il fût. Et quand on sait que le compositeur a écrit spécialement pour la voix même de chaque protagoniste parmi les trois plus importants, les faisant chacun dédicataire, cela situe le talent de notre artiste. Mais, nous avons l’excellent souvenir encore intact du Belshazzar de Haendel, oratorio en trois actes courant mai 2011 sur la scène de notre Théâtre. Il y était un remarquable Cyrus, et par la présence scénique, mâle et mystérieuse, et par la voix dont le bas du registre se caractérise par ampleur, plénitude, richesse.
Pour ce récital, il présente un programme au tournant des styles baroque et classique qui nous invite à la découverte, du préclassicisme de Gluck et Jean-Sébastien Bach, et à celle du premier Mozart et de l’opéra seria à l’ère classique. Bizarrement, pas de Haendel, mais on peut supposer que quelques “encore“, “haendeliens“ qui sait ? sauront nous conforter sur la solidité et la puissance des médiums et des graves, et sur l’assise d’aigus vaporeux. Un admirateur vous dirait : « La voix envoûtante de Bejun Mehta n’est pas seulement cette construction comparable aux monuments égyptiens de Kheops ou de Saqqarah. Lorsqu’elle évoque le désespoir d’un héros comme Radamisto ou la perplexité d’un roi Pertharite, son timbre étoilé de mystère nocturne est une énigme aussi troublante que le Sphinx de Gizeh. »
Il est accompagné par un des ensembles de musique ancienne parmi les plus réputés, l’Akademie für Alte Musik Berlin dirigée par Bernhard Forck.
Enfin, l’artiste pourrait vous confier qu’il a grandi dans une famille de musiciens, qu’il a bien pour petit-cousin le chef d’orchestre Zubin Mehta ! qu’il a fréquenté la scène très jeune puisqu’il se produisait alors avec une voix exceptionnelle de soprano. Un disque est là pour prouver ce qui avait alors stupéfié un certain Leonard Bernstein : « Incroyable d’entendre autant de richesse et de maturité musicale chez un adolescent. » Hélas, catastrophe, la nature passe par là et la mue le propulse baryton. Une perte si douloureuse que l’adolescent attendra sept ans avant de pouvoir reprendre le chant. Il se consacrera au violoncelle, il n’est pas baryton pour rien, rencontre alors le violoncelliste Janos Starker, obtient un diplôme en littérature allemande, devient directeur artistique pour de grandes maisons de disques, et se remet enfin à travailler sa voix ce qui lui vaut une bourse d’études appuyée par l’immense contralto Marilyn Horne qui le pousse vers le chant comme contre-ténor.
Entre temps, il “tombe“ dans le New Yorker sur le portrait d’un certain David Daniels, contre-ténor de réputation internationale. La similitude de leur parcours achèvera de le convaincre qu’il est temps, à bientôt trente ans, de se frotter au répertoire des castrats du XVIIIè. Et voilà comment l’homme se retrouve à nouveau en couple …avec sa voix ! qui après tout n’avait baissé que d’une quinte, ou d’une quarte.
Michel Grialou
Théâtre du Capitole – lundi 4 février 20h
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